Le suiveur tout chiffonné ne sait trop quoi penser. Fait rarissime, on a donc tiré sur le Tour, lors de l’étape de vendredi, entre Vittel et Colmar. L’incident est survenu au 165e kilomètre, dans le petit col du Bannstein (Haut-Rhin) où l'Espagnol Oscar Freire (Rabobank) a été blessé dans le haut de la cuisse, au niveau du fessier, par un projectile en plomb, de même que le Néo-Zélandais Julian Dean (Garmin), touché, lui, légèrement à un doigt de la main gauche.
Selon les informations officielles, les deux coureurs ont vraisemblablement été victimes de deux « jeunes désoeuvrés », comme l’annonce ce samedi le procureur de Colmar, Pascal Schultz. Les tirs « sont sans doute le fait de jeunes en mal de sensation qui ont ainsi agi par desoeuvrement », a-t-il expliqué devant la presse, avant le départ de l’étape. « Nous disposons du témoignage très précis d'un coureur qui a remarqué sur le bas côté droit de la chaussée deux jeunes. Contrairement à ceux qui regardaient le spectacle, ils se sont plutôt réfugiés derrière un arbre lors du passage des coureurs », a-t-il ajouté. Ces jeunes pourraient avoir 16 ou 17 ans, selon ce témoignage.
Le procureur évalue le nombre de tirs « entre trois et cinq », provenant d'un pistolet ou d'une arme à air comprimée en vente libre « pouvant tirer des billes en plastique » ou « des plombs ». On peut le regretter, mais les deux coureurs ont fait savoir qu’ils avaient déposé plainte pour « faits de violence volontaire avec arme ». L'enquête en flagrance a été confiée à la section de recherches de Strasbourg et à la brigade de Colmar. Ils doivent visionner le film de l'étape qui a été réquisitionné aux fins d'enquête.
Présents aux côtes du procureur, le colonel Philippe Furmanek, commandant du groupement du Haut Rhin et le commandant de la gendarmerie de Colmar, Jean-Christophe Le Neindre, ont carrément lancé un appel aux spectateurs « pour pouvoir visionner leurs vidéos ou leurs photos s'ils se trouvaient dans la zone concernée par l'incident ».
Jean-François Pescheux, directeur de la course, a annoncé que la société du Tour avait également déposé une plainte. « On ne peut rien faire contre les quelques fous qui sont sur la route, a-t-il déclaré. Le Tour reste une fête populaire et son déroulement se doit de rester près du public. »
Chers internautes, me vient néanmoins une question que je considère comme légitime - question que je me pose souvent et à laquelle je ne parviens pas à répondre massivement : le Tour est-il encore un espace plus ou moins sacralisé dans la conscience collective, comme il l’était jadis, pour tous, assez naturellement ? Au fond, s’attaquer au Tour, n’est-ce pas s’attaquer un peu à soi-même ?
Longtemps institution érigée en lieu-mémoire du fait même de sa grande Histoire (avec un « H » majuscule), le Tour s’est peu à peu dépouillé non seulement de son caractère onirique mais également de son unicité qui, autrefois, se transmettait de génération en génération. Une certaine idée du respect envers quelque chose de plus grand que soi, en somme...
Quoi qu’on en pense, et même s’il convient de ne pas transformer cette énorme connerie en affaire criminelle (les jeux de gamins peuvent dégénérer, nous sommes tous bien placés pour le savoir), tirer sur un coureur revêt néanmoins une signification inquiétante. Autant se le dire : un ado tirerait-il sur un Géant de la Route s’il était réellement convaincu qu’il s’agit bel et bien d’un Géant de la Route ?
Voilà... Sans vouloir sur-interpréter, admettons qu'une forme de désenchantement se poursuit, plus ou moins confusément. Elle prend parfois des formes inattendues. Et pour le coup assez dramatique, au moins symboliquement.
A plus tard…
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