Le premier ministre semble s’engager personnellement dans une course folle, celle d’une recomposition vers le centre qui ressemble fort à une tentative historique de liquidation de la gauche.
Le paysage est sinistré. La République craquelle. Certains détournent leurs regards, d’autres utilisent les leurs au profit de stratégies mortifères. À quoi joue par exemple Manuel Valls pour répondre à l’urgence sociale, politique et démocratique sortie des urnes? À un jeu dangereux, celui de la rengaine du «changement» –revoilà 2012–, qui consiste à annoncer de «nouvelles mesures» afin de donner vie à la promesse d’inverser la courbe du chômage. Des mesures floues pour l’heure, sauf sur un point essentiel: l’exécutif n’entend sortir ni du cadre de l’austérité, ni du pacte de responsabilité (qui coûtera plus de 100 milliards d’euros d’ici 2017, sans aucun résultat en termes d’emploi), ni du périmètre de la loi Macron, dont les recettes libérales, au contraire, sortiront encore renforcées…
Plus grave, le premier ministre semble s’engager personnellement dans une course folle, celle d’une recomposition vers le centre qui ressemble fort à une tentative historique de liquidation de la gauche. Alors que la question sociale reste la première motivation de vote des Français et qu’elle revient comme un boomerang à la figure de tous ceux qui feignent de l’ignorer, la trahison originelle de 2012, sociale et démocratique, se poursuit comme si de rien n’était.Valls, ou le côté obscur de la farce. Une farce tragique. Pas de retour sur le passé, donc, pas de bilan pour déconstruire le creuset libéral dans lequel se sont fondus le président et son gouvernement, avec les conséquences que l’on sait. Pourtant, les débats internes au PS retrouvent un peu de vigueur depuis deux jours. Ainsi, nous donnerons raison à Benoît Hamon quand il affirme qu’il ne suffit plus de dire «je suis à gauche» pour que ce soit vrai. La preuve: si Hollande et Valls persistent sur le même chemin, le mépris envers les électeurs se transformera en désastre. Pour l’empêcher coûte que coûte, une nouvelle période politique s’ouvre. Avec une inconnue de taille: les «progressistes» de tous horizons parviendront-ils à se rassembler et à construire un projet pour sortir la gauche et le pays du piège du tripartisme dans lequel on veut les enfermer?
[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 16 décembre 2015.]
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