samedi 24 décembre 2016
mardi 20 décembre 2016
Le 12 janvier: la sortie de mon prochain roman
"Rue de la République": voici le titre de mon prochain roman (380 pages), qui sortira aux éditions Anne Carrière le 12 janvier prochain, dont le "personnage" principal est la ville de Saint-Denis. Ce roman est publié chez le même éditeur que pour "Bernard, François, Paul et les autres", mon précédent livre, publié en juin 2015, pour lequel j'ai obtenu le prix Louis-Nucéra.
Voici le résumé des éditeurs:
Voici le résumé des éditeurs:
"Aminata Bakayoko est femme de ménage. C’est elle qui va découvrir, lors d’une nuit de travail, le corps d’un suicidé, Jean-Michel Gayet, cadre sup chez Orange. Gayet laisse derrière lui, outre une note incendiaire, sa femme, Emmanuelle, directrice du cabinet du maire de Saint-Denis. Emmanuelle est l’ancienne maîtresse de Paul Kerjean, un journaliste qui n’a pas baissé les bras devant l’injustice et qui est l’ami de Jean Valmy, le flic chargé de l’enquête. Ce qui les réunit, c’est la ville de Saint-Denis, cette mal-aimée cosmopolite, à la frontière physique et économique de la capitale, avec son Stade gigantesque, ses 40 % de logements sociaux et son taux de chômage de 22 %. Une ville que les médias aiment résumer en quelques formules lapidaires, comme « émeutes », « voitures brûlées » et « islamistes », quand les terroristes mettent Paris à feu et à sang.
Dans ce tendre et palpitant roman choral, c’est bien à cette ville de Saint-Denis que l’auteur rend hommage. S’emparant de tous les sujets d’actualité, il déploie son intrigue pour nous offrir un grand roman populaire qui nous fait passer du plus beau côté du miroir, celui où les hommes et les femmes de toutes les couleurs, de toutes origines, ne veulent pas se laisser réduire à des gros titres racoleurs, mais vivent, saignent, aiment et se mélangent pour former un tableau qu’on pourrait tout simplement intituler « le peuple »."
Pour en savoir plus, et partager le lien:
http://www.anne-carriere.fr/ouvrage_rue-de-la-republique-jean-emmanuel-ducoin-305.html
lundi 19 décembre 2016
La bataille des idées
Les chocs successifs des politiques cul par-dessus tête, dont François Hollande fut le dernier avatar, offrent la possibilité d’un vaste débat pour l’émergence d’une République sociale, protectrice et ambitieuse.
Par principe, sinon lucidité, méfions-nous des vagues de sondages, qui ne disent qu’imparfaitement la photographie du moment, sans jamais prévoir ni le futur réel, ni les évolutions d’une société très éruptive par temps de crises. Néanmoins, depuis l’élection triomphale de François Fillon comme leader de la droite extrême, quelque chose dans le climat politique et social nous informe plutôt positivement sur ce que les citoyens ne veulent pas. En moins de trois semaines, plusieurs enquêtes d’opinion le confirment: les perspectives de l’ultra-ordo-libéralisme inquiètent. Et pas qu’un peu. Dans un sondage Elabe, plus de 80% se déclarent opposés à la baisse des dépenses publiques, 90% quand il s’agit des dépenses de santé, 89% pour les retraites ou la sécurité, 86% pour l’éducation… Dans un sondage Odoxa, 61% refusent la privatisation de La Poste. Dans un sondage Ifop, pas plus tard qu’hier matin, seulement 28% des électeurs souhaitent que Fillon soit élu en 2017, alors que 72% pensent qu’il a eu raison de retirer (qui le croit?) sa proposition sur la réforme de la Sécurité sociale. Sans parler de cette étude réalisée par la sociologue Anne Muxel, «Generation What?», sur les jeunes de 18 à 34 ans : 62% affirment être prêts à «participer à un grand mouvement de révolte», tandis que 93% clament que «c’est la finance qui dirige le monde»… Quel est le trait commun à tous ces sondés? Leur attachement à la solidarité républicaine, constitutive du modèle social qui est le nôtre, du moins ce qu’il en reste…
jeudi 15 décembre 2016
Hystérisation(s)
Quand Macron-la-finance, dans son premier meeting de campagne, confond charisme et hurlements.
Que dit l'hystérie verbale ? |
vendredi 9 décembre 2016
Social-démocratie(s)
Les sociaux-démocrates, en tant que
genre, ont disparu. Ils se sont dissous eux-mêmes.
Déroute. Prenons le risque d’une phrase que nous regretterons peut-être un jour: la social-démocratie n’existe plus. Après tout, les civilisations s’éteignent parfois, pourquoi pas les grands courants de pensée, puisque leur existence dans le temps long tient plus aux hommes qui les transmettent qu’à leur importance dans l’histoire, fut-elle singulière et grandiose. La social-démocratie s’apprend déjà dans les manuels, comme certaines langues mortes. Dont acte. Les sociaux-démocrates, eux, en tant que genre, ont disparu, ils se sont dissous eux-mêmes, laminés par les Delors, Blair, Schröder, Renzi, Hollande, Valls et tous les autres en Europe, qui, à leur échelle mais avec une obstination mortifère, ont oublié en chemin que « leur » social-démocratie dont ils se revendiqu(ai)ent avait été fondée historiquement –quoi qu’on en pense– sur la défense réformiste de la classe ouvrière, avant de la transformer en une simple et brutale force d’accompagnement du libéralisme. Aux orties, les vulgates marxistes et socialistes qui servaient de tronc commun à l’idée d’un parti de masse transfrontalier ayant connu, dans le nord du continent en particulier, de beaux succès pour repenser et inventer une contre-société plus protectrice, s’inspirant quelquefois de ce qui fut, en France, une référence absolue, à savoir le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) et toutes ses déclinaisons. Oubliées, la solidarité de masse et l’égalité partout, au profit d’une «modernisation» synonyme de reniements. Le choix stratégique, presque ontologique, depuis la guerre froide, se résume ainsi: tous ces partis, depuis les années 1960, ont progressivement adopté une orientation réformiste, sans rompre avec le capitalisme, contrairement aux partis communistes. Le SPD allemand fut le premier, puis vinrent les partis scandinaves, puis britanniques, etc., gagnant la Grèce avec la déroute idéologique du Pasok, et enfin la France, peu à peu, jusqu’à l’atomisation presque totale du Parti socialiste depuis le règne de Normal Ier…
