jeudi 10 juin 2010

Kerviel, «gagneuse» parmi les «gagneuses»…

Puisque nous tentons vaille que vaille d’expliquer les vices d’un capitalisme rendu à sa sauvagerie matricielle, qui, depuis beau temps, se déploie sur le monde en plongeant notre horizon dans le crépuscule social, écologique, politique, financier et éthique, nous cherchons sous les décombres ce qu’Edgard Morin nomme un « minimum de reliance, de solidarité, de fraternité nécessaires pour promouvoir une anthropolitique ».

Autrement dit non plus seulement une prise de conscience effective que le destin humain n’a aucune chance d’évoluer positivement livré au marché-fou du libéralisme économique, mais bien, appuyé sur les expériences passées pour les mieux les déconstruire (Derrida), réinventer le parti-pris risqué mais plus que jamais fondamental de la r-évolution, se transformer sans renoncer à transformer radicalement le monde. Conserver en dépassant. Dépasser en conservant.

Le début du procès de Jérôme Kerviel nous incite à la réflexion. Le trader de la Société Générale, accusé d'avoir troué les poches de sa banque à hauteur de 5 milliards d'euros et d'avoir "joué" comme au poker avec plus de 50 milliards d'euros (!), accuse sa hiérarchie (non sans raison visiblement) de l'avoir incité à de tels agissements et d'avoir été parfaitement au courant... Petit soldat d'une folie financière collective. Un système totalement fou.

Soyons conscients, tous autant que nous sommes. A l’ère de la mondialisation et de la patrie-monde dont rêvaient jadis les internationalistes de la première heure, tous plus ou moins broyés par le laminoir des guerres mondiales puis froides, le capitalisme a réussi le tour de force de créer non seulement le produit pour le consommateur-type mais le consommateur-type pour le produit, sous la férule d’une haute-finance sans foi ni loi. Ce monde a-t-il une chance de s’effondrer sous nos yeux secs ? Oui ? Non ? Peut-être ?

Quel est donc notre univers mental « global » quand, au nom de la morale capitaliste (« leur » morale primitive), toute morale précisément cesse d’exister ? Les aveux de Kerviel, que nous avons tous lus avec effarement, objets d’un livre-choc qui retrace les coulisses de sa propre déchéance professionnelle (et morale donc), méritent qu’on s’y arrête un instant. Quel était, selon lui, son « mandat » à la Société Général ? « J’évoluais dans un milieu complètement déconnecté de la réalité, irresponsable. Le seul leitmotiv, c'est de faire le maximum d'argent dans le minimum de temps, et peu importe comment. Faire de l'argent pour la banque. On brasse des sommes phénoménales. On perd la notion des montants, ça va tellement vite qu'on n'a plus le temps de réfléchir », répond-il crument. Kerviel ajoute : « Pour nos chefs, on est des "gagneuses". A la fin de la journée, on entendait la phrase: "Relevé des compteurs!". "Combien t'as fait? T'as été une bonne gagneuse aujourd'hui !" Tous les traders ont entendu ça. »

Qui peut oser dire que tout cela a cessé, quand les mêmes requins pré-formatés spéculent désormais sur les Etat eux-mêmes, autrement dit les peuples ? Risque zéro pour les financiers ; risque maximal pour les citoyens.

(A plus tard...)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Le capitalisme procède à la façon d'un cancer. L'argent fabrique de l'argent à la manière des métastases qui s'étendent anarchiquement dans le système jusqu'à une fin tragique. Les traiders ne sont que les agents des rentiers, une forme parasitaire de l'actionnaire qui est lui même inutile à la société. Soyons clair, les pays européens qui se sont récemment entendus pour tenter de régler les dégâts produits par le vampirisme des rentiers ont choisi de payer ce qu'ils doivent à ces mêmes rentiers au détriment de ce qu'ils doivent aux citoyens. Au passage on remarquera avec stupeur le silence inacceptable de la confédération européenne des syndicats qui a raté l'occasion de s'exprimer à la hauteur de son rôle. Faire le choix contraire - augmenter les salaires, développer les services publics - était tout aussi possible et avec les même incertitudes de réussite, mais en évitant de produire autant de misère que de choisir de gaver encore plus une poignée de bidonnants inutiles et nuisibles. L'argent gagné par les actionnaires ne retourne jamais dans le système, il est systématiquement réinjecté dans de la rente ou l'immobilier (c'est la même chose) au contraire du revenu individuel, salarié ou pas. On était déjà cocu, on paye désormais la chambre, avec l'aide d'analphabètes à 15000 par mois jubilant devant leurs écran. Le seul montant des intérêts du par la France aux rentiers est de 42 milliards à comparer aux 82 milliards que coutent les salaires de la fonction publique.