vendredi 10 juillet 2009

La véritable histoire du dopage (chapitre 1)

Après l’épisode du Synacthène, hier, voici en raccourci, mais vraiment en raccourci, une petite histoire d’un certain dopage depuis soixante ans (librement inspiré de mon livre « Tour de France, une belle histoire ? », aux éditions Michel de Maule)...

Tout (re)commença après la Seconde guerre mondiale, où les coursiers écrivirent de nouvelles lignes sur leurs ordonnances personnelles. Les amphétamines, utilisées par les pilotes de la RAF pour « tenir » lors des bombardements sur l’Allemagne, firent leur apparition. A hautes doses parfois. L’histoire est peu connue, mais, en 1955, le Breton Jean Malléjac, chargé bien plus que d’ambition, bave aux lèvres, fit un malaise dans le Ventoux (déjà dans le Ventoux) lors d’une chaude étape prémonitoire. Le docteur Dumas, médecin du Tour, le sauva in extremis (le soigneur de l’équipe sera écarté). Le Suisse Ferdi Kubler, lui, s’en tira par une terrible défaillance. L’Equipe admit la réalité: « Ce n’est pas aujourd’hui que l’on découvrira que les coureurs font appel pendant le Tour à des excitants dangereux. » Les organisateurs menacèrent de représailles. Rien ne se passa…

A la fin des années 50, comme en témoignait volontiers le grand journaliste de l’Equipe, Pierre Chany, les suiveurs constatèrent les dégâts : on pouvait cette fois parler de généralisation du dopage. Aux cachets, que suçaient à la vue de tous Fausto Coppi ou Jacques Anquetil, s’ajoutèrent désormais les intraveineuses. Sur le Tour 1962, la moitié du peloton fut prise de maux de ventre suspects : on parla d’une intoxication à cause de la consommation de truites… Le docteur Dumas, toujours lui, menaça de démissionner. Le fléau se répandit si vite que le frère de Louison Bobet, Jean, homme lucide, intelligent et sensible, préfèra fuir un peloton professionnel « saisi par le délire », avouera-t-il plus tard. La course aux substances était alors totale.

« Tonton », « Tintin » et « Riri » (lisez Tonédron, Pervitine et Ritaline) connurent leur âge d’or. L’Italien Gastone Nencini, vainqueur du Tour en 1960, les distribuait par poignées. Un plein carton destiné à Charly Gaul sera même intercepté par la douane. De nouveaux surnoms firent leur apparition et dans les « mallettes » des équipes, qui accompagneront les coureurs jusqu’au milieu des années 80, on trouvait la « mémé » (le Mératran), le « pépé » (la Pervitine, qui change d’appellation), la petite « lili » (le Lidépran) et même le cousin de « Riri » (la Ritaline).

En 1963, l’entraîneur national de l’équipe de France, Daniel Clément, tira énergiquement le signal d’alarme. « Un accident grave va arriver », prévint-il. Personne n’avait alors oublié le drame vécu par le surdoué Roger Rivière qui, en 1960, se brisa la colonne vertébrale dans la descente du Perjuret, lors de la 15e étape. Il avait massivement absorbé un anti-douleurs inhibiteur de réflexes : invalide à 80% après cette chute, il usa et abusa toute sa vie de ce produit appelé Palfiium et mourut d’un cancer dans sa quarantième année.

En 1965, le courageux docteur Dumas franchit une étape dans la dénonciation. Sur le Tour de l’Avenir, épreuve par étapes créée en 1961 pour favoriser l’éclosion des jeunes, deux coureurs furent pris de tels malaises que le bon toubib, examinant les produits saisis dans leurs bagages, exigea que la Fédération française de cyclisme « prenne ses responsabilités ». Dumas réclama la définition de sanctions, ce qui revenait à judiciariser la lutte contre le dopage : comme souvent, la France ouvrit la voie. Les politiques antidopage s’engagèrent timidement et il faudra quelques années encore pour que l’Etat ne légifère.

A plus tard…

1 commentaire:

Anonymous a dit…

Bravo. Tout simplement bravo pour ces petits moments de lecture.