Déroute. Prenons le risque d’une phrase que nous regretterons peut-être un jour: la social-démocratie n’existe plus. Après tout, les civilisations s’éteignent parfois, pourquoi pas les grands courants de pensée, puisque leur existence dans le temps long tient plus aux hommes qui les transmettent qu’à leur importance dans l’histoire, fut-elle singulière et grandiose. La social-démocratie s’apprend déjà dans les manuels, comme certaines langues mortes. Dont acte. Les sociaux-démocrates, eux, en tant que genre, ont disparu, ils se sont dissous eux-mêmes, laminés par les Delors, Blair, Schröder, Renzi, Hollande, Valls et tous les autres en Europe, qui, à leur échelle mais avec une obstination mortifère, ont oublié en chemin que « leur » social-démocratie dont ils se revendiqu(ai)ent avait été fondée historiquement –quoi qu’on en pense– sur la défense réformiste de la classe ouvrière, avant de la transformer en une simple et brutale force d’accompagnement du libéralisme. Aux orties, les vulgates marxistes et socialistes qui servaient de tronc commun à l’idée d’un parti de masse transfrontalier ayant connu, dans le nord du continent en particulier, de beaux succès pour repenser et inventer une contre-société plus protectrice, s’inspirant quelquefois de ce qui fut, en France, une référence absolue, à savoir le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) et toutes ses déclinaisons. Oubliées, la solidarité de masse et l’égalité partout, au profit d’une «modernisation» synonyme de reniements. Le choix stratégique, presque ontologique, depuis la guerre froide, se résume ainsi: tous ces partis, depuis les années 1960, ont progressivement adopté une orientation réformiste, sans rompre avec le capitalisme, contrairement aux partis communistes. Le SPD allemand fut le premier, puis vinrent les partis scandinaves, puis britanniques, etc., gagnant la Grèce avec la déroute idéologique du Pasok, et enfin la France, peu à peu, jusqu’à l’atomisation presque totale du Parti socialiste depuis le règne de Normal Ier…
mercredi 7 décembre 2016
Une lettre à La Poste
Ce qui se passe depuis quelques années chez le «premier employeur de France après l’État» n’est pas seulement inquiétant, mais révoltant,
La souffrance au travail, vous connaissez? La destruction progressive des conditions d’exercer son métier dans les règles de l’art, les pressions, la précarisation, la subordination, la sauvagerie de la concurrence et du chacun-pour-soi, la rentabilité à tous les échelons, les mobilités forcées, la fixation d’objectifs irréalisables, l’atomisation de tout esprit de corps… Sachez-le: partout sur le territoire, quels que soient l’endroit et les spécificités locales, les postiers n’en peuvent plus. Et ils le clameront haut et fort, aujourd’hui, lors d’une mobilisation syndicale nationale et unitaire qui s’annonce de très grande ampleur, jusque devant le Sénat où se déroulera un débat sur l’avenir de l’entreprise à l’initiative des sénateurs communistes. Signalons que ce mouvement social, assez inédit, possède en lui toutes les clés du succès dans la mesure où il réunit les salariés, les syndicalistes, les usagers et une multitude d’élus. Et pour cause. Ce qui se passe depuis quelques années chez le «premier employeur de France après l’État» n’est pas seulement inquiétant, mais révoltant, et nous rappelle ce que connurent et vivent les salariés d’Orange. De restructurations en compressions, la réalité s’avère en effet d’une cruauté extrême: stress, ambiance délétère, conditions de travail en dégradation accélérée, rapports alarmants des médecins du travail, managements cruels, harcèlement… et même suicides.
La souffrance au travail, vous connaissez? La destruction progressive des conditions d’exercer son métier dans les règles de l’art, les pressions, la précarisation, la subordination, la sauvagerie de la concurrence et du chacun-pour-soi, la rentabilité à tous les échelons, les mobilités forcées, la fixation d’objectifs irréalisables, l’atomisation de tout esprit de corps… Sachez-le: partout sur le territoire, quels que soient l’endroit et les spécificités locales, les postiers n’en peuvent plus. Et ils le clameront haut et fort, aujourd’hui, lors d’une mobilisation syndicale nationale et unitaire qui s’annonce de très grande ampleur, jusque devant le Sénat où se déroulera un débat sur l’avenir de l’entreprise à l’initiative des sénateurs communistes. Signalons que ce mouvement social, assez inédit, possède en lui toutes les clés du succès dans la mesure où il réunit les salariés, les syndicalistes, les usagers et une multitude d’élus. Et pour cause. Ce qui se passe depuis quelques années chez le «premier employeur de France après l’État» n’est pas seulement inquiétant, mais révoltant, et nous rappelle ce que connurent et vivent les salariés d’Orange. De restructurations en compressions, la réalité s’avère en effet d’une cruauté extrême: stress, ambiance délétère, conditions de travail en dégradation accélérée, rapports alarmants des médecins du travail, managements cruels, harcèlement… et même suicides.
samedi 3 décembre 2016
Idéologique(s): courage Fuyons
«Il n’y a pas de victoire sans
victoire idéologique», répète François Fuyons…
Tendance. Quand les malins de l’ordre économique et de la morale dominent, il devient vital de s’interroger, prendre l’empreinte du paysage. La victoire «surprise» et «écrasante» de François Fuyons, l’homme lige de la réaction traditionaliste, «devenu tendance» au fil des semaines, nous instruit autant sur lui que sur le moment que nous vivons au pays des grands retournements. L’ex-premier ministre de Nicoléon a toujours été catholique assidu, libéral conservateur dans la ligne dure, très méprisant à l’endroit de ceux qui pensent la société dans ses bouleversements familiaux et «sociétaux»: à en croire les commentateurs, longtemps ce positionnement conformiste et figé dans l’ardeur d’une vieille-France-rance l’a «handicapé», le rendant même «inaudible» et carrément «démodé». Mais par quel miracle ce type étriqué de Sablé-sur-Sarthe, où les Fuyons possèdent leur manoir, a-t-il réussi à écraser toute la droite jusqu’à incarner cet homme-programme providentiel qui, censément, ferait fuir n’importe quelle personne de bonne volonté, fût-elle gaulliste ou du centre droit ? Son directeur de campagne, Patrick Stefanini, qui fut le chef d’orchestre machiavélique du triomphe, répond simplement: «Est-ce que c’est lui qui a changé? Non. C’est le monde qui a bougé.» Ce serait donc l’époque qui accréditerait cet ultradroitier doublé d’un ultralibéral. Que doit-on comprendre? Que les mutations de notre société, au lieu de nous projeter, nous tirent vers l’arrière? Est-ce si évident? François Fuyons le pense. Comme en témoigne sa conclusion face à Alain Juppé: «Il n’y a pas de victoire sans victoire idéologique.» Tous ses proches confirment. Cette phrase, ils l’ont entendue des centaines de fois dans sa bouche, depuis des années. Victoire idéologique?
Tendance. Quand les malins de l’ordre économique et de la morale dominent, il devient vital de s’interroger, prendre l’empreinte du paysage. La victoire «surprise» et «écrasante» de François Fuyons, l’homme lige de la réaction traditionaliste, «devenu tendance» au fil des semaines, nous instruit autant sur lui que sur le moment que nous vivons au pays des grands retournements. L’ex-premier ministre de Nicoléon a toujours été catholique assidu, libéral conservateur dans la ligne dure, très méprisant à l’endroit de ceux qui pensent la société dans ses bouleversements familiaux et «sociétaux»: à en croire les commentateurs, longtemps ce positionnement conformiste et figé dans l’ardeur d’une vieille-France-rance l’a «handicapé», le rendant même «inaudible» et carrément «démodé». Mais par quel miracle ce type étriqué de Sablé-sur-Sarthe, où les Fuyons possèdent leur manoir, a-t-il réussi à écraser toute la droite jusqu’à incarner cet homme-programme providentiel qui, censément, ferait fuir n’importe quelle personne de bonne volonté, fût-elle gaulliste ou du centre droit ? Son directeur de campagne, Patrick Stefanini, qui fut le chef d’orchestre machiavélique du triomphe, répond simplement: «Est-ce que c’est lui qui a changé? Non. C’est le monde qui a bougé.» Ce serait donc l’époque qui accréditerait cet ultradroitier doublé d’un ultralibéral. Que doit-on comprendre? Que les mutations de notre société, au lieu de nous projeter, nous tirent vers l’arrière? Est-ce si évident? François Fuyons le pense. Comme en témoigne sa conclusion face à Alain Juppé: «Il n’y a pas de victoire sans victoire idéologique.» Tous ses proches confirment. Cette phrase, ils l’ont entendue des centaines de fois dans sa bouche, depuis des années. Victoire idéologique?
Air France: justice des puissants
Dans l’affaire dite « de la chemise arrachée », trois
salariés écopé de trois ou quatre mois de prison avec sursis, dix autres
d’amendes. Ces condamnations sont scandaleuses!
Dans quel pays vivons-nous? En général, les décisions des tribunaux devraient être des moments de consolidation de la République dans ses fondations les plus essentielles, habitée qu’elle est, censément, par la justice et l’égalité de traitement. Vous connaissez la formule, rabâchée par les pouvoirs successifs: «On ne discute pas les décisions de justice.» Non seulement nous pouvons les commenter, mais nous sommes même en droit de les contester vivement quand elles viennent heurter nos consciences et témoignent de marques d’infamies et d’injustices insupportables. Voilà notre devoir de citoyen. Or, au lendemain de ce qui s’est noué au tribunal de Bobigny, tous les citoyens un peu instruits du dossier disposent d’arguments solides pour exprimer leur indignation devant le jugement rendu dans l’affaire dite «de la chemise arrachée», en octobre 2015, au siège d’Air France. Trois salariés ont en effet écopé de trois ou quatre mois de prison avec sursis, dix autres d’amendes. Les deux seuls relaxés de cette «affaire», solidaires de leurs collègues, ne nous démentiront pas: ces condamnations sont scandaleuses! D’autant que le président du tribunal en personne a reconnu que les images utilisées comme preuves contre les manifestants, venus contester les orientations de leur direction, ne pouvaient «être qu’interprétables»…
Dans quel pays vivons-nous? En général, les décisions des tribunaux devraient être des moments de consolidation de la République dans ses fondations les plus essentielles, habitée qu’elle est, censément, par la justice et l’égalité de traitement. Vous connaissez la formule, rabâchée par les pouvoirs successifs: «On ne discute pas les décisions de justice.» Non seulement nous pouvons les commenter, mais nous sommes même en droit de les contester vivement quand elles viennent heurter nos consciences et témoignent de marques d’infamies et d’injustices insupportables. Voilà notre devoir de citoyen. Or, au lendemain de ce qui s’est noué au tribunal de Bobigny, tous les citoyens un peu instruits du dossier disposent d’arguments solides pour exprimer leur indignation devant le jugement rendu dans l’affaire dite «de la chemise arrachée», en octobre 2015, au siège d’Air France. Trois salariés ont en effet écopé de trois ou quatre mois de prison avec sursis, dix autres d’amendes. Les deux seuls relaxés de cette «affaire», solidaires de leurs collègues, ne nous démentiront pas: ces condamnations sont scandaleuses! D’autant que le président du tribunal en personne a reconnu que les images utilisées comme preuves contre les manifestants, venus contester les orientations de leur direction, ne pouvaient «être qu’interprétables»…
Livre: le stade suprême des artistes
Sport & cinéma, de Julien et Gérard Camy.
Éditions du Bailli de Suffren, 650 pages, 59 euros.
«Le sport est un phénomène de civilisation tellement important qu’il ne devrait être ni ignoré ni négligé par la classe dirigeante et les intellectuels.» Pier Paolo Pasolini savait de quoi il parlait. Et s’il préférait les tribunes des stades – et leurs infinies métaphores sociologiques et sociales – aux ambiances parfois électriques de ses propres tournages, il n’imaginait pas que la mémoire populaire, qui a élevé celle du sport comme du cinéma, célébrerait un jour deux des passions de sa vie. Les auteurs de Sport & Cinéma, Julien et Gérard Camy, père et fils, n’ont pas choisi par hasard de glisser, en exergue, cette citation du grand écrivain et réalisateur italien. Elle résume à elle seule l’état d’esprit et l’ambition de ce livre monumental, unique en son genre, qui réconcilie enfin, dans un même ouvrage, l’art sportif et le 7e art. Presque six cents pages de texte et d’images pensées «comme une discussion d’après-match ou un débat d’après-séance» qui visent «à regarder ces films de sport différemment», écrivent les auteurs. Sous notre regard éberlué, défile ainsi plus d’un siècle d’histoire entre le sport et le cinéma, avec ses hauts et ses bas, au fil de centaines de films de fiction, les plus grands, les plus rares, les plus sensibles, de chefs-d’œuvre référencés en nanars mémorables. Rien ne manque, dans cette espèce d’anthologie des corps et des esprits. Une fresque de plus de 1000 films, au prix de plusieurs années de visionnage…
Éditions du Bailli de Suffren, 650 pages, 59 euros.
