mercredi 16 janvier 2013

Les aveux d'Armstrong: trop tard, Lance, trop tard...

L'ex-septuple vainqueur du Tour se met à table. Comment taire sa frustration que cette confession vienne si tardivement...

Armstrong chez Oprah Winfrey.
Les larmes n’y changeront rien – les regrets non plus… Le «oui je me suis dopé», de Lance Armstrong, accompagné, face caméra, de quelques sanglots peut-être sincèrement assumés, restera bien sûr dans l’histoire du sport quand les images seront diffusées, ce jeudi, sur la chaîne américaine CBS. Dans le genre mélodrame façon showbiz, Oprah Winfrey sait y faire. Bien d’autres avant le Texan sont passés sur le divan de l’animatrice starifiée. Les douleurs de l’enfance ; le parcours tout en vigueur d’un enfant battu par l’un de ses supposés «pères» ; et puis la genèse d’un caractère hors du commun, capable de vaincre un cancer qui aurait dû le terrasser, mais capable aussi d’imposer dans le peloton un ordre mafieux, par le mensonge coopté par tous (ou presque) et l’appétence du pouvoir absolu.

Trop tard, Lance, trop tard! S’il faut se réjouir que
l’ex-septuple vainqueur du Tour ait enfin avoué avoir triché, comment ne pas comprendre qu’il s’est soumis à la pression de ses proches et des membres de sa fondation contre le cancer, Livestrong, au bord du gouffre. Et comment taire sa frustration que cette confession vienne si tardivement.
Car, depuis la lecture du volumineux rapport de l’agence antidopage américaine, l’Usada, le «cas» Armstrong s’écrivait déjà au passé, tant étaient accablantes les conclusions de cette enquête dans laquelle nous avions découvert – sans vraiment le découvrir – ce que l’Usada appelle «une conspiration du dopage le plus sophistiqué jamais révélé dans l’histoire». Le plus grand scandale de l’histoire du sport moderne.

S’il avait avoué plus tôt, beaucoup plus tôt, par exemple après la rémission de son cancer en 1997, ou lors des nombreux scandales qui éclaboussèrent les années 2000 jusqu’à son come-back, le cyclisme aurait gagné du temps pour réfléchir à sa refondation, sinon à sa révolution. Nous avons beau nous dire qu’à chaque fois qu’un repenti s’exprime, c’est un pas de franchi vers le renouvellement des mœurs, nous ne pouvons que constater l’ampleur du mal enduré. Armstrong a écorné la légende de Juillet. Il a profané le mythe. Il a accéléré le processus de spectacularisation d’un nouveau genre de coureurs, proches des héros virtuels, monétisables, préfigurant un futur cauchemardesque où seraient rois les acteurs de la métamorphose des corps, enfantés dans les horreurs des pires prédictions du bio-pouvoir.

Lance n’était qu’un revenant du cancer. Cela lui offrait 
du crédit et de la compassion. Il disait qu’il n’avait plus rien d’autre à perdre «que la vie». Comment a-t-il pu trahir à ce point les malades? Tel est son drame intime.

Avec quelques-uns (citons prioritairement Pierre Ballester, David Walsh et Damien Ressiot), nous ne tirons aujourd’hui aucune gloire d’avoir eu raison avant tout le monde en combattant le «système Armstrong» en un temps où la glorification de l’Américain était la règle imposée. Nous n’étions pas nombreux. Désormais, tout le monde sait que le cyclisme, lui aussi, mérite que des journalistes cherchent la vérité et la disent. On ne joue pas impunément avec l’Histoire du Tour de France.

[ARTICLE publié dans l'Humanité du 16 janvier 2013.]

1 commentaire:

DOUILLON a dit…

Armstrong, il aurait du faire comme Chirac : Prendre des produits pour oublier avant d'avouer !