mardi 30 décembre 2014

Être radical

En 2015, soyons radicalement combatif ! Car ils ne manquent pas, ces combats à mener, pour s’agrandir, pour se hisser, pour travailler à un réel changement.
 
La ''une'' de l'Humanité du 31 décembre, réalisée spécialement pour nos lecteurs par l’artiste Bruce Clarke, résume assez bien ce que pensent et ce que sont les équipes de l’Humanité avant le passage à la nouvelle année et l’esprit rituel des vœux et des souhaits, les meilleurs possibles et envisageables, qui l’accompagne. Par les temps qui courent, avec la peur du lendemain et l’à-venir qui tiraille, une expression, une seule, en effet, pourrait nous déchiffrer au plus juste par sa nécessité et son exigence: «Être radical». Oui, radicalement combatif! Face à la rage de destructions sociales, face à un capitalisme qui ne répand qu’inégalités et pauvretés, face aux divisions, aux haines, aux intégrismes de toutes natures, face aux extrêmes droites néofascisantes, le «combat» redevient l’un des plus beaux mots de la langue française.

lundi 29 décembre 2014

Résistance grecque

Les électeurs grecs sont aux portes d’un changement anti-austéritaire. Le gouvernement Samaras a échoué à faire élire le président de la république héllenique par le parlement. Elections législatives anticipées d'ici un mois.
 
Alexis Tsipras.
Curieux, comme les moments cruciaux de nos démocraties suscitent des interprétations antinomiques. Ce qui se passe en Grèce – pays d’expérimentations devenu champ de ruines – l’illustre de manière assez magistrale. D’ici un mois, donc, des élections législatives s’y dérouleront. Cette perspective d’un nouveau vote populaire a le don de mettre sens dessus dessous l’Europe des puissants, ces derniers n’ayant pas de mots assez durs devant ce qui pourrait ­advenir, à savoir une victoire de la coalition anti-austérité, Syriza, que tous les sondages, pour l’instant, prédisent. Comme ils sont nombreux, les exécuteurs d’infamies. Comme ils se ressemblent et s’assemblent dans leurs désirs morbides. La raison de leur haine déchaînée? Selon le Figaro, «Bruxelles et Berlin observent avec attention», car, voyez-vous, «l’arrivée de la gauche radicale au pouvoir» risquerait «de compromettre les réformes en cours». Le journal de Dassault ne cache pourtant pas la vérité. «Les Grecs ont accepté des sacrifices dont peu d’Européens mesurent la brutalité», si bien que «la troïka des “sauveurs”, Commission, BCE, FMI, a réussi à se rendre aussi populaire que les cavaliers de l’Apocalypse». Bien vu. À un détail près: l’arrivée au pouvoir d’Alexis Tsipras, le leader de Syriza, qui incarne la résistance démocratique, serait une bonne nouvelle et pourquoi pas un moment crucial de notre histoire, que tous les Européens asphyxiés, tétanisés ou révoltés par les politiques d’austérité devraient saisir telle une chance!
 

jeudi 25 décembre 2014

Quelques mots pour Noël ?

Si tu parles à Jésus, c'est que tu es croyant.
S'il te répond, c'est que tu es schizophrène.

Joyeux Noël quand même.

jeudi 18 décembre 2014

Révolution(s): dans le fourre-tout des questionnements actuels

Pourquoi les inégalités de revenu ont des conséquences sur la croissance.
 
OCDE. Regarde ton époque, je te dirai ce que tu vis; regarde le monde, je te dirai comment tu vis… Un matin, vous vous réveillez en sursaut et, sans savoir pourquoi, comme pris d’une lucidité renouvelée, vous constatez que le chemin parcouru s’est transformé imperceptiblement en pente. Réfléchissez un instant. Vous finirez par admettre une réalité à la fois banale et terrifiante: l’époque est à la pente involutive. Puis vous douterez de cette conclusion hâtive, sinon par contradiction, au moins par prudence.
Alors vous déciderez de plonger dans les chiffres et les statistiques. Une étude de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), publiée la semaine dernière, vient à propos. Sobrement intitulé «Tendances de l’inégalité des revenus et son impact sur la croissance», ce document de travail devrait être enseigné en urgence dans toutes les écoles d’économie. La donnée de base est simple: le revenu disponible des ménages a augmenté en moyenne de 1,6% par an dans les vingt à vingt-cinq années qui ont précédé la crise de 2008 dans l’ensemble des 34 pays de l’OCDE. Seulement voilà, cette statistique en apparence positive est à mettre en relation avec une autre: aujourd’hui, le revenu des 10% les plus riches est en moyenne 9,5 fois plus élevé que celui des 10% les plus pauvres. Dans les années 1980, ce ratio était inférieur à 7. Jamais le fossé entre riches et pauvres n’a été aussi prononcé dans les pays les plus «avancés». Nous parlons bien là d’inégalités.