«Le sport est un phénomène de civilisation tellement important qu’il ne devrait être ni ignoré ni négligé par la classe dirigeante et les intellectuels.» Pier Paolo Pasolini savait de quoi il parlait. Et s’il préférait les tribunes des stades – et leurs infinies métaphores sociologiques et sociales – aux ambiances parfois électriques de ses propres tournages, il n’imaginait pas que la mémoire populaire, qui a élevé celle du sport comme du cinéma, célébrerait un jour deux des passions de sa vie. Les auteurs de Sport & Cinéma, Julien et Gérard Camy, père et fils, n’ont pas choisi par hasard de glisser, en exergue, cette citation du grand écrivain et réalisateur italien. Elle résume à elle seule l’état d’esprit et l’ambition de ce livre monumental, unique en son genre, qui réconcilie enfin, dans un même ouvrage, l’art sportif et le 7e art. Presque six cents pages de texte et d’images pensées «comme une discussion d’après-match ou un débat d’après-séance» qui visent «à regarder ces films de sport différemment», écrivent les auteurs. Sous notre regard éberlué, défile ainsi plus d’un siècle d’histoire entre le sport et le cinéma, avec ses hauts et ses bas, au fil de centaines de films de fiction, les plus grands, les plus rares, les plus sensibles, de chefs-d’œuvre référencés en nanars mémorables. Rien ne manque, dans cette espèce d’anthologie des corps et des esprits. Une fresque de plus de 1000 films, au prix de plusieurs années de visionnage…
lundi 28 novembre 2016
Nicoléon(s): l'un part définitivement, les autres restent
L’ex-petit bonapartiste de Neuilly disparaît, pas son héritage… Les fossoyeurs de l’égalité sont
toujours là. Ils ont juste changé de visages.
Lucidité.
Les crépuscules des monstres de la vie publique ont toujours un côté
pathétique qui réclame, d’ordinaire, de la compréhension suggestive
sinon une petite dose de compassion. Pas là. Le bloc-noteur, qui a
consacré depuis plus de quinze ans des dizaines et des dizaines de
chroniques à la personne de Nicoléon et à ses folies (une anthologie à
lui tout seul), ne pleurera pas sa mort politique. Et s’il convient
plutôt de s’en réjouir en levant le verre place de la Concorde pour
trinquer à l’effacement du petit bonapartiste de Neuilly – bon
débarras! –, la lucidité nous commande un minimum de réserve et de
prudence. En devenant un ex, un vrai cette fois, Nicoléon laisse
derrière lui le pire des héritages qui se puisse imaginer depuis la
disparition du gaullisme, une sorte de spectre mortifère qui hantera
longtemps encore les lambris de la République: le «sarkozysme» et ses
pratiques d’affaissement généralisé. Inutile, chers lecteurs, de
revenir sur le mal engendré par l’homme, le ministre et le président
dans ses différentes fonctions, vous savez tout de lui et à quel point
il fut le symptôme édifiant d’un des basculements les plus dramatiques
de la société française. D’un côté, la longue archéologie du désastre de
la gauche. Et de l’autre côté, profitant précisément du vide
idéologique, la marque d’un temps nouveau, le bling-bling et le
Fouquet’s, la survenue immonde de l’accélération de l’écroulement «de
la» politique même, martyrisée par les désorientations d’un vieux monde
symbolique durablement frappé. Ainsi Nicoléon, depuis le yacht d’un
milliardaire, pouvait-il affirmer sa guerre de classe et ses pulsions
identitaires et réactionnaires, façon de dire: «La gauche ne fait plus
peur à personne, vivent les riches, à bas les pauvres!»
mercredi 23 novembre 2016
Primaires de droite: pauvre France...
Fillon, Juppé? Bonnet blanc, blanc bonnet? Quoi qu’il advienne, c’est bien une contre-révolution conservatrice de choc qu’ils nous préparent tous à plus ou moins brève échéance.
Les danses macabres sur le squelette de la République ne nous intéressent pas, d’autant moins que la folie médiacratique – en tant que genre mineur, exécrable – qui accompagne passivement la fameuse «primaire de droite» nous instruit sur la teneur affligeante du débat public actuel. À quoi sont donc conviés les Français, à longueur d’antenne, prisonniers malgré eux d’un abrutissement idéologique à sens unique? À réfléchir comme la droite et ses «champions», à penser à droite toutes, à répondre mécaniquement et uniquement à des questions de droite, bref, à ingurgiter, sans controverses véritables, le pire du pire des projets de la nouvelle droite ultra ou extrême qui s’avance, avec ses armes de destructions massives. «À des nuances près», diront les bonnes âmes, tout étant dans la nuance bien sûr, qu’on s’appelle Fillon ou Juppé, que l’un souhaite aller le plus loin possible dans toutes les régressions en préconisant des piqûres de cheval, ou l’autre, plus présentable, des suppositoires en série. Bonnet blanc, blanc bonnet? Quoi qu’il advienne, c’est bien une contre-révolution conservatrice de choc qu’ils nous préparent tous à plus ou moins brève échéance. Pauvre France…
lundi 21 novembre 2016
Soulèvement(s): l’imagination, les peuples, les poings dressés…
L'art de la révolte: une expo magistrale au Jeu de paume...
Imagination. Les tempêtes ne se lèvent pas seules. Avec elles, la pesanteur se renverse et, en se renversant, nous sommes nous-mêmes cloués au sol, puis, une fois au sol, deux attitudes s’offrent à nous pour le meilleur ou pour le pire: la résignation, disons une forme de soumission; ou la révolte, que nous pourrions nommer «soulèvement». Se soulever: comme une tempête se lève. Se soulever : pour renverser les tempêtes. Se soulever : pour inverser l’ordre des choses, mettre le monde sens dessus dessous, extirper le temps hors de ses gonds, pour que l’histoire, de Hugo à Einstein, change de base, que ses éléments se déchaînent… Chers lecteurs, courez voir «Soulèvements», au musée du Jeu de paume, à Paris (jusqu’au 15 janvier 2017), et vous comprendrez que, parfois, l’art conceptuel bien pensé peut toucher à l’intelligence progressive de façon assez magistrale. Le commissaire de cette exposition étonnante n’est autre que le philosophe et historien de l’art Georges Didi-Huberman, qui nous propose une sorte d’atlas poétique de la révolte au fil d’un parcours initiatique séquencé en cinq chapitres à l’impact visuel considérable, mêlant des médiums de toutes origines – photographies, films, sons, dessins, affiches, textes, collages… –, de la Révolution française aux printemps arabes, en passant par la Commune de Paris, le combat des Mères argentines de la place de Mai, les luttes anti-apartheid ou encore, bien sûr, Mai 68, etc. Pourquoi se soulève-t-on? Et comment? Georges Didi-Huberman se gardera bien d’affirmer que l’exposition répond à ces questions. Pour lui, néanmoins, le soulèvement procède d’«un geste sans fin, sans cesse recommencé, souverain comme peut-être dit souverain le désir lui-même». Le soulèvement naît de l’imagination personnelle ou collective, fût-ce dans «ses caprices ou ses disparates», disait Goya. Dès lors, depuis un désastre réel ou une envie profonde de changement, l’imagination subversive soulève des montagnes. Car l’imagination, c’est du désir. Et le désir, c’est de la vie. Et la vie, c’est toujours la réouverture des possibles.
