vendredi 31 mai 2013

Bientôt disponible: le roman de Lance Armstrong

Voici en exclusivité la couverture de mon prochain livre, "Go Lance!", le roman vrai de Lance Armstrong (550 pages, éditions Fayard), qui sort le 12 juin prochain dans toutes les bonnes librairies - et même au-delà d'ailleurs... J'en reparlerai ici même sur ce blog assez rapidement.

En attendant, voici le texte de la quatrième de couv:

''Ceci n’est pas l’histoire d’un coureur cycliste, mais celle d’une ambition démesurée. D’un petit gars du Texas, abandonné par son père, battu par son beau-père, mais aimé par sa mère jusqu’à la déraison, et qui très vite n’accepta qu’une posture, une identité: celle du vainqueur. Il y est arrivé au-delà de ses espérances. Plus qu’un champion, son triomphe sur le cancer et son soutien à la recherche médicale ont fait de lui un héros. Des hommes d’affaires le courtisaient, des politiciens lui promettaient une spectaculaire reconversion. On n’avait pas fini d’exploiter son parcours digne d’un scénario de Hollywood, de citer en exemple ce winner au pays des winners. Mais qui savait à quel point Lance Armstrong était envoûté par l’image qu’il avait de lui-même, et qu’il était parvenu à imposer au monde entier? En voulant à tout prix la préserver, il l’a détruite plus sûrement que ne l’aurait fait la plus humiliante des défaites, le plus piteux des abandons. Il a triché. Il a menti. Ceci n’est pas une histoire de sport. C’est celle, que n’eût pas désavouée Tom Wolfe, d’un rêve américain qui était trop beau pour être vrai."

jeudi 30 mai 2013

Daniel Cordier : comment tuer l’Histoire pour raconter des histoires

Article invité: par Pascal Convert.

Daniel Cordier.
Dans De l’Histoire à l’histoire, son dernier ouvrage, Daniel Cordier livre son «Discours de la méthode», c'est-à-dire la manière dont il a opposé les documents d’archives aux témoignages des Résistants. Dans le cours de sa démonstration, il revient sur ce qu’il nomme l’Affaire Aubrac. Accusés par un prétendu «Testament» de Klaus Barbie d'avoir joué un rôle essentiel dans l'arrestation de Jean Moulin et mis en cause par le journaliste Gérard Chauvy qui avait fait grand cas de ce document apocryphe, Lucie et Raymond Aubrac se retrouvaient le 17 mai 1997 devant un parterre de huit historiens, parmi lesquels Daniel Cordier. Soucieux de n’éluder aucune question, Raymond Aubrac déclara:

«Naturellement, je suis là pour répondre à des questions, mais je me permettrai d'énumérer au préalable celles sur lesquelles il me paraît important que l'opinion soit éclairée, car elles sont impliquées par le «Testament de Barbie» qu'utilise Gérard Chauvy.
1) Raymond Aubrac était-il un agent de la Gestapo dans l'état-major de l'Armée secrète, comme Klaus Barbie et Jacques Vergès l'ont écrit?
2) Raymond Aubrac a-t-il été arrêté le 13 mars 1943 pour devenir, dès cette date, un agent de Barbie?
3) Raymond Aubrac a-t-il livré le 15 mars ses adjoints Serge Ravanel et Maurice Kriegel-Valrimont?
4) Raymond Aubrac a-t-il été mis en liberté provisoire en mai 1943 par la justice française suite à une demande de Klaus Barbie?
5) L'évasion du 24 mai 1943, dite « de l'Antiquaille », a-t-elle vraiment été organisée par Lucie Aubrac pour libérer trois autres détenus?
6) Raymond et Lucie Aubrac ont-ils livré la réunion de Caluire?
7) Raymond Aubrac, détenu par la Gestapo de juin à octobre 1943, a-t-il apporté une aide quelconque à la Gestapo?
8) Et enfin, l'évasion du 21 octobre 1943, organisée et dirigée par Lucie Aubrac avec un Groupe franc commandé par Serge Ravanel, non disponible ce jour-là, a-t-elle été organisée pour libérer Raymond Aubrac?»

Dans son nouvel opus, Daniel Cordier indique donc son état d’esprit de l’époque: «Quand vint mon tour, je répétai ce que tous les historiens présents avaient affirmé – et qui résumait ma conviction profonde: «Aubrac est innocent des calomnies que l'on porte contre lui." Ce qu'Aubrac réclamait depuis longtemps venait de se produire : il obtenait la caution des meilleurs spécialistes de la Résistance de l'époque, ce à quoi je m'étais personnellement engagé. [1]» S’attribuant ainsi le mérite personnel du «blanchiment» de Lucie et Raymond Aubrac, on se serait attendu à ce que Daniel Cordier en reste là.

lundi 27 mai 2013

Exploité(s): le nouvel ensauvagement du capitalisme

En inventant une formidable machine à fabriquer du progrès matériel, la civilisation occidentale possède en elle, consubstantiellement, un surmoi quantitatif. Son arme, le capitalisme, qui n’a plus (ou pas) face à lui une contre-géopolitique mondiale capable de contenir son arrogance...

Bangladesh. Relisant cette semaine (pour les besoins d’un éditorial) des dizaines d’articles consacrés au drame du Rana Plaza, près de Dacca au Bangladesh, qui a fait pour l’heure plus de 1 100 victimes – la plupart des femmes, souvent mineures –, le bloc-noteur a été frappé de constater une fois encore que la matrice de la bonne conscience occidentale ne se réveillait que dans les extrémités. Quand l’horreur succède à l’ordinaire. Même si cet ordinaire-là voisine avec ce qu’il faut bien appeler de nouvelles formes d’esclavagisme… Chemin faisant, nous avons lu par exemple qu’il fallait «fermer au plus vite» ces ateliers de la sueur et, bien évidemment, boycotter tous les textiles estampillés made in Bengladesh. Idée séduisante mais tardive, non? Comme si priver du jour au lendemain de revenus des millions de familles miséreuses allait régler le problème – honteux et épineux – de la financiarisation globalisée, tout en nous redonnant, accessoirement, belle figure et baume au cœur. N’achetez plus chez Carrefour ni chez Auchan ni chez Benetton pendant, allez, un mois, et vous aurez résolu 
la dépendance du Bangladesh vis-à-vis de l’étranger en améliorant le développement et l’échange mutuel entre les peuples pour le grand bénéfice de tous… La bonne blague!

Capitalisme. Comment annihiler la sauvagerie implantée au cœur de l’humanité vendue aux marchés? En inventant une formidable machine à fabriquer du progrès matériel, la civilisation occidentale possède en elle, consubstantiellement, un surmoi quantitatif. Son arme, le capitalisme, qui n’a plus (ou pas) face à lui une contre-géopolitique mondiale capable de contenir son arrogance, a repoussé les frontières de ses capacités d’exploitation.

jeudi 23 mai 2013

Exploitation: après le drame du Bangladesh

Résumons : l’esclavage et la mort là-bas, le chômage ici, et toujours des profits juteux dans les poches des capitalistes.

Ne sommes-nous pas tous complices, tous responsables, au moins par passivité? En vingt ans, le Bangladesh s’est hissé au deuxième rang des exportateurs de textile, derrière la Chine. Comment? 
En attirant les grands noms de la fast fashion et du prêt-à-porter occidental – toujours favorables aux délocalisations – en pratiquant des coûts bas imbattables. À quel prix? Des salaires de misère, 0,25 euro de l’heure pour des ouvrières souvent mineures, et des conditions de travail et de sécurité dont l’indignité ne supporte aucun qualificatif. Le drame prévisible du Rana Plaza, qui a fait pour l’heure 1127 victimes – l’une des grandes catastrophes de l’histoire industrielle –, a brutalement rappelé aux bonnes consciences que la course folle à la société low cost à tous les étages pour le plus grand profit des grandes entreprises et des investisseurs sans foi ni loi avait des implications sociales chez nous mais aussi des conséquences dignes des pires atteintes aux droits humains dans les pays concernés: de la sueur, de l’esclavagisme moderne, parfois du sang.

vendredi 17 mai 2013

Boucle(s): quand les écrivains aiment le Tour

Un recueil de textes d'auteurs, chez Flammarion, nous plonge déjà dans la prochaine édition du Tour de France. Gloire de la Petite Reine !

Tour. Dépressifs chroniques ou fragiles crépusculaires de la première heure, beaucoup d’écrivains souffrent le martyre devant leur page blanche – mais, comme Antoine Blondin, la plupart d’entre eux ne savent rien faire d’autre. Tant mieux. Pour le bonheur du cyclisme, les Lettres ont souvent croisé les routes de la Grande Boucle, voisinant avec les sommets du genre. À quelques semaines de la centième édition du rendez-vous de Juillet, où l’on honorera une fois encore le grand héritage de la salle des Illustres, le journaliste et écrivain Benoît Heimermann nous propose, aux éditions Flammarion, une sélection de textes intitulés Ils ont écrit le Tour de France, une étonnante anthologie d’un peloton de soixante-quatre écrivains qui balaie tous les âges de la plus grande course cycliste. Ne nous étonnons pas: dans cette sélection ne figure qu’un seul texte de Blondin. Benoît Heimermann assume le parti pris: «L’intention présente n’est pas tant de minimiser l’importance de Blondin, et encore moins son talent, que de veiller à ce que sa boulimie de jeux 
de mots, de jeux de rôles, tous ces “cols buissonniers’’, ces “saucées des géants’’, ces “faces cachées de la lutte’’ ne phagocytent le reste des interventions.» Les recueils des chroniques de l’Antoine ne manquant pas, découvrir d’autres écrits était donc utile.

Huma. Des origines de «cette particularité sans prix» qu’est le lien entre les écrivains et le Tour, jusqu’à l’époque moderne, nous parcourons ainsi des articles de presse et des extraits de livres. Principale confirmation: le Tour impose bel et bien «sa propre grammaire, son propre vocabulaire», comme l’explique dans son introduction Benoît Heimermann: «Une euphonie à nulle autre pareille où les aigus des extraordinaires et les graves de cataclysmes se bousculeront au gré de reportages forcément plus proches du roman de cape et d’épée que du compte rendu d’audience.» Entre le «mythe total» défini par Roland Barthes et les «leçons d’énergie» admises par Louis Aragon, nous avons confirmation – heureux que nous sommes! – que le sujet se prête définitivement à ce que Blondin appelait judicieusement des «boursouflures du style», louées dans la caravane du Tour, honnies ailleurs.

dimanche 12 mai 2013

Débat(s): à quoi sert l'écriture?

Petite séance de rattrapage (juste six mois de retard) avec la lecture d'un étonnant roman de Joël Dicker, "La vérité sur l'affaire Harry Quebert". Et un anniversaire: dix ans de bloc-notes, déjà...

Dicker. «Si les écrivains sont des êtres si fragiles, Marcus, c’est parce qu’ils peuvent connaître deux sortes de peines sentimentales, soit deux fois plus que les êtres humains normaux: les chagrins d’amour et les chagrins de livre. Écrire un livre, c’est comme aimer quelqu’un: ça peut devenir très douloureux.» Avez-vous lu "la Vérité sur l’affaire Harry Quebert" (Éditions de Fallois), le roman de Joël Dicker publié à l’automne dernier, couronné par le Goncourt des lycéens et le prix de l’Académie française? Deux écrivains y sont les personnages principaux. Le premier, Harry, accusé de meurtre dans le New Hampshire, fut le maître du second ; ce dernier, Marcus, tente au fil d’une enquête minutieuse de disculper celui auquel il doit tout, à commencer par son talent et sa gloire littéraire. Le récit, qui a prétention de grand-roman-américain, a depuis non seulement trouvé le succès du public mais le cœur du bloc-noteur. La lecture de ce récit haletant fut tardive. L’aveu qui suit ne l’est pas moins: malgré ses insuffisances, ce livre est la preuve éclatante qu’écrire sur les États-Unis ne conduit pas mécaniquement à écrire à l’américaine, dans un esprit de contrainte et de pastiche. Joël Dicker est d’ailleurs né à Genève – et il est un authentique auteur de langue française…

Critères. Le bloc-noteur voit déjà les haussements d’épaules ostentatoires. Pas ça! Pas lui! Et à quoi bon vanter un roman déjà populaire et qui, à l’évidence, revendique sa filiation d’américanophilie littéraire, ce qui ne manque pas par les temps qui courent. Seulement voilà, dans la pénombre mercantile de ce qui-se-vend donc de ce-qui-se-publie, "la Vérité sur l’affaire Harry Quebert" possède en lui des qualités qui témoignent non du culte d’un moment (ce serait trop simple), mais bien du talent narratif d’un écrivain. Et c’est toute la différence.

mardi 7 mai 2013

Déni(s): le socialisme de gouvernement a-t-il choisi le capital?

Un an que Normal Ier s'est installé à l'Elysée. Les états d'âme (mesurés) de l'un de ses conseillers...

Ego. «L’une des caractéristiques des hautes sphères du PS, c’est qu’elles ne lisent pas de livres.» En découvrant cette phrase du géographe et historien Emmanuel Todd, cité dans le Monde du 2 mai, l’un des proches collaborateurs de Normal Ier a haussé les épaules en s’exclamant: «Le culte de la critique gratuite est la nouvelle religion dominante.» Puis l’ancien énarque et conseiller d’État a feuilleté le journal du soir avant de le chiffonner comme un prospectus. Un verre de bière et beaucoup de désolation dans le propos. «Si ça continue, nous reposerons bientôt tous dans le musée planétaire où nulle compréhension ne sera possible. Jadis, le sage, le prêtre, l’artiste, l’honnête homme, l’élu, le serviteur de l’État, le savant, le chercheur et même le révolutionnaire étaient des modèles qui sublimaient l’universelle voracité des ego. Notre modèle n’est ni le golden boy ni le pitre télévisuel. Nous ne sommes pas des fauves, tout de même!» L’énervement ne s’atténuera pas. En juin dernier, le même homme nous confiait: «Cette fois, la gauche ne peut pas décevoir, elle n’a pas le droit. Nous aurons des marges de manœuvre, c’est une obligation. Quand elle arrive au pouvoir, la gauche doit agir vite.»

Divorce. «Vite», disait-il à l’époque? Mais de quelle gauche parle-t-il donc, ici et maintenant? Un an tout juste après l’élection de Normal Ier, notre conseiller, en toute fraternité (les amitiés de longue date ne justifient pas tout) tente de faire bonne figure.