lundi 13 juillet 2009

La mort d'André Benedetto...

Je voudrais, quelques minutes, m’échapper du Tour et vous faire part de mon insondable tristesse. Hier soir, mon ami Charles Silvestre, ancien rédacteur en chef de l’Humanité et Secrétaire des Amis de l’Humanité, m’a téléphoné pour me prévenir que l’immense homme de théâtre, son ami André Benedetto, venait de subir un accident vasculaire cérébral, à la veille de ses 75 ans. Charles, ému, m’a rappelé ce matin fort tôt pour me confirmer la terrible nouvelle. « Pour André, c’est fini. » Un frisson. Une vive émotion.

Né le 14 juillet 1934 à Marseille, directeur du théâtre des Carmes, considéré comme le fondateur du festival « off » d’Avignon, André Benedetto présidait l’association Avignon Festival et Compagnies, qui avait restructuré en 2007 l’organisation du festival «off» et qui en reste la cheville ouvrière, avec, cette année encore, quelque 985 spectacles qui se déroulent en marge du festival officiel. Benedetto incarnait à lui seul une certaine idée du théâtre.

Lecteur rigoureux mais fidèle de l’Humanité (il lui arrivait souvent de nous écrire des petits mots chaleureux et précis), cet ancien instituteur, fou de théâtre, avait créé en 1963 le théâtre des Carmes à Avignon, dont il était toujours le directeur. Après une première participation au festival en 1964, la compagnie avait publié deux ans plus tard un Manifeste clamant «les classiques au poteau et la culture à l’égout», avant de présenter pour la première fois une pièce, Statues, en marge du programme officiel du festival.

Adepte d’un théâtre engagé (et il l’était, diable !), prônant le devoir de résistance et de dissidence du théâtre, André Benedetto, immense acteur lui-même, metteur en scène hors du commun, avait récidivé en juillet 1967 avec Napalm, la première pièce sur la guerre du Vietnam, rejoint cette fois par d’autres compagnies. Depuis cette date, Benedetto et sa troupe avaient été de tous les « festivals off », demeurant l’âme de tout ce qui aiguillonne le théâtre à Avignon. Auteur, metteur en scène mais également poète, il a publié et joué de nombreuses oeuvres dont une pièce écrite et jouée entièrement en occitan en 1999, San Jorgi Roc.

Compagnon de route de Jean Vilar, enfant terrible de la décentralisation théâtrale qui prit son véritable envol dès 1966, en marge du festival officiel, Benedetto avançait par une audace qui restera historique. Une révolte féconde. Une voix unique qui résonnera longtemps dans la cité des Papes...

J’eus la chance de croiser sa route (nous eûmes un long échange épistolaire où il ne cachait pas son étonnement devant ma passion du Tour), la toute première fois en compagnie de Charles Silvestre, auquel je pense très fort ce soir. Comme je pense à notre équipe présente à Avignon, à notre Jean-Pierre Léonardini, lui aussi ami de Benedetto, à Marie-José Sirach, la responsable de la rubrique culture de l'Huma. Le théâtre qu’ils défendent toute l’année est en deuil. Nous sommes tous en deuil.

Emmené par les ambulanciers, André Benedetto eut ces mots : " Maintenant, je vais jouer dans un autre lieu..."

Même loin des routes du Tour, la roue tourne. C’est parfois totalement insupportable

A plus tard…

2 commentaires:

Anonymous a dit…

Merci à Jean Emmanuel Ducoin pour son ouverture d'esprit, qui réchauffe le coeur. En effet, il n'y a pas que le sport dans la vie.

Anonymous a dit…

Un grand homme est parti. L'attachement de Monsieur Ducoin à autre chose que le vélo, même sur les routes du Tour, en dit long sur son état d'esprit intellectuel. Cela fait plaisir.