Article invité, par Saraypaco.
Bernard, François, Paul et les autres (éditions Anne Carrière).
1985, c’est un peu la fin de tout, et le début d’une ère nouvelle. 1985, c’est l’année où l’on a retrouvé l’épave du Titanic, c’est l’ouverture des Restos du Coeur par Coluche, c’est l’année où Michel Audiard nous a quitté et où Bernard Hinault a remporté son cinquième Tour de France. 985, c’est aussi l’année où Jean Emmanuel Ducoin et son grand-père ont suivi le Blaireau en Simca 1000 sur toutes les routes de France. Un voyage initiatique ou le rêve s’est confronté à la réalité, où l’homme a décidé de devenir journaliste et où la France a perdu certains de ses idéaux.
«Pour les champions d’exception, l’exploit n’est pas de réaliser ce que les autres les croient incapables de faire, mais de réaliser ce qu’eux-mêmes pensent ne jamais pouvoir réaliser.»
On reconnait très vite l’écriture journalistique et engagée de Jean Emmanuel Ducoin, rédacteur en chef du journal l’Humanité. Les encarts en fin de chapitres sont très pertinents, on y retrouve des extraits de livres (La république du Tour, Forcenés, Cool memories…) mais aussi des extraits d’articles de presse (l’Equipe, Le Monde, Libération…). Ces petits «digestifs» nous permettent d’appuyer les dires de l’auteur tout en plongeant son récit dans une réalité palpable. On comprend très vite que Jean-Emmanuel Ducoin n’est pas dans la nostalgie d’un Tour de France populaire avec de grands coureurs. Pour le journaliste, et pour de nombreux observateurs, la dernière Grande Boucle a eu lieu en 1984, avant Bernard Tapie et sa merchandisation du sport, avant le phénomène de dopage de masse scientifique, transfusion sanguine, EPO…
Il est cependant symptomatique de voir que l’on ne peut parler de cyclisme sans dopage. Le scandale de 1998 a été un traumatisme qui a eu des effets rétroactif, c’est tout une part de l’héritage du cyclisme français qui a pris du plomb dans l’aile, et à travers le cyclisme, la France elle même. Un récit militant en plein eigthies, entre fermetures d’usines et podium d’étapes. Touchant, l’auteur nous livre une partie assez intime de sa vie. Un «road trip» à la rencontre des Français, à travers le Tour 1985, qui a changé sa vie et qui changera notre regard sur bien des sujets. Un livre à ne pas manquer.
«C’est un peu pareil avec le bonheur. Nous aspirons tous au bonheur. Nous le cherchons, nous le poursuivons, nous courons après, nous nous essoufflons. Nous formulons des rêves, histoire de nous fixer un cap, une direction, un sens. Un jour, nous parvenons même à définir cette idée du bonheur. Nous l’intellectualisons. Nous la fixons dans le temps et l’espace, nous la programmons. Nous nous disons que nous sommes en chemin, sur le bon chemin, pourtant loin du but. Et puis un jour, nous nous apercevons qu’il est déjà trop tard . Alors nous nous souvenons, émus, de ces jours où nous cherchions ce bonheur, traquant dans le passé perdu l’énergie que nous y mettions, sans savoir que nous le vivions pleinement, que nous perdions notre temps à le chercher alors qu’il était là.
Ce bonheur étant devant moi, un soir de juillet 1985. Et avec lui, déjà, la tristesse du bonheur.»
1 commentaire:
Magnifique extrait du livre; je le recommande à ceux qui aiment le lyrisme, la nostalgie et les épopées.
De qualité et de ton comparable au Séville 82 de Pierre-Louis Basse. A siroter devant les étapes du Tour, pendant que notre suiveur préféré continue, inébranlable et onirique, à nous alimenter quotidiennement de sa prose poétique - dans L'Huma, évidemment.
DavidC
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