De Pasqua à Sarkozy, les pires droitiers n’avaient pas osé. Emmanuel Macron y va. Et au pas de charge.
Pinçons-nous bien fort pour y croire. «C’est un projet de loi totalement équilibré», déclare Gérard Collomb dans le Parisien d’hier. Il parle, vous l’avez compris, du projet de loi sur l’asile et l’immigration, dénoncé par toutes les associations afférentes et bien au-delà, puisqu’apparaissent de plus en plus clairement des dissensions au sein de la majorité parlementaire. Si l’on peut dire, le ministre de l’Intérieur passe même aux aveux en confiant: «Il n’est jamais agréable de passer pour le facho de service.» Et pour cause. Doublement de la durée de rétention, raccourcissement des délais de recours, intention affichée d’accroître sensiblement le nombre des expulsions, instauration du contrôle des migrants résidant dans les structures d’accueil, etc.: les majorités conservatrices n’avaient pas pris de mesures aussi contraignantes, qui bafouent l’esprit de notre République et ses traditions multiséculaires, qui entrent en contradiction avec un statut de la convention de Genève datant de 1951 et nous renvoient loin en arrière dans les références abjectes. De Pasqua à Sarkozy, les pires droitiers n’avaient pas osé. Emmanuel Macron y va. Et au pas de charge. Oubliant au passage ses engagements de candidat, quand il louait l’action d’Angela Merkel qui, clamait-il, «a sauvé notre dignité collective en recueillant des réfugiés en détresse».
Dans ce dossier ultrasensible et potentiellement ravageur pour le pouvoir, où est précisément la dignité de l’exécutif? Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, ne le cache pas: «La volonté des pouvoirs publics actuels de considérer qu’il existe des bons et des mauvais migrants, des migrants accueillables et d’autres rejetables par une sorte de tri, est une erreur absolue.» Tout comme le prix Nobel de littérature Jean-Marie Gustave Le Clézio, qui pousse un cri de colère dans l’Obs: «Comment peut-on faire le tri? Comment distinguer ceux qui méritent l’accueil, pour des raisons politiques, et ceux qui n’en sont pas dignes? Est-il moins grave de mourir de faim, de détresse, d’abandon, que de mourir sous les coups d’un tyran?» Les migrants maltraités d’aujourd’hui sont nos parents ou nos frères d’hier. Qui peut assurer qu’il ne sera pas lui-même un migrant de demain?
[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 15 janvier 2018.]
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