«Gauche». Comme expliqué la semaine dernière, le devoir d’invention arrive donc, avec son complément, l’indispensable déplacement de notre stratégie. Puisqu’on nous apprend qu’Emmanuel Macron pratique à la tête de l’État du «saint-simonisme moderne» et que cette «vision renouvelée» du travail et de l’entreprise guide «tous ses actes», prenons bien la mesure de l’entreprise en cours, d’une ampleur considérable. Tout cela tient pourtant en une phrase, prononcée en 2015 lorsqu’il était encore ministre de l’Économie: «Le libéralisme est une valeur de gauche.» D’où la référence à Saint-Simon, qui non seulement a reçu les sympathies d’intellectuels aussi bien libéraux que socialistes, mais qui, paraît-il, se disait convaincu que le système industriel devait permettre de développer les capacités des personnes au profit de la société et d’orienter les institutions politiques en direction de l’intérêt général. Macron, du «saint-simonisme moderne»? Petit rappel: selon l’OFCE, les mesures budgétaires du gouvernement d’Édouard Philippe ont essentiellement bénéficié aux plus riches, puisque les 5% des ménages les plus aisés capteront 42% des gains issus des premières réformes du quinquennat. Sans parler de la suppression de l’ISF, et du reste. «L’intérêt général», une notion vague pour certains...
«Déjà-là». À moins que ce ne soit très clair au contraire. Lisez absolument «Vaincre Macron», de Bernard Friot (la Dispute, 132 pages), et vous comprendrez de quelle matrice provient le nouveau président et pourquoi il a été choisi par les puissants afin de se débarrasser des pesanteurs de l’alternance droite-gauche pour filer tout droit là où d’autres ont échoué à imposer «les» réformes – qui ne sont rien d’autre qu’une véritable contre-révolution – visant à restaurer «la pratique capitaliste du régime de propriété et du statut du producteur».
Pour «refaire vivre l’histoire populaire révolutionnaire qui nous a été volée», le sociologue et économiste nous invite à sortir de la «commune cécité sur le “déjà-là” communiste du travail». Il parle, bien sûr, de notre héritage né du Conseil national de la Résistance (CNR). «Sortons de la lecture soporifique de la Libération, écrit-il, qui en fait un moment de circonstances exceptionnelles ayant permis un meilleur partage des richesses entre le capital et le travail au bénéfice des travailleurs. Au contraire, les lendemains de la Seconde Guerre mondiale sont une période révolutionnaire, un moment où le mode de production est mis en cause: ce qui se joue, ce n’est pas la répartition de ce qui est produit, mais la production elle-même et ses deux institutions essentielles, le régime de propriété de l’outil de travail et le statut du producteur.» C’est à partir de ce socle inaliénable que Bernard Friot appelle à reprendre le combat. Pour lui, en finir avec la propriété lucrative, avec le marché du travail, avec le crédit, c’est non seulement possible, mais c’est déjà sous nos yeux: salaire à la qualification, statut de la fonction publique, régime général de la Sécurité sociale, subvention de l’investissement, socialisation de la valeur dans des cotisations ou des impôts permettant le salaire à vie des soignants ou la subvention d’équipements de service public, sortie du travail du carcan de la mise en valeur d’un capital… «C’est tout ce “déjà-là” communiste qu’il faut généraliser pour vaincre une contre-révolution vouée à réaffirmer la pratique capitaliste de la valeur», exhorte l’économiste. Nous connaissons la logique mortifère: les travailleurs ne pourraient désormais «mener que des combats de répartition: au mieux faire bouger le curseur à leur avantage dans la répartition de la “valeur”, hypostasiée dans sa forme capitaliste de valeur d’échange». Bernard Friot souhaite – comme nos aïeux du CNR – que nous visions beaucoup plus haut, quitte à changer notre «culture militante» pour résister, certes, mais surtout inventer le nouvel horizon d’une société. Il prévient: «Que répondre au lecteur qui trouve le projet enthousiasmant et le chemin impossible? Que le projet est le chemin.» Fût-il long…
[BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 2 février 2018.]
1 commentaire:
Le capitaliste à toujours été un individu qui cherche à ne défendre que ses propres intérêts.
Il est cet personne qui à voulu garder les valeurs de la monarchie d'avant la révolution.
Cette théorie du ruissellement est aussi grotesque que la soit-disant Crise dont on nous rebats les oreilles.
Lorsque l'on regarde nos gouvernant, on se demande s'ils ont l'âge de raison. Ce qu'ils défendent, c'est juste le deficit du commerce extérieur par exemple en vendant des avions de guerre. Et après, ils se demandent avec leurs homologues comment faire pour vaincre le terrorisme.
Il faudrait faire comme les parents font à leurs enfants, leur couper les vivres.
Mettre la salle des marchés dans les casinos.
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