Envie. Donc, se soulever: ou jeter au loin les fardeaux qui nous entravent. Essayer du moins. Briser le présent, le tordre. À coups de marteau, comme le voulait Artaud. Tendre les bras ouverts côté futur. Résister. Espérer. Donner un crédit idéologique, au prix de sacrifices…
mardi 15 novembre 2016
Erdogan, dictateur
L’accélération du processus antidémocratique en Turquie est telle désormais qu’Erdogan devrait être mis au ban des nations, frappé de toutes les sanctions possibles et imaginables en droit international.
Recep Erdogan règne donc sur le chaos, la répression, la sauvagerie à tous les étages de la société turque, et tout le monde ou presque détourne son regard, comme si ce peuple martyrisé juste là, aux portes de l’Union européenne, devait souffrir inéluctablement, sans que rien ne se passe. Ces dernières années, la Turquie a traversé une période autocratique propre à toutes les dérives: nous y sommes. Comme cela était hélas prévisible, sous l’autocrate Erdogan sommeillait le dictateur, un vrai de vrai, digne des pires périodes des juntes militaires dont il emprunte toutes les méthodes fascisantes. Depuis le coup d’État avorté de juillet dernier, le président – qui n’en porte que le nom – continue d’un côté à entretenir une complicité mortifère, directe ou indirecte, avec certaines organisations djihadistes, et d’un autre côté, il use de tous les pouvoirs d’une dictature, qui, elle, porte bien son nom. Il emprisonne des journalistes. Il pourchasse des intellectuels. Il arrête massivement des démocrates et des militants politiques et syndicaux. Il suspend des dizaines de milliers d’enseignants. Il alimente sa machine de guerre meurtrière contre le peuple kurde, et singulièrement le PKK en Turquie même ou à l’extérieur, en Syrie et en Irak. Et il active toujours les réseaux ultranationalistes à sa botte, certains coupables de véritables pogroms.
Recep Erdogan. |
mercredi 9 novembre 2016
Urgence(s): la santé, notre bien commun
Les
blouses blanches ont crié leur colère noire et, avec elles, grâce
à elles plutôt, ce fut une certaine idée du service public de santé que
nous défendions solidairement, puisque leur combat est également le
nôtre.
Et pendant ce temps-là, comme des ombres projetées dans le miroir du temps qui incite au désarroi et/ou à l’action, les personnels hospitaliers craquent et le font savoir bruyamment. Hier, un peu partout en France, les blouses blanches ont ainsi crié leur colère noire et, avec elles, grâce à elles plutôt, ce fut une certaine idée du service public de santé que nous défendions solidairement, puisque leur combat est également le nôtre. Qui n’a ou n’aura besoin de l’excellence de ceux qui travaillent dans nos hôpitaux, jadis jalousés dans le monde entier et qui restent toujours une référence, notamment pour l’universalité des soins donnés. Qu’ont donc exprimé les milliers d’infirmiers et d’aides-soignants réunis à l’appel de dix-sept syndicats (FO, CGT, SUD, CFTC, etc.) ou associations, mais aussi, fait rare, d’une vingtaine d’organisations infirmières, salariées, libérales ou étudiantes, ce qui constitue un mouvement unitaire absolument inédit depuis 1988. Juste la réalité, rien que la réalité de leur quotidien. Ils dénoncent les cadences infernales, le manque de personnels et de temps passé auprès des malades, l’accroissement de l’activité, la course à la rentabilité… et accessoirement, ces femmes et ces hommes qui sauvent nos vies réclament une meilleure reconnaissance. «Il nous faudrait quatre jambes et quatre bras», raconte l’une. «Dans mon service, c’est le travail à la chaîne, pourquoi croyez-vous que nous assistons à une vague de suicides?», assure une autre. Ces mots d’exaspération témoignent tous du refus de briser l’esprit de corps, de trahir les règles de l’art médical et l’éthique personnelle. Au fond, ces mots ne disent qu’une chose: l’exigence du service public, notre bien commun.
Et pendant ce temps-là, comme des ombres projetées dans le miroir du temps qui incite au désarroi et/ou à l’action, les personnels hospitaliers craquent et le font savoir bruyamment. Hier, un peu partout en France, les blouses blanches ont ainsi crié leur colère noire et, avec elles, grâce à elles plutôt, ce fut une certaine idée du service public de santé que nous défendions solidairement, puisque leur combat est également le nôtre. Qui n’a ou n’aura besoin de l’excellence de ceux qui travaillent dans nos hôpitaux, jadis jalousés dans le monde entier et qui restent toujours une référence, notamment pour l’universalité des soins donnés. Qu’ont donc exprimé les milliers d’infirmiers et d’aides-soignants réunis à l’appel de dix-sept syndicats (FO, CGT, SUD, CFTC, etc.) ou associations, mais aussi, fait rare, d’une vingtaine d’organisations infirmières, salariées, libérales ou étudiantes, ce qui constitue un mouvement unitaire absolument inédit depuis 1988. Juste la réalité, rien que la réalité de leur quotidien. Ils dénoncent les cadences infernales, le manque de personnels et de temps passé auprès des malades, l’accroissement de l’activité, la course à la rentabilité… et accessoirement, ces femmes et ces hommes qui sauvent nos vies réclament une meilleure reconnaissance. «Il nous faudrait quatre jambes et quatre bras», raconte l’une. «Dans mon service, c’est le travail à la chaîne, pourquoi croyez-vous que nous assistons à une vague de suicides?», assure une autre. Ces mots d’exaspération témoignent tous du refus de briser l’esprit de corps, de trahir les règles de l’art médical et l’éthique personnelle. Au fond, ces mots ne disent qu’une chose: l’exigence du service public, notre bien commun.
jeudi 3 novembre 2016
Pauvreté(s): montée de l'intolérance?
