Voici l'article de Caroline Constant, publié dans l'Humanité du 12 janvier 2017 et consacré à la sortie de mon nouveau roman :
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Saint-Denis, mon amour et ma colère
Jean-Emmanuel Ducoin a pris sa ville comme cadre de son nouveau roman. Un livre qui chamboule les idées reçues et vendues par certains médias.
Rue de la République,
roman de Jean-Emmanuel Ducoin.
Éditions Anne Carrière.
380 pages, 19 euros.
La rue de la République, à Saint-Denis, est une artère centrale de la ville. Elle trace une ligne droite entre deux églises, la basilique de Saint-Denis et l’Église-Neuve. C’est une rue très commerçante, et très passante, puisqu’entre le métro et la gare elle draine, chaque jour, des milliers de voyageurs. La rue de la République est devenue tristement célèbre, le 18 novembre 2015, lorsque le sinistre Abaaoud et ses complices ont été délogés par le Raid. Jean-Emmanuel Ducoin, qui vit à Saint-Denis, y a situé le cadre de son nouveau roman, Rue de la République, qui se situe, justement, en partie au moment des événements qui ont secoué la France et la ville, le 13 et le 18 novembre 2015.
Loin des clichés éculés sur la Seine-Saint-Denis, loin des réquisitoires, loin des amalgames, son roman met en scène les habitants de cette ville. Dans leurs détresses et leurs forces. On appréciera aussi les clins d’œil et les digressions sur l’écriture et le journalisme de Paul Kerjean, journaliste à Lumières, et dont les locaux se situent rue Jean-Jaurès, où notre journal, l’Humanité a siégé de 1989 à 2008.
Rue de la République, habite donc Aminata Bakayoko, mère de deux enfants, qui vit dans un taudis, et bosse chez Orange comme femme de ménage. Aminata découvre un matin le corps sans vie, pendu, d’un cadre de la compagnie de télécommunications et époux de la directrice de cabinet du maire, Emmanuelle Dayet. Lorsque le commissaire Jean Valmy apprend à Emmanuelle le suicide de son époux, celle-ci se tourne vers son ancien amant, Paul Kerjean. Rue de la Rép, comme on dit à Saint-Denis, vivent aussi Mohamed et Malika : il est une graine de champion de boxe, elle est au chômage. Les destins de ces personnages vont se croiser, s’entrecroiser, se mêler.
Jean-Emmanuel Ducoin bat en brèche les images préconçues sur Saint-Denis. D’abord parce que ses personnages, loin du communautarisme qu’on nous vend à longueur de JT, se mélangent, et interagissent sur leurs vies respectives. Ensuite, parce que le livre ne nie aucun des problèmes: ni la pauvreté, ni les marchands de sommeil, ni le racisme, ni la drogue, ni même l’existence d’islamistes radicaux. Mais il explique aussi et surtout ce qui unit les bonnes volontés dans cette ville; la solidarité, l’entraide, le partage, l’envie de construire un monde meilleur. Chacun des personnages a une réflexion sur ce monde qui l’entoure, sur ces quartiers relégués par la République. La réflexion est parfois douce-amère, parfois désespérée. Ali, un des personnages, lance ainsi, à propos des choix politiques sur nos banlieues: «Ils ne parviennent pas à comprendre que si la République ne passe pas à Saint-Denis, elle ne passera plus nulle part.» On ne saurait mieux dire.
Caroline Constant
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