Indécentes pratiques de terre brûlée. À moins de sept semaines du premier tour de l’élection présidentielle, non seulement le président-candidat Nicolas Sarkozy ressemble à ces naufragés de la mer agitant frénétiquement les bras par peur de se noyer définitivement, mais, comme poussé par un réflexe de survie, l’homme nous donne à voir à chaque respiration désespérée la vraie nature de ses croyances idéologiques: il flatte ce qu’il y a de pire autour de nous. Certes, depuis cinq ans, il ne nous a jamais habitués à mieux. Comment aurait-il pu changer de pied alors qu’un vent de panique s’est emparé du Palais depuis plusieurs jours?
Sous le président qui s’agite, l’idéologue ne sommeille jamais. Le voici donc qui carbure à plein régime: extrême droitisation; haine des différences; divisions des citoyens entre eux, pour les éloigner des vrais sujets, chômage, précarité, crise, traités européens, etc.; et même, certains s’en étonnent, stratégie du durcissement verbal ad hominem... Problème. Une vingtaine de jours après sa déclaration de candidature, alors que tous ses partisans s’attendaient à un sursaut dans les sondages et au fameux croisement des courbes avec François Hollande, leur leader manque toujours de souffle en dépit de son acharnement à occuper tout l’espace médiacratique.
Alors? La pente est à l’odieux. Proche du caniveau de la politique. Ce week-end encore, à Bordeaux, Sarkozy a une nouvelle fois repoussé les frontières de l’inacceptable en renchérissant sur la viande halal ou le droit de vote des étrangers, puis, dans une logique poujadiste ahurissante, il a dénoncé pêle-mêle, sans se soucier des confusions, les «clientèles des syndicats enseignants», «la clientèle des communautés», «la clientèle des syndicats». Avec lui tout est possible.
La négativité est sa raison d’être, le nihilisme son style. N’ose-t-il pas invoquer la «morale de la République» en critiquant les propositions de taxer les ultra-riches? La morale, parlons-en. Si Sarkozy existe malgré la violence de son conservatisme et la vulgarité de son ordo-libéralisme, nous devons admettre qu’il n’est pas parvenu au sommet de l’État malgré son immoralité, mais bien grâce à elle. Ce mélange de peur, de goût de l’ordre, de désir de garder ce que l’on a, de confiance aveugle en la coalition des aventuriers de l’ultralibéralisme et des vieux chevaux de retour de la droite extrême, voilà ce qui a assuré l’élection de 2007. Un grand mouvement d’involution, comme cela se produit périodiquement. Et voilà précisément ce sur quoi il mise de nouveau, se montrant incapable d’avancer sans regarder le couloir d’extrême droite. Pour ressouder l’électorat le plus droitier et, surtout, pour assurer le premier tour, il s’est engagé dans une course folle avec le FN, accélérant sa logique dite du «choc idéologique». Par tactique. Mais aussi par conviction.
N’en doutons pas, le candidat-prince-président entend mener campagne dans les abattoirs. Car ceux qui prennent le pouvoir dans ces conditions et veulent le reconquérir doivent suivre un chemin de radicalisation réactionnaire. Sarkozy ne nous épargnera aucune régression intellectuelle. Quoi qu’il en coûte au débat démocratique censé régenter une campagne électorale de cette importance. Et quoi qu’il en coûte à l’esprit même de ces élections, car le risque est grand désormais de transformer le scrutin en référendum pour ou contre Sarkozy. Dès lors, tout lui serait bon pour conserver le pouvoir. Attendons-nous au pire.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 7 mars 2012.]
(A plus tard...)
1 commentaire:
JED, je trouve que pour une fois tu es trop cool.Tu dis que Sarko est proche du caniveau, non, il est carrément dedans, et vu sa taille, il est submergé. Il baigne dans son jus nauséabond, il marine (le pen) dans la fange pestilentielle.Il n'est pas hongrois pour rien. Il aimerait tant faire comme Orban.
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