Manifestations du 22 mars dernier. |
La conscience du moment a déjà une vertu: nous savons pourquoi il convient de ne pas se laisser impressionner par le matraquage idéologique. Le début du mouvement historique des cheminots, ce 3 avril, laissait bien sûr entrevoir une offensive d’ampleur de tous les libéraux de la noblesse d’État, de la technocratie et de la médiacratie réunies, qui prêchent le dépérissement de l’État au profit du règne sans partage du marché fou et des logiques du privé. En rabâchant à l’infini les connaissances abstraites et mutilées dont ils se prévalent, ils ne se lassent pas de placer la « modernité » du côté de nos gouvernants et des patrons qui les représentent et les honorent, sachant, évidemment, que l’archaïsme se trouve toujours du côté des syndicats et du peuple. Au fond, on en vient à se demander qui a vraiment peur, depuis les manifestations du 22 mars.
Avec la SNCF, une nouvelle et décisive guerre sociale est engagée par Emmanuel Macron. Les citoyens l’ont bien compris. L’attaque brutale contre les uns ne sert qu’à préparer et favoriser celle contre les autres, pour que, au fil des contre-réformes et des privatisations, la France tourne le dos à son histoire sociale. Ne soyons pas dupes. Pourquoi veulent-ils à ce point humilier les cheminots et entraîner dans cette tentative scandaleuse une partie de l’opinion publique ? Pour ouvrir une brèche, et ensuite atteindre la classe ouvrière, le monde du travail et de la création tout entier…
Nous sommes tous concernés par ce mouvement social ; nous sommes tous des usagers. Ce combat, qui s’annonce long et incertain, nous rappelle quelques belles pages dans la mesure où il s’agit d’un combat culturel autant que social : celui des services publics, le pilier de notre civilisation sociale, notre bien commun. Car, les services publics restent la seule richesse de ceux qui n’ont plus rien. Depuis que la grande explication «de texte» a débuté, chacun peut désormais comprendre que les défis auxquels la SNCF est confrontée n’ont rien à voir avec le statut de ceux qui y travaillent et strictement aucune incidence sur la dette du système ferroviaire ou le sous-investissement chronique. Voilà pourquoi cette inédite bataille du rail est la nôtre. Elle ne se mènera et ne se gagnera qu’ensemble, le plus largement possible, tous secteurs confondus. Au nom de l’intérêt général. Et d’une certaine idée de l’à-venir.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 3 avril 2018.]
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