La radicalité de la méthode a pour vocation de s’imposer à tous: «l’État, c’est moi», «l’exécutif, c’est moi», «le patron de la start-up France, c’est moi», «le parti, c’est moi»… pour un peu, on croirait: «Les Français, c’est moi.» Après quelques crises internes, le mouvement LREM du président s’est donc doté d’un «chef» un peu fantoche en la personne de Christophe Castaner, par ailleurs déjà secrétaire d’État. Le scénario, écrit à l’avance, n’a qu’un mérite: à En marche!, Emmanuel Macron prend toutes les décisions. Non seulement tout le monde le sait, mais chacun, à l’intérieur de la mouvance ou à sa périphérie, maintient son petit doigt sur la couture du pantalon. Soit on est content, soit on sourit faussement. Une seule règle: garde à vous! Avant son élection, Macron prétendait rénover la vie politique du «vieux monde». Le réveil s’avère brutal pour certains de ses affidés. Notons que l’embarras des conseillers d’Édouard Philippe à Matignon –qui expriment en off un bout de la parole du premier ministre– a quelque chose d’instructif. L’un d’eux nous déclare: «Il va quand même un peu loin.» Vous aurez compris que le «il» désigne le chef de l’État…
Nommons les choses: le pouvoir de la verticalité absolue en monarchie républicaine. Ne nous y trompons pas. Chez Macron, cette option assumée de contrôle total n’a rien d’une façade stratégique. C’est un projet politique libéral et global voulant irriguer tous les domaines de la société et dont nous connaissons désormais l’ampleur: du Code du travail à l’assurance-chômage, en passant par la protection sociale, le Smic, etc. L’hôte de l’Élysée tente en effet d’opérer, dans les esprits, une sorte de renversement institutionnel. Souvenons-nous. Il y a un an encore, tout semblait en place, ou presque, pour que les citoyens puissent enfin renverser la Ve République et son caractère absolutiste. Voilà que ce cadre-là nous revient en pleine face, de la pire des manières. Macron veut démontrer, jusqu’à l’absurde, qu’il peut réactiver un système moribond inventé par un général d’armée. Pari risqué. Car les Français veulent-ils vraiment de l’hégémonie d’un homme incarnant le pouvoir personnel à ce point, même drapé des mots illusoires du «nouveau monde»?
[EDITORIAL publié dans l'Humanité 20 novembre 2017.]
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