lundi 19 novembre 2018

Un monde à part

En direct, la chute de Carlos Ghosn, le PDG de Renault et l’un des plus grands patrons d’industrie de la planète.

Il était l’homme des rémunérations indécentes, tellement, qu’il les assumait avec le cynisme de ceux qui ne doutent de rien, surtout quand il s’agit de leur propre portefeuille. Le voilà mis en accusation au pays du Soleil-Levant, arrêté manu militari puis interrogé par des enquêteurs japonais, et enfin publiquement lâché par les autres dirigeants de Nissan, qui ont annoncé illico presto son remplacement, dès ce jeudi… En direct, la chute de Carlos Ghosn, le PDG de Renault et l’un des plus grands patrons d’industrie de la planète. Que lui reproche-t-on? D’avoir, pendant de nombreuses années, déclaré des revenus inférieurs au montant réel, sans parler d’autres malversations, telles que l’utilisation de biens de l’entreprise à des fins personnelles. Si les faits sont avérés, le boss de l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi ne sera bientôt plus rien du tout sur l’archipel… et probablement en France.

On a beau être l’incarnation vivante d’un monde à part – celle de la caste des premiers de cordée qui imposent et osent tout –, cette fraude fiscale, même pratiquée au Japon, aura également des conséquences au pays de Macron… Il y a tout lieu de croire que Carlos Ghosn ne sera plus longtemps encore PDG de Renault. Et nous nous souviendrons – avec ironie – que l’emblématique maître du losange s’affichait encore à côté du président (merci pour la suppression de l’ISF!) lors de son «itinérance mémorielle», le 8 novembre, à Maubeuge, lorsque ce dernier fut interpellé par un salarié de Renault.

La parade s’achève. Autant l’admettre: nous ne lâcherons ni la moindre larme ni la plus petite lamentation sur son sort. Car si l’impudence et l’avidité n’ont pas de frontières, celles de Carlos Ghosn en matière de salaire personnel en disent long sur l’homme et ses méthodes. Pour mémoire, rappelons qu’il a perçu de Renault 7,4 millions d’euros pour la seule année 2017, auxquels s’ajoute la modeste contribution de Nissan, 8,8 millions d’euros. Nous écrivons souvent que le coût du capital est une arme contre l’emploi; ajoutons que le coût du capital personnel est aussi une arme contre les salariés de sa propre entreprise. Mais c’est un monde à part, vous dit-on. Jusqu’à un certain point…

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 20 novembre 2018.]

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