Le chef de l’État a redessiné la France institutionnelle en quelques heures au nom de «l’Europe des régions», par lesquelles les territoires et les métropoles s’extraient des processus citoyens en privilégiant les logiques marchandes et la compétition économique.
Comment décider au nom du peuple en tournant le dos aux citoyens? À cette question assez surréaliste dès qu’il s’agit d’évoquer la démocratie (posons-la aux épreuves du prochain bac philo !), François Hollande et sa cohorte de charcutiers ès redécoupages ont répondu par l’absurde et le cynisme, deux mots très souvent associés ces temps-ci au pouvoir. Ainsi l’ont-ils décidé lors d’un de ces comités restreints dont la Ve a le secret: le «big-bang» territorial tant rêvé par la droite et le Medef est donc lancé. Plus rien, pensent-ils, ne l’arrêtera. Mais l’affaire est sérieuse et grave… Quatorze régions, soit ; pourquoi pas douze, seize.
Là n’est pas l’essentiel. Non, la raison pour laquelle le chef de l’État a redessiné la France institutionnelle en quelques heures procède d’une logique qui s’apparente tellement à ce que Sarkozy lui-même avait en tête que nous pouvons, hélas, prévoir le pire. Au nom de «l’Europe des régions», par lesquelles les territoires et les métropoles s’extraient des processus citoyens en privilégiant les logiques marchandes et la compétition économique, on voudrait nous imposer la sortie de notre histoire républicaine à la française. Rien d’étonnant, l’éradication des échelons territoriaux jugés «inférieurs», comme les départements ou les communes – là où subsiste la vivacité démocratique locale –, est une vieille inspiration libérale de la construction européenne, qui n’a d’autre ambition que l’austérité accrue pour les budgets publics, quels qu’ils soient.
Nous n’irons pas jusqu’à parler de «coup d’État». Encore que. Laissera-t-on l’Europe libérale et la fi nance triompher du bien commun, des solidarités et des principes d’égalité des territoires? Laissera-t-on l’Europe des régions et sa logique de dépeçage austéritaire anéantir l’organisation républicaine née de la Révolution et revivifi ée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale? Changer de République pour une VIe, oui. Vendre la République au plus off rant, non. Tôt ou tard les citoyens eux-mêmes devront avoir le dernier mot. Par référendum.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 4 juin 2014.]
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