dimanche 25 mars 2012

Mouvement(s): ce que la re-prise de la Bastille nous dit...

Avec le drame de Toulouse, sommes-nous passés d'une séquence de classes à une séquence sécuritaire? Retour sur le sens de la Bastille. 

Séquences. Nul besoin d’avoir un grand sens de l’État pour voir le malaise environnant qui a chaviré la France depuis quelques jours. Schématiquement résumé, nous pouvons affirmer que la campagne électorale vient de changer de visage. En ce début de semaine encore, au lendemain d’une marche historique entre Nation et Bastille, nous étions dans une séquence de classes. Les odieux assassinats de Toulouse ont alors plongé la France dans la stupéfaction d’une séquence communautaire. Depuis, ce que nous redoutions le plus a surgi: nous voilà en pleine séquence sécuritaire. Et puisque vous y pensez autant que nous, ne tournons pas autour du pot. Nous savons que le surgissement de cette séquence «sécuritaire» était secrètement espéré par tous ceux qui portent la stigmatisation et la division en bandoulière.

Symboles. Comme l’affirmation d’un choix radical: revenons à la séquence de classes. Celle qui s’est déroulée pour notre plus grand bonheur à la Bastille. Ne nous méprenons pas. Lorsque Jean-Luc Mélenchon, auquel certains ont prêté des accents autant jaurésiens que gaulliens, lança au peuple réuni: «Où étiez-vous passés, tout ce temps?», ce n’était ni par pente nostalgique ni par esprit rétroviseur.
Non, cette expression volontairement ironique lui permit d’asséner à ceux qui en ont peur: «Nous sommes de retour!» Entre examen de conscience et examen d’émotion qu’appellent nécessairement les circonstances, nous laissons le rouge au front pour retrouver et réinventer le rouge du drapeau. Il y a de la grandeur à vouloir continuer et à continuer de vouloir – régénérer les idées, reconstruire une espérance, repartir de plus belle, lever les poings. Ce que Régis Debray appelle le «re» éternel, celui de Sisyphe «qu’il nous sied d’imaginer heureux (le contraire serait déprimant)». Nous étions brocardés, vilipendés, moqués, voire sacrifiés? Affrontons de face les déluges en vidéosphère pour ne pas taire notre fierté d’être là et bien là, moins seuls que jamais, même s’il ne faut jamais sous-estimer «la difficulté qu’il y a à braver l’opinion dans une démocratie d’opinion» (Debray). Car oui, nous étions «au bon endroit» et «à la bonne date».
Bastille: là où le peuple grandit dès qu’il redevient le peuple. 18 mars: anniversaire de la Commune de Paris. Qu’on ne s’y trompe pas. Certains symboles ne sont pas que des accessoires dévitalisés à destination de folklores dépassés – ils font partie du nous collectif et décorent et inspirent le chemin en tant qu’ils nous rappellent le devoir d’histoire et le travail de mémoire. Les mots «reprenons la Bastille», aussi bombés du torse soient-ils, avaient bel et bien un sens qu’il convient de ne pas cacher. Que signifiaient-ils et que signifient-ils encore? Ceci: arrêtons de consentir, sortons de la résignation, luttons, n’ayons plus peur, regroupons-nous, réunissons-nous, etc. Sans être des «modèles» d’action (quelle horreur!), les symboles ouvrent nos imaginaires et inspirent les actes. Puisque les antécédents sont là, pourquoi le peuple de France ne pourrait-il pas mettre une nouvelle révolution à l’ordre du jour, cette révolution citoyenne que nous souhaitons de tout notre cœur? Pas pour sortir les piques et les fourches, les armes et le fer, mais bien par les moyens du rapport de forces politique enfanté par une insurrection civique. Cette perspective tient en quelques mots: devant une France défigurée par les inégalités sociales, il est urgent de tourner la page de cet Ancien Régime en refondant une République. En somme, refonder le peuple français lui-même, rassemblé autour d’un idéal commun.

Idées. Il y a du bonheur, du plaisir et même de la fertilité à participer à une renaissance, qui, par définition, renouvelle et transforme l’âme matricielle. À quoi sert le Front de gauche? À regarder par-dessus l’épaule de son voisin, à imaginer plus loin que l’horizon, à tenter de s’incarner dans quelque chose de plus grand que soi. Choses vues à la Bastille, toutes aussi importantes: le Front de gauche nous permet – enfin ! – de quitter le dos-à-dos pour retrouver le coude-à-coude! Affirmons-le à visage découvert: nos idées avancent et nous avons tourné la page des humiliations. Que les excellences et autres éditocrates-de-la-haute se le disent: la gauche a retrouvé son peuple. Car la gauche sans le peuple n’a jamais été la gauche. Nous sommes là et ils n’en finiront jamais avec nous. L’histoire s’est remise en mouvement… Ce que nous avons
(re)commencé nous dépasse? Tant mieux. La force est ouverte, toujours prête à être enrichie par l’intelligence des autres. Comme disait Robespierre, nous voulons substituer dans notre pays «les principes aux usages», «le mépris du vice au mépris du malheur», «la grandeur d’âme à la vanité», «la vérité à l’éclat», «la grandeur de l’homme à la petitesse des grands»…

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 23 mars 2012.]

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Quelque chose a commencé. Et ça ne s'arrêtera pas comme ça demain matin, contrairement à ce que certains croient. C'est le peuple qui se réveille, ce n'est pas seulement un (formidable) candidat.

Anonyme a dit…

Comme le dit le FG, le PS est devenu un astre mort. S'interdisant toute autocritique et n'acceptant aucune critique, le PS est définitivement passé à droite sur le fond et sur la forme. Son refus du débat politique avec le FG en est une preuve flagrante. Le PS a été beaucoup trop loin dans la trahison des classes populaires et dans l'affairisme. Avec leurs pratiques, Ils ont réussis à dégouter tout un pan de la population de la politique. Toute une frange de la population qui était pourtant acquis à leur cause ne sait même plus aujourd'hui si elle est de droite ou de gauche et s’apprête par dépits à voter sarko ou lepen.

Anonyme a dit…

Le PS n'a toujours pas compris pourquoi il a perdu en 2002 et en 2007.A force de répéter comme un perroquet " vote utile " il finit par lasser les citoyens, surtout son candidat ne propose que l'austérité et n'attaque pas la finance .Mais pour un citoyen que je suis , je vote avant tout pour un programme qui porte vraiment les valeurs de gauche ,un programme qui donne l'espoir et qui vise la croissance. Le FG devient à mes yeux l'outil indispensable pour les indignés ,les délaissés, les humiliés.Le PS ,s'il veut gagner en ,doit orienter son programme vers les valeurs de gauche.