François. Il nous a si souvent habitués à une forme
d’audace, sinon de courage, qu’il nous est arrivé de lui renvoyer l’hommage que
tout humain doit aux paroles de justice sociale et de paix, sans parler, bien
sûr, de ses violentes diatribes à l’encontre du capitalisme financier qu’il ne
cesse de dénoncer. Le pape François, par ses différences avec ses
prédécesseurs, a marqué les esprits progressistes, secouant l’Eglise au cœur
même de ses méthodes. Mais jusqu’à un certain point. La doctrine de la foi
reste un domaine réservé, intouchable et intangible jusque dans ses marges.
Quant à la question des « mœurs », les évocations hors de propos
continuent de s’accumuler, comme en témoignent les mots de l’évêque de Rome
lors de la convocation spectaculaire d’une réunion, à Rome, qui devait évaluer
les raisons du silence de nombreux prélats dans les multiples affaires de
pédophilie touchant des responsables de la hiérarchie catholique, partout dans
le monde. Le sentiment du bloc-noteur: le dossier est si grave que
François y a sans doute joué le sort de son pontificat, ni plus ni moins. Non
seulement la rencontre n’a abouti qu’à des vœux pieux, mais le pape a commis un
péché d’orgueil impardonnable en accusant Satan d’être à l’origine des
comportements des prêtres, des évêques, des cardinaux. On croit rêver. Alors
qu’il avait auparavant revendiqué la responsabilité, donc la culpabilité, de
l’Eglise, le pape a cette fois incriminé le Malin. Derrière les abus sexuels,
«il y a Satan», a-t-il osé déclarer, évoquant «une
manifestation du mal flagrante, agressive, destructrice». En somme, le
diable de l’enfer expliquerait le comportement humain des représentants de
l’Eglise. Quelques «Vade retro Satana» exorciseraient ce mal, donc
les actes avérés. Lui jadis si prompt à louer les actions terrestres
(l’«ici-bas» revendiqué à maintes reprises), c’est un peu comme
s’il nous affirmait cette fois que ces prêtres coupables n’étaient sous
l’emprise que d’une force satanique, donc pas responsables à cent pour cent de
leurs horribles forfaits…
Crédibilité. Comme un coup du sort ou un coup de grâce – mais il n’y a pas de hasard avec la justice des hommes –, le monde apprenait, au moment où s’achevait précisément à Rome cette rencontre «sur la protection des mineurs», la condamnation du cardinal australien George Pell, numéro trois du Vatican, lui aussi dans une affaire d’abus sexuels (cinq chefs d’accusation). Ce prélat de 77 ans, qui a été exfiltré du conseil des cardinaux chargés de conseiller le pape, mais est toujours, sur le papier, à la tête du secrétariat pour l’économie du Saint-Siège, devient le plus haut responsable de l’Eglise jamais condamné pour des actes de pédophilie. Une sentence historique. Et un retentissement mondial, pourtant différé de deux mois, puisque les médias, notamment australiens, avaient interdiction d’en rendre compte ni même celui de mentionner cet interdit, sous peine de sanctions. Un «black-out» hallucinant imposé par les juges locaux. Le sort de George Pell symbolise à lui seul l’extrême gravité de la situation au sein de l’Eglise romaine. Ni le pape ni l’institution ne sont à la hauteur du scandale : il ne se passe pas une semaine sans révélations sordides, aux quatre coins du globe. Une question simple se pose dès lors: le pape est-il conscient de l’ampleur de cette tragédie qui risque de laisser la crédibilité du Vatican en miettes? Nous attendions des paroles simples, comme la tolérance zéro, le renvoi systématique des prêtes fautifs de l’état clérical ou la révocation d’évêques convaincus d’avoir protégé des coupables. Rien de tout cela. Pas même la publication des archives. Le mur du silence et de l’omerta, certes bien effrité, s’impose encore. Comme si l’Eglise continuait de considérer les victimes et les survivants comme des ennemis. La faute à Satan!
Crédibilité. Comme un coup du sort ou un coup de grâce – mais il n’y a pas de hasard avec la justice des hommes –, le monde apprenait, au moment où s’achevait précisément à Rome cette rencontre «sur la protection des mineurs», la condamnation du cardinal australien George Pell, numéro trois du Vatican, lui aussi dans une affaire d’abus sexuels (cinq chefs d’accusation). Ce prélat de 77 ans, qui a été exfiltré du conseil des cardinaux chargés de conseiller le pape, mais est toujours, sur le papier, à la tête du secrétariat pour l’économie du Saint-Siège, devient le plus haut responsable de l’Eglise jamais condamné pour des actes de pédophilie. Une sentence historique. Et un retentissement mondial, pourtant différé de deux mois, puisque les médias, notamment australiens, avaient interdiction d’en rendre compte ni même celui de mentionner cet interdit, sous peine de sanctions. Un «black-out» hallucinant imposé par les juges locaux. Le sort de George Pell symbolise à lui seul l’extrême gravité de la situation au sein de l’Eglise romaine. Ni le pape ni l’institution ne sont à la hauteur du scandale : il ne se passe pas une semaine sans révélations sordides, aux quatre coins du globe. Une question simple se pose dès lors: le pape est-il conscient de l’ampleur de cette tragédie qui risque de laisser la crédibilité du Vatican en miettes? Nous attendions des paroles simples, comme la tolérance zéro, le renvoi systématique des prêtes fautifs de l’état clérical ou la révocation d’évêques convaincus d’avoir protégé des coupables. Rien de tout cela. Pas même la publication des archives. Le mur du silence et de l’omerta, certes bien effrité, s’impose encore. Comme si l’Eglise continuait de considérer les victimes et les survivants comme des ennemis. La faute à Satan!
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 1er mars 2019.]
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire