jeudi 2 mai 2019

Productivité(s)

Les Français ne travaillent pas moins que leurs voisins…

 

Raisons. Lorsque le peuple s’en mêle vraiment, il arrive parfois que l’or pur se change en plomb vil. Ainsi en est-il, autant de nos institutions que de notre art démocratique républicain d’accommoder ce qu’il subsiste encore de notre «pacte social à la française». Dans un climat idéologique déjà assez lourd, voilà que nos «élites» en rajoutent dans leur démagogie de vouloir classer les riches et les pauvres, occultant volontairement – et pour cause – les rapports de forces entre le capital et le travail, ce que beaucoup, instruits de Marx et de ses héritiers, n’oublient pas à l’heure des mécomptes du capitalisme. Mac Macron et ses affidés n’ont donc pas de mots assez durs pour affirmer que les «Français travaillent moins que leurs voisins». Ridicule et déplacée, cette assertion déclinée à souhait par tous les libéraux patentés est d’abord et avant tout un mensonge éhonté, une mystification révoltante. Parodiant la célèbre réplique du chef-d’œuvre la Règle du jeu (Jean Renoir), nous pourrions dire: «Ce qui est terrible sur cette terre, c’est que tout le monde a ses raisons.» D’autant que nous connaissons parfaitement bien celles de Mac Macron, qui puise ses «références» dans un célèbre institut de recherches économiques proche du patronat, Coe-Rexecode, qui ose évaluer la durée effective annuelle de travail des salariés européens sans tenir compte des temps partiels ni des indépendants, plaçant, de fait, la France dans une position atypique. Un exemple parmi d’autres: aux Pays-Bas, près de la moitié des salariés de 20 à 64 ans sont à temps partiel, contre 21% dans la zone euro, et 19,3% dans l’Hexagone. Même le journal le Monde (eh oui!) signalait cette semaine que les références de Coe-Rexecode étaient trompeuses, titrant sans détour: «Non, les salariés français ne travaillent pas moins que leurs voisins». 

 

Réalité. Ce point de vérité rétablie, et puisqu’il convient de parler des vrais chiffres économiquement démontrés et vérifiables, ceux de l’OCDE s’avéreront incontestables par sa méthodologie, dont nous conviendrons aisément qu’elle s’impose à tous. L’institut français de référence choisit en effet la réalité et retient dans ses statistiques le temps de travail annuel, peu importe que ce soit à temps partiel ou complet, ce qui paraît logique et honnête pour comparer ce qui doit l’être et ne pas se laisser enfermer dans le discours dominant du moins-disant social: «C’est mieux ailleurs.» 

Or, avec l’OCDE, les Français travaillent plus que les Danois, plus que les Néerlandais, et, bizarrement, même plus que les Allemands. Et pas un peu: 12% de plus! Au cas où la démonstration ne suffirait pas, le bloc-noteur ne résiste pas à l’envie de citer un organisme au-dessus de tout soupçon, à savoir Eurostat, l’une des directions de la Commission européenne chargée de l’information statistique. À moins de qualifier les responsables d’Eurostat de dangereux «déviationnistes gauchistes», il se trouve que ces derniers parviennent à la même conclusion que l’OCDE: les Français, à temps complet et à temps partiel, travaillent 37,3 heures par semaine, plus que la moyenne européenne (37,1 heures), plus que les Néerlandais (30,4), plus que les Britanniques (36,5), plus que les Suisses (34,7), plus que les Allemands (34,9). Spécificité Comprendre, n’est-ce pas déjà contester et, pourquoi pas, se révolter devant l’infâme propagande déversée du matin au soir? Que n’entend-on pas… «Fainéants» et «privilégiés», les Français? Un peu de sérieux et de dignité! Non seulement nous ne travaillons pas moins, mais nous sommes par ailleurs très productifs. Et de manière frappante. Qu’ils soient salariés ou indépendants, les citoyens travailleurs de notre pays développent un taux de productivité près de 15 points supérieurs à la moyenne européenne: 114,8 contre 100 pour les Vingt-Huit de l’UE, loin devant l’Allemagne (106,3). Qu’on le sache, cette spécificité nous est jalousée. Le Monde cite opportunément une formule de l’hebdomadaire libéral britannique, The Economist: «Les Français pourraient être en congés le vendredi, ils produiraient encore davantage que les Britanniques en une ­semaine.» Rien à ajouter.

 

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 3 mai 2019.]

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