En bâillonnant le Parlement et en imposant ce procédé grossier du 49-3, l’exécutif vient de montrer à ceux qui en doutaient son échec et son extrême faiblesse, symbolisée par la perte d’une majorité assurée.
Les vrais traîtres, ça ose tout; c’est même souvent à ça qu’on les reconnaît. Voici donc la démocratie parlementaire, selon Manuel Valls. Il était 14h25 à l’horloge de la représentation nationale, hier, quand le premier ministre a annoncé aux députés qu’il recourait à l’article 49-3 de la Constitution, tuant dès le premier jour toute possibilité de discussions sur le projet de loi Macron. Si l’affaire était, hélas, entendue, elle n’enlève rien au caractère à la fois surréaliste et gravissime de l’acte en lui-même. Non seulement il entrave l’esprit républicain censément incarné à l’Assemblée nationale, mais il creuse un peu plus le fossé entre les citoyens et la légitimité de la parole publique. Manuel Valls, qui parle «d’efficacité pour l’économie» afin de justifier l’injustifiable, confond une fois de plus autorité et autoritarisme.
En bâillonnant le Parlement et en imposant ce procédé grossier du 49-3 (dont François Hollande en personne souhaitait jadis la disparition), l’exécutif vient de montrer à ceux qui en doutaient son échec et son extrême faiblesse, symbolisée par la perte d’une majorité assurée. Il passe en force, viole l’opinion des députés pour la seconde fois sur un projet de loi encore un peu plus libéral et antisocial qu’après la première lecture. Face à cette mascarade, face à ce déni de démocratie, l’histoire a déjà tranché: l’unique force des faibles, leur caractère profond, c’est de fuir le débat. Une véritable honte.
Au moins Manuel Valls a-t-il trouvé un soutien naturel, celui de Pierre Gattaz, qui voit dans le recours au 49-3 «une bonne chose» et dénonce au passage la «politique politicienne» de la droite. Gattaz a le mérite de mettre les points sur les «i». La loi Macron lui plaît. C’est une loi de classe. Une bombe à fragmentation contre le droit social. En toute logique, le patron des patrons a la reconnaissance du ventre… Chacun doit désormais en tirer les conclusions – à commencer par les frondeurs socialistes – et cesser de croire à un possible changement d’orientation du tandem Hollande-Valls. Le congrès de Poitiers n’a absolument rien changé. Alors disons les choses clairement: une censure de gauche du premier ministre serait la bienvenue. Sinon une urgence!
[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 17 juin 2015.]
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire