Parce que «l’après» s’ouvre toujours sur un continent à découvrir, les heures qui suivent le surgissement d’un événement planétaire sont souvent les plus instructives pour le cheminement de l’esprit humain. Quatre jours que Nelson Mandela s’en est allé, et déjà une information rare – donc précieuse – s’impose à tous par l’éclat de sa vérité. Madiba nous unit dans la mort comme, jadis, il nous avait unis dans la vie. Sa beauté politique et morale réussit l’impossible. L’ampleur de l’émotion qui continue de parcourir les peuples (nous parlons bien là des peuples, pas de certains dirigeants ou de people convertis sur le tard) ne dit rien d’autre que l’espérance sincère des citoyens du monde en l’avènement d’une humanité meilleure. Un peu comme si le vieux rêve de Jaurès était universellement honoré par les échos collectifs qui se répondent soudain de pays en pays, dans toutes les langues et au nom des convictions de résistance, d’égalité et d’émancipation. N’en refusons pas l’augure. Autour de la figure d’un homme et de ses multiples combats qui furent toujours nôtres, voici l’apparition nouvelle d’une internationale de l’espoir. «Par l’exemple, ou l’exemplaire, Nelson Mandela», disait Jacques Derrida…
Mandela éteint, nous sommes en droit de déclarer la fin du XXe siècle. Mais pas n’importe comment. L’idée même que l’on puisse un jour se prosterner au pied de sa statue exaspérait l’ex-prisonnier de Robben Island. Comme nous exaspère aujourd’hui l’idée que, dans le flot de paroles, parfois illégitimes, certains opportunistes de la dernière heure tentent de domestiquer sa pensée pour mieux la vider de son sens, comme autant de prises illégales d’intérêts, de détournements de fonds symboliques ou de tentative de pillage de quelques fragments d’autorité morale… Ne le cachons pas, le risque est là, présent. Celui de laisser jouer Mandela contre Mandela, d’oublier l’insoumission de l’homme, son engagement révolutionnaire total, de faire taire Mandela contre Mandela lui-même, afin de neutraliser la révolte ou d’assourdir l’impératif du combat politique permanent.
À l’Humanité, nous serons vigilants pour que la «passion Mandela» ne se perde pas dans l’unanimisme de façade, pour que l’œuvre multiple se poursuive. Car l’héritage est toujours pluriel quand il est partagé et enrichi, pour le faire aller ailleurs, le faire respirer autrement, pour le rendre encore meilleur. Nos lecteurs en savent quelque chose: «C’est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source.» C’est du Jaurès. Ça aurait pu être du Mandela.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 9 décembre 2013.]
1 commentaire:
le racisme prévelece et la plague ou plage est á la maison ,le chien fini ,la plouvions de s'arrete ,et nous ne pouvon affaire le cas du strofe ,luttons seuls ,et seulment su ópera et su seul teàtre vont reviver la musique de Planon-Mandelà
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