dimanche 14 décembre 2014

Et maintenant, la marchandisation des chômeurs

L’extension généralisée de la mise en concurrence de Pôle emploi permettrait aux agences privées de capter missions de service public pour faire du fric.

Chaque jour sa surprise ; chaque semaine son coup d’épée dans les reins… Connaissez-vous la convention 181 de l’Organisation internationale du travail ? Sans la vigilance de la CGT – qui révèle l’affaire et prouve, si besoin était, qu’elle est un syndicat d’utilité publique –, nous n’aurions pas pénétré si vite les dédales d’un texte dont la dangerosité arrive soudain jusqu’à nous comme une mise en alerte majeure et pour le moins révélatrice. Admettez néanmoins qu’il était temps d’en découvrir ce qui affleure. Car, voyez-vous, cette convention, qui vise à la libéralisation du placement des chômeurs au bénéfice d’agences dites d’emploi (lisez : cabinets de placement, opérateurs en tout genre à but lucratif, etc.), est devenue l’une des priorités du gouvernement, qui souhaiterait la ratifier au plus vite. Tellement vite qu’un projet de loi est déjà rédigé et qu’il doit être soumis au Parlement dès ce jeudi 18 décembre, en procédure accélérée. Cette méthode expéditive du gouvernement, outre qu’elle constitue un véritable déni de démocratie puisque les instances représentatives ont été exclues de toute discussion, en dit long sur les intentions restées volontairement secrètes pour l’instant.

jeudi 11 décembre 2014

Horizon(s): la voix déchirante et déchirée de Bertrand Cantat

Revoir l'ex-leader de Noir Désir sur scène, avec son nouveau groupe, Détroit.
 
Conscience. D’abord: quelque chose d’électrique, de sournoisement insomniaque à l’heure où les nerfs lâchent enfin, dans le déroulé furtif de sentiments paradoxaux balayés par l’évidence, arrachés à une longue nuit. Ensuite: l’impression d’avoir à consigner quelques fragments d’un registre sans date, hors du temps. Puis: le besoin de s’alléger, de se désamarrer, de creuser en soi pour trouver la force d’avancer sans jamais perdre la mémoire. Enfin: parvenir au retournement de la conscience quand l’épreuve passée, sinon abolie, devient la possibilité même de nouveaux territoires… Voilà c’est fait, le bloc-noteur a donc revu Bertrand Cantat sur scène, au Zénith parisien. Comment dire au plus près, sans travestir le fond sincère de la pensée, ce qu’il y eut d’émotion et d’impalpables questionnements? ­Comment taire la forme la plus sacrée du plaisir ressenti, quand l’usage de mots brûlants devrait nous investir de prudence et d’une rigueur de langage toute maîtrisée? Pour beaucoup, il sera difficile d’avoir à lire dans cette chronique la passion d’un chanteur maudit, inexcusable, et l’intérêt musical et artistique qu’il suscite encore.

mercredi 10 décembre 2014

Loi Macron : oui, une régression…

François Hollande évoque un texte «de progrès et de liberté». L’exécutif prétendument de gauche ne cherche même plus à écorner les consciences mais carrément à les manipuler.

Scène d’effroi dans l’ordinaire, hier à l’Élysée. Accompagnant de quelques mots la présentation du tristement célèbre projet de loi Macron, François Hollande évoque un texte «de progrès et de liberté». Manuel Valls parle, lui, d’«efficacité» et de «justice». Encore un jour sombre dans notre histoire sociale contemporaine, victime de cet exécutif prétendument de gauche, qui ne cherche même plus à écorner les consciences mais carrément à les manipuler. Une ombre vient de passer dans les couloirs du palais, nous la reconnaissons distinctement, comme nous croyons identifier une voix dominante qui jamais ne se tait. L’ombre: celle du Medef. La voix: celle de la finance. Le chef de l’État et son premier ministre auront beau débiter des phrases enjôleuses, les quatre-vingt-dix articles de la loi concoctée par leur ministre de l’Économie ne font plaisir qu’au patronat et à la droite.

samedi 6 décembre 2014

Ensemble(s): ou la montée des incertitudes

Comment le sentiment d'injustice sociale submerge toute autre considération. La preuve avec le dernier livre de Florence Aubenas.

