Faute. La scène, superficielle en apparence, n’a l’air de rien. Elle nous instruit pourtant sur les origines des expériences médiatiques, en une époque étonnante où la captation du débat politique (et ses dérives) par les communicants a atteint une sorte de paroxysme tragi-comique. Lors des commémorations du 18 juin 1940, au mont Valérien, Mac Macron a donc sévèrement recadré un jeune homme trop décontracté pour la circonstance. C’est toujours tentant la provocation, à cet âge-là. Préméditée ou pas, l’apostrophe lancée au prince-président allait créer l’événement: «Manu!» La réponse ne tarda pas: «Tu m’appelles le président de la République », a tancé l’hôte du palais, ajoutant cette phrase incroyable: «Si un jour tu veux faire la révolution, tu apprends d’abord à avoir un diplôme et à te nourrir toi-même.» Qui n’a pas pensé, alors, aux vieux maîtres d’école rigoristes en diable munis de leurs baguettes en bois nous tapant sur les doigts, manière de dire: «Quand tu seras dans la vie active, tu auras le droit de parler!» Que les choses soient claires. Héler de la sorte un chef de l’État par son diminutif supposé un jour de commémoration officielle – surtout au mont Valérien! – ne provoquera jamais l’assentiment du bloc-noteur, qui, parfois, prend goût à redonner du sacré au sacré, du moins dans les moments essentiels. Seulement, la disproportion de la repartie, en tant que genre symptomatique, révéla bien autre chose qu’une anecdotique réplique de principe. Que l’insolence soit réprimée publiquement, pas de problème. Mais que veut signifier exactement Mac Macron quand il évoque la «révolution», l’obtention d’un «diplôme» et le fait de «se nourrir» soi-même? La leçon de maintien, passe encore. La leçon de vie qui déborde sur l’être en son intimité, elle, devient déplacée, sinon une faute politique grave… Cette semaine, plusieurs journaux rappelaient opportunément deux autres scènes mémorables impliquant d’anciens présidents – qui avaient de la tenue. François Mitterrand, entendant «Mitterrand, fous le camp!», déclara: «C’est une rime pauvre.» Jacques Chirac, à quelqu’un qui le traitait de «connard», cria à haute et intelligible voix: «Enchanté, moi, c’est Jacques Chirac.» La classe. À moins que ce ne soit autre chose. Une certaine vision de son rapport aux citoyens…
Supérieur. À la vérité, les mots méprisants de Mac Macron ne sont pas sans nous rappeler ceux, vulgaires, de Nicoléon: «Casse-toi, pauvre con!» Nous venions de basculer dans un nouvel univers, qui, depuis, ne cesse de nous hanter. De là naissent – en partie – des interrogations qui dépassent le problème de la « sincérité » des élus qui nous représentent. Nous aimerions penser que celle-ci n’est pas en cause, mieux, que nous devrions nous interdire d’en juger. Mais, à partir du moment où des politiciens fondent leur stratégie sur l’exhibition de leur communication et de leur intimité et qu’ils réclament d’être regardés et écoutés, donc évalués à l’aune de ce critère, pourquoi s’en priver.
Pour rire... |
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 22 juin 2018.]
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire