jeudi 28 septembre 2017

Confession(s)

Le pape François se livre dans un ouvrage d'entretien avec le sociologue français Dominqiue Wolton. Un régal… 

Communistes. Curieux, comme les lectures s’entrechoquent parfois. Embarqué dans quelques textes de Marx pour la préparation d’un Salon du livre, le bloc-noteur parcourut de nouveau un article célèbre du philosophe, publié le 16 octobre 1842. Son premier texte «politique», intitulé «Le communisme et Die Augsburger Allgemeine Zeitung». Le jeune Karl y écrit ceci: «Le communisme est un mouvement dont les origines remontent à Platon, aux sectes juives et aux premiers monastères chrétiens.» Vous allez comprendre l’ironie de l’histoire. Car, la veille, refermant l’incroyable livre d’entretiens (enfin lu !) entre le pape François et le sociologue français Dominique Wolton, au titre sobre de "Politique et société" (éditions de l’Observatoire, 432 pages), nous avions découvert un passage étonnant. Le jésuite le plus célèbre du XXIe siècle y déclare sans détour: «Les communistes, ce sont les chrétiens.» Cent soixante-quinze ans séparent ces deux citations. De quoi se frotter les yeux. Sans aller jusqu’à penser que Jorge Mario Bergoglio laissera une trace dans l’histoire aussi considérable que celle de Marx, nous fûmes néanmoins à moitié étonné d’apprendre qu’il avait été «énormément influencé par une militante communiste», Esther Ballestrino de Careaga, tuée sous la dictature argentine (1976-1983) après avoir aidé à fonder le mouvement des Mères de la place de Mai, qui dénonçaient la disparition de leurs enfants assassinés par le régime. «Elle m’a appris à penser la réalité politique, assure le pape. Je dois tant à cette femme.» Et un peu plus loin il ajoute donc: «On m’a dit une fois: “Mais vous êtes communiste!” Non, les communistes, ce sont les chrétiens. Ce sont les autres qui ont volé notre bannière!» Les «autres» n’ont rien volé, à notre connaissance. Mais passons…


Liberté. Ce pape continue de nous fasciner. Et ce livre d’entretiens nous embarque loin. D’autant que ce magistral «coup» éditorial ne ressemble à rien d’ordinaire. Car François ne répond pas ici à une interview, au sens journalistique du terme. Le principe s’apparente plutôt à une conversation libre. Dominique Wolton a eu de la chance : douze tête-à-tête, dans l’intimité de la résidence Sainte-Marthe au Vatican, desquels il ressort moins une dimension littéraire qu’une oralité assumée. Certaines interventions du sociologue peuvent paraître d’ailleurs un peu longues, rapportées à certaines réponses du pape. Mais c’est bien cette liberté qui donne de la chair vivante et un surcroît d’âme assez supérieure : à aucun moment François ne cherche à jouer un personnage, pas même le représentant incarné d’une fonction suprême. Nous le lisons en tant que pape, certes, mais comme il l’était dans la vie de tous les jours, jadis, en simple provincial des jésuites en Argentine, saisissant l’instant de la question ou de la réflexion, défendant sa spontanéité au nom de sa pensée profonde. Et surtout, il se confesse! Tout y passe. Les femmes de sa vie: sa grand-mère, sa mère et ses «petites fiancées», qu’il nomme ainsi. Les tourments: il admet avoir «consulté une psychanalyste juive» alors qu’il avait 42 ans, «à un moment de (sa) vie où (il) en a eu besoin», durant six mois, «pour éclaircir certaines choses». Reconnaissant «des erreurs» depuis son élection en 2013, il se revendique en «ennemi de la rigidité intellectuelle» comme de «la synthèse qui affadit», mais étaye ses convictions: l’argent, «pire ennemi de la société», les inégalités, le soutien aux migrants, l’écologie, la paix, etc. Habité par l’Histoire, sans illusion excessive sur les hommes, il vient nous ébranler en affirmant: «À moi, rien ne me fait peur.» Comme si les critiques ne l’atteignaient pas. Comme si rien n’entravait sa volonté de changement. «Je me sens libre. Ça ne veut pas dire que je fais ce que je veux, non. Mais je ne me sens pas emprisonné, en cage. (…) On fait ce qu’on peut, on prend les choses comme elles viennent, certaines marchent, d’autres pas. Ça peut être de la superficialité, je ne sais pas. Je ne sais pas comment l’appeler. Je me sens comme un poisson dans l’eau...» Et nous en pleine immersion. 

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 29 septembre 2017.]

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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LE Vendredi, 29 Septembre, 2017 - 00:07

La pensée du Christ est communiste, le partage est la communion absolue. L'église ne l'a pas suivi à la lettre. ( Le fils du charpentier est un prolétaire qui voulait éradiquer la pauvreté et la misère de la Classe ouvrière, et il n'était pas tout seul à son époque. )