Incertitudes. Le vivre-ensemble ne s’invite pas, comme la vie, l’amour, la mort, par effraction. Chacun le sait : nous vivons une période tellement inédite – crise de civilisation, crise économico-globalisante, crise morale, crise sociale, crise politique, etc. – que nulle expérience ne peut nous servir de point de repère, encore moins de modèle pour déconstruire ce temps qui est le nôtre et joue contre nous. La montée des incertitudes explose, et avec elle, disparaît peu à peu la manière jadis homogène d’entrevoir un «destin social» et de participer pleinement à l’élaboration d’un «en-commun» dont nous étions tous plus ou moins les légataires, quels que soient nos rôles respectifs, nos statuts, nos classes sociales. Sans oublier que la nouvelle conjoncture du «monde du travail» et de «l’emploi» creuse les disparités et frappe le plus gravement les catégories déjà placées «au bas de l’échelle sociale», accroissant leur subordination, attisant leurs inquiétudes. En découle une multiplication des divisions, comme le montre un sondage réalisé par Ipsos pour le Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui organisait cette semaine le 4e Forum du vivre-ensemble. Deux chiffres nous frappent. Le premier effraie: 61 % des sondés considèrent que, aujourd’hui, ce qui sépare les Français est plus fort que ce qui les rassemble. Le second revient au fond: la «violence économique» est le premier ferment des divisions (pour 40%), puis l’accroissement des inégalités (pour 37%), loin devant les extrémismes religieux (pour 29%).

jeudi 4 décembre 2014

CICE: un scandale financier !

La démarche du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi repose sur une illusion grotesque et sur un mensonge éhonté.
 
Certains bilans ont quelque chose d’éloquent et leurs formes, même fragmentaires, révèlent parfois l’illustration d’un scandale à venir. La France est un grand pays et il n’y a rien d’anormal, par temps de crise ou non, d’ailleurs, à ce que les citoyens soient pleinement informés de l’utilisation des fonds publics. Ainsi en est-il de tous les dispositifs accordés au Medef, dont le CICE puis le pacte de responsabilité s’avèrent emblématiques. La démarche du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi repose sur une illusion grotesque et sur un mensonge éhonté: il suffirait d’offrir des dizaines de milliards aux entreprises pour que l’investissement et l’emploi repartent. Rien n’est plus faux. L’ineffable Emmanuel Macron en personne l’a reconnu en parlant d’«un échec», rappelant que les 41 milliards d’euros prévus de réduction des charges et de la fiscalité des entreprises devaient trouver leur contrepartie en termes d’emplois. Un «échec» imputable, selon lui, à Pierre Gattaz. Diable, mais qu’aurait-il fallu attendre du Medef? Un respect de la parole donnée? Un vrai pacte? Et une sincère responsabilité? Le croire (ou le faire croire) relève d’une complicité coupable. Une de plus.
 

Semonce(s): les mots pour dire le monde tel qu'il est

La poésie est encore vivante, combative. La preuve avec Gérard Mordillat.
 
Recueil. «Vous m’aurez connu / Dans le temps qui s’enfuit / Telle que m’érige enfin / la Révolution. (…) Je suis l’Incorruptible / Aux yeux froids / Un soleil d’ironie / Me gouverne/Dans la débâcle du sang/Je suis la boule à cris/La main qui brise/L’absolu, l’éternel.» La poésie aurait-elle, quelquefois, souvent, toujours, un rapport particulier avec la forme la plus sincère de l’engagement? Rares sont les écrivains de l’audace, voleurs de feu, capteurs d’énergie vitale, qui saisissent l’époque à bras-le-corps et laissent un goût d’encre sur chaque phrase pour vous aider ou vous contraindre à ne pas passer votre tour. Gérard Mordillat est l’un des tout derniers à s’inscrire dans la haute tradition de ceux pour qui la littérature ou l’art en général restent un moyen unique de dire le monde et, déjà, vouloir le transformer, utilisant toute l’amplitude des genres — cinéaste, réalisateur télé, écrivain…