L’hostilité envers les démunis s’exprime de plus en plus en France…
Scène I. Un homme tend une main, un autre passe et dit: «Encore? Et en plus, il pue!» Derrière l’église de la Trinité, dans le 9e arrondissement de Paris, sous un soleil généreux et inventif qui pénètre les âmes avant la venue de l’hiver, quelques hères attendent une distribution de soupe chaude. Le passant désinvolte passe sans honte, gratifiant le bloc-noteur d’un sourire qui découvre toutes ses dents ainsi qu’un bout de langue rose posé sur le bord de ses lèvres. Pour un peu, le type s’exprimerait comme un mémo de direction: «Vous êtes pauvres, ne l’oubliez pas.» Une désagréable impression de détestation indifférenciée parcourt les rues de la capitale, en ce matin de grand pont de la Toussaint. Comme si, l’air de rien, cette aversion diffuse se partageait au-delà des frontières de la connerie ordinaire contre tous ceux qui, frappés par le malheur, errent dans nos rues, d’où qu’ils viennent, d’ici ou d’ailleurs, avec leur passé de caillasse, de ronces et de poussières, avec pour tout héritage leurs trajectoires en eaux profondes. Les regards se détournent mécaniquement du petit attroupement d’affamés. Plus besoin de mots pour comprendre le message: «Qu’ils y restent.» Voire: «Qu’ils nous foutent la paix.»
dimanche 30 octobre 2016
Fait(s): croyances historiques et réalités religieuses...
Quand Régis Debray décide d'inquiéter nombre de lieux communs. "Parce que, dit-il, nous nous berçons de mots, toujours les mêmes, et que ces mots nous trompent, surtout quand on s’évite de les définir."
Clarifier. Attention: chef-d’œuvre. Il n’est pas rare que le bloc-noteur fasse la promotion enflammée d’un livre de Régis Debray. Ne lire dans ces mots aucun mea culpa ni acte de faiblesse emprunte d’amitié et d’admiration, puisqu’il s’agit, une fois encore, de promouvoir des idées et toujours des idées. Par les temps qui courent… L’été dernier, les auditeurs de France Culture ont découvert, ébahis, les prestations du philosophe et médiologue, invité au micro pour deux séries de conférences, l’une sur l’histoire, l’autre sur la religion. «Cela m’a permis, écrit Régis Debray, de résumer et clarifier les travaux un peu compliqués que je mène depuis quelques décennies sur nos affaires temporelles et spirituelles.» L’ouvrage que publient les éditions Gallimard, intitulé "Allons aux faits" (244 pages, 18 euros), transcrit pour l’essentiel ces heures d’écoute prodigieuses. Le but: «Inquiéter nombre de lieux communs, ce qui n’est jamais plaisant. Pourquoi? Parce que nous nous berçons de mots, toujours les mêmes, et que ces mots nous trompent, surtout quand on s’évite de les définir.» Ainsi, «La fable historique» et «Le fait religieux» s’en trouvent déconstruits à l’aune de perspectives quelque peu renversées. «L’histoire, ultime recours et suprême pensée? se demande-t-il. Oui, mais quelle histoire? à quelle fin? et avec quels a priori?» Quand Nietzsche distinguait, à son époque, trois sortes d’histoire – la monumentale, celle des pères ; l’antiquaire, celle des érudits ; la critique, celle qui libère du passé –, Debray en ajoute au moins deux autres: «L’aînée de la famille, l’histoire comme “objet d’étude”, pointilleuse et patiente, celle des fouilleurs d’archives, de Thucydide à Fernand Braudel, l’histoire-science des professeurs. Nous connaissons, par ouï-dire, ses oublis et ses lacunes. (…) Il y a une autre histoire encore plus altière, qui regarde nos vicissitudes du haut d’un belvédère, c’est l’histoire “objet de médiation”, celle dont on attend des leçons, des oracles, et même un sens de la vie. Celle des philosophes, de Vico à Karl Marx en passant par Hegel. C’est l’histoire de “l’humanité comme un seul peuple”, “la grande journée de l’Esprit” qui va d’est en ouest, la Bible de l’humanité.»
Interrogations sur le climat politique
Chacun aura compris que la tâche historique qui nous incombe reste de reconstruire la gauche, si possible en un temps record, de renverser la table, d’en finir avec l’hégémonie du Parti socialiste...
Juppé-Sarkozy, Hollande-Valls, primaires à gogo dont l’une d’elles serait, nous dit-on, jouée d’avance, sans parler de ces controverses sécuritaires nourries par une actualité «police» et «migrants» abondante, et nous voilà mangés par trois interrogations au moins. Primo: à qui profite la course quotidienne aux sondages? Secundo: qui a intérêt à l’hystérisation idéologique du débat public? Tertio: les polémiques concernant le président de la République à la suite de ses confidences au long cours – pour certaines accablantes – faites à deux journalistes sont-elles factices ou tactiques, ce qui, en tous les cas, accable l’action politique? La plupart des commentateurs semblent tellement accaparés par l’écume des politicailleries du moment qu’il y a tout lieu de penser qu’ils en oublient une quatrième question, peut-être la plus fondamentale: et si les Français étaient moins sensibles qu’on ne le croit aux discours dominants et se préoccupaient plus des thèmes économiques et sociaux, du chômage et de leurs conditions de vie de plus en plus précaires, et moins aux battages médiatiques incessants qui ignorent les vraies souffrances du peuple?
Juppé-Sarkozy, Hollande-Valls, primaires à gogo dont l’une d’elles serait, nous dit-on, jouée d’avance, sans parler de ces controverses sécuritaires nourries par une actualité «police» et «migrants» abondante, et nous voilà mangés par trois interrogations au moins. Primo: à qui profite la course quotidienne aux sondages? Secundo: qui a intérêt à l’hystérisation idéologique du débat public? Tertio: les polémiques concernant le président de la République à la suite de ses confidences au long cours – pour certaines accablantes – faites à deux journalistes sont-elles factices ou tactiques, ce qui, en tous les cas, accable l’action politique? La plupart des commentateurs semblent tellement accaparés par l’écume des politicailleries du moment qu’il y a tout lieu de penser qu’ils en oublient une quatrième question, peut-être la plus fondamentale: et si les Français étaient moins sensibles qu’on ne le croit aux discours dominants et se préoccupaient plus des thèmes économiques et sociaux, du chômage et de leurs conditions de vie de plus en plus précaires, et moins aux battages médiatiques incessants qui ignorent les vraies souffrances du peuple?
vendredi 21 octobre 2016
Fasciste(s): à la source des dérives actuelles
Grâce aux éditions Demopolis, nous pouvons revisiter le texte de Mussolini, "Le Fascisme", pour comprendre l’histoire et aujourd’hui...
Nationalisme. Fascisme, fascistes, fachos. Des sombres «matins bruns» aux «retours aux années 1930» ressassés çà et là périodiquement, hurlons-nous trop aux loups? Ces mots ont-ils encore un sens exact, précis, référencé? En somme, qu’est-ce que le fascisme? Quelle en fut la doctrine politique? Dans quelles circonstances historiques émergea-t-il? Et surtout, quel rapprochement opérer avec aujourd’hui? Les livres de salubrité publique sont trop rares pour les passer sous silence. Les éditions Demopolis publient cette semaine, non sans courage, l’intégralité du tristement célèbre texte de Mussolini "le Fascisme" (104 pages, 12 euros), écrit en 1932 pour "la Nouvelle Encyclopédie italienne". Il constituait à l’époque le début de l’article «Fascisme», paru en France en 1933 chez Denoël, l’éditeur du "Voyage au bout de la nuit" de Louis-Ferdinand Céline et d’auteurs comme Rebatet ou Brasillach. Pour la présente publication, Demopolis ne nous laisse pas sans repères. Outre un «avertissement aux lecteurs», dans lequel nous sommes invités à ne jamais oublier que «des crimes contre l’humanité ont été commis en application de cet ouvrage» et que «les manifestations actuelles de haine et de xénophobie participent de son esprit», deux spécialistes ont été requis pour commenter, en préface et en postface, ces lignes qui ont accouché du pire au XXe siècle: Gérard Mordillat, écrivain et cinéaste, et Hélène Marchal, historienne et traductrice. «La publication de ce livre, écrivent-ils en préambule, doit permettre aux lectrices et lecteurs curieux, et parfois inquiets des évolutions du monde contemporain, de se forger leur propre opinion.» Voilà bien le défi. Et l’importance de savoir de quoi il s’agit précisément. Ainsi, le fascisme est une forme particulière de nationalisme, car «il n’y a pas de fascisme sans nationalisme mais il y a différentes formes de nationalisme qui ne sont pas du fascisme». De même, attention aux contresens: contrairement au libéralisme, le fascisme selon Benito Mussolini est une forme de nationalisme qui exalte le rôle central de l’Etat («l’État fasciste est une force, mais une force spirituelle qui résume toutes les formes de la vie morale et intellectuelle de l’homme», écrivait le dictateur), tout en affichant un programme social et en se prétendant «ni de droite ni de gauche», ce qui ne manque pas de nous rappeler beaucoup de débats en cours. Vous suivez notre regard?
samedi 15 octobre 2016
Lettre(s): l'amour et ses secrets...
Le grand destin de François Mitterrand: son amour absolu pour Anne Pingeot. De 1962 à 1995, il lui a déclaré sa flamme, dans plus de 1 200 lettres. Celles-ci paraissent aux éditions Gallimard.
Talent. Il convient parfois de commencer par la fin, bien que cette fin s’inscrive dans un continuum éternel, non quantifiable: «Tu as été ma chance de vie. Comment ne pas t’aimer davantage?», écrit François Mitterrand, le 22 septembre 1995, à Anne Pingeot. Cette «chance de vie» et ce verbe «aimer», l’un et l’autre déclinés durant plus de trente ans, sont inaliénables par-delà le temps, à peine mangés au seuil de la mort, quand l’incandescence d’une relation inatteignable redevint ce qu’elle fut: une union absolue, mais, à bien des égards, impossible à assumer pleinement, sauf dans le secret de l’Amour même, que nous découvrons, stupéfaits, en ampleur, en persistance, en continuité et en unicité… De 1962 à 1995, François Mitterrand a déclaré sa flamme à Anne Pingeot, de vingt-sept ans sa cadette, dans plus de 1 200 lettres. Celles-ci paraissent cette semaine aux éditions Gallimard. S’y jeter à corps perdu, les yeux souvent humides, s’avère un acte de foi en littérature autant qu’en politique. Aussi étrange que cela soit, aussi dérangeant, l’homme Mitterrand avait le goût des Lettres en majuscules et la passion du cœur qui manqua si fréquemment au président. Entendez-nous bien, juste pour ce que cela vaut: cette correspondance amoureuse, par sa longévité, son exclusivité et surtout sa qualité littéraire, défie au-delà de tout la raison politique, tout en lui donnant un relief singulier, une motricité propre et ambiguë. Comment, en effet, l’animal politique Mitterrand, que nous avons tant détesté (et pour cause!), pouvait-il cacher à ce point son talent pour l’amour, et les mots pour le dire? L’écrivain Mitterrand s’y lit, magistralement. Comme si nous devions, sur le tard, et improprement, de manière segmentée, le réévaluer à la hausse, au moins par comparaison avec ses successeurs, lui qui vénérait la langue française à s’en damner.
Talent. Il convient parfois de commencer par la fin, bien que cette fin s’inscrive dans un continuum éternel, non quantifiable: «Tu as été ma chance de vie. Comment ne pas t’aimer davantage?», écrit François Mitterrand, le 22 septembre 1995, à Anne Pingeot. Cette «chance de vie» et ce verbe «aimer», l’un et l’autre déclinés durant plus de trente ans, sont inaliénables par-delà le temps, à peine mangés au seuil de la mort, quand l’incandescence d’une relation inatteignable redevint ce qu’elle fut: une union absolue, mais, à bien des égards, impossible à assumer pleinement, sauf dans le secret de l’Amour même, que nous découvrons, stupéfaits, en ampleur, en persistance, en continuité et en unicité… De 1962 à 1995, François Mitterrand a déclaré sa flamme à Anne Pingeot, de vingt-sept ans sa cadette, dans plus de 1 200 lettres. Celles-ci paraissent cette semaine aux éditions Gallimard. S’y jeter à corps perdu, les yeux souvent humides, s’avère un acte de foi en littérature autant qu’en politique. Aussi étrange que cela soit, aussi dérangeant, l’homme Mitterrand avait le goût des Lettres en majuscules et la passion du cœur qui manqua si fréquemment au président. Entendez-nous bien, juste pour ce que cela vaut: cette correspondance amoureuse, par sa longévité, son exclusivité et surtout sa qualité littéraire, défie au-delà de tout la raison politique, tout en lui donnant un relief singulier, une motricité propre et ambiguë. Comment, en effet, l’animal politique Mitterrand, que nous avons tant détesté (et pour cause!), pouvait-il cacher à ce point son talent pour l’amour, et les mots pour le dire? L’écrivain Mitterrand s’y lit, magistralement. Comme si nous devions, sur le tard, et improprement, de manière segmentée, le réévaluer à la hausse, au moins par comparaison avec ses successeurs, lui qui vénérait la langue française à s’en damner.
mardi 11 octobre 2016
Les quartiers populaires ont besoin d’un choc de dignité
Nous parlons là de territoires de la République en décrochage, où la grande pauvreté et les conditions d’existence atteignent un tel degré d’atomisation sociale que les faits et gestes élémentaires de la vie quotidienne sont empêchés ou laminés.
Cité de la Grande Borne. |
2017: idées de campagne
Du point de vue des communistes, qui n’entreront donc pas en campagne comme tout le monde, une formule résume leur état d'esprit: «Notre candidat, c’est le programme.»
Les Français de la gauche de transformation, engagés corps et âme pour qu’un véritable changement de paradigme politique et social voie enfin le jour, disposent d’une ample mémoire, d’une immense fidélité. Ils savent même se fixer un horizon. Et ils le disent. Du moins une partie d’entre eux, qui viennent d’exprimer jusque dans le détail ce qu’ils souhaitent profondément pour notre pays en vue de la séquence électorale. 65.000 de ces irascibles qui, de près ou de loin, sont attachés aux idées communistes et à l’avenir – conceptuel et pratique – du Front de gauche en tant que rassemblement possible des forces alternatives ont ainsi répondu à un vaste questionnaire, intitulé «Que demande le peuple?», qui foisonne de sens commun dont les traits forts (reprendre le pouvoir sur la finance, une autre République, égalité, une France protectrice et solidaire, produire autrement, changer l’Europe) devraient résonner dans le cœur de tous les progressistes.
jeudi 6 octobre 2016
Mort(s): ces douleurs extrêmes si tenaces...
Quatre Français sur dix se sentent «en
deuil». En deuil de quoi ?
Deuil. La mélancolie est parfois une œuvre d’art: la seule dont soit
capable un individu dans ses aliénations, celles enfantées par ses douleurs
extrêmes. Que nous sachions l’accepter ou non, nous sommes tous dans la
souffrance de quelque chose, plus ou moins inconsidérément, orphelin de
quelqu’un, d’un amour impossible, d’une quête incertaine, d’un Graal qui, pour
mille raisons, s’évapora peu à peu de nos esprits. Nous croyons-nous
responsables de ces tourments?
Comment les juguler? À peu près sur le même
thème, un article de la Croix, cette semaine, a jeté le bloc-noteur dans un
profond désarroi. Le saviez-vous? Quatre Français sur dix se sentent «en deuil». Notre étonnement ne provient pas de la statistique
elle-même, révélée par le Credoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des
conditions de vie), mais du fait que cette réalité est largement passée sous
silence. Le sociologue Tanguy Châtel l’explique au journal: «Si les effets psychiques du deuil sont bien documentés, les études
sociologiques
sont rares et les pouvoirs publics ne semblent guère s’y intéresser. Souvent,
l’item n’est pas reconnu comme tel dans ces bases de données statistiques.»
Une sorte d’indifférence. Que nous vivons nous-mêmes, incapables que nous
sommes à admettre nos propres peines, à les regarder en face, à les traiter.
D’autant que ces deuils – quels qu’ils soient! – peuvent durer longtemps. «Un tiers des deuils considérés comme en début de processus datent de
plus de cinq ans», note le Credoc. Des maladies longues. Pathologiques. «Le
survivre est un concept qui ne se dérive pas», expliquait
Jacques Derrida ("Sur
parole. Instantanés philosophiques", éditions de l’Aube, 1999).
mardi 4 octobre 2016
Alstom : l’Etat loin du compte…
L’impression de bricolage de ce plan conçu à la va-vite nous donne un sentiment de médiocrité et de sauvetage temporaire, comme si l’urgence électorale constituait l’unique boussole.
Alstom Belfort respire… pour quelques mois. Disons, jusqu’aux élections du printemps prochain, peut-être jusqu’en 2018, date initiale à laquelle la direction souhaitait sacrifier le site. Prenons acte: cette fois, personne ne pourra reprocher à François Hollande d’avoir lâché son constructeur national, comme il l’avait fait à Florange avec les ArcelorMittal. Accordons un minimum de crédit à l’initiative gouvernementale – comme quoi, cela se peut! – pour remplir les carnets de commandes d’Alstom et maintenir la production de Belfort, sauvant 480 emplois et bloquant pour l’heure la dévitalisation programmée du territoire. Notons au passage que rien ne serait arrivé – ni les quelques reculs des dirigeants du groupe ni ces annonces – sans la forte mobilisation des salariés, de leurs représentants syndicaux, ainsi que de la population, ce qui permit de transformer le dossier en emblème stratégique national. Et c’est bien le cas. Voilà pourquoi l’impression de bricolage de ce plan conçu à la va-vite nous donne un sentiment de médiocrité et de sauvetage temporaire, comme si l’urgence électorale constituait l’unique boussole, comme si l’État actionnaire, qui n’a soi-disant rien vu venir, cédait au chantage à l’emploi honteusement pratiqué par une entreprise roulant sur l’or. L’État est loin du compte. Non seulement il refuse d’utiliser la puissance de son bras séculier, mais ce rafistolage à court terme, qui vise à sauver les apparences, ne constitue en rien une réelle stratégie industrielle.
dimanche 2 octobre 2016
Possible(s): mais oui, qui décide de ce qui est possible?
Entre Zola et Cézanne, l'amitié et les conflits furent créatifs, et leur langage eut une coloration propre. Et en politique aujourd'hui? Pour Alain Badiou, il est temps de "se réapproprier un langage de combat pour modifier le contexte".
Génies. Qui décide de ce qui est possible? Et comment? Et avec qui ? Quand l’histoire nous enseigne souvent la vérité des choses, quelques personnages de l’histoire nous instruisent, eux, des mystères de la création et des processus qui se mettent en cours au-dedans d’eux et au-delà d’eux-mêmes, poussés par autrui et les orgueils conjugués, comme si les aventures singulières d’hommes hors normes devaient encore nous dorloter avec de fausses croyances immuables, la foi, l’amour, la loyauté, la fidélité, l’amitié. Allez voir à tout prix le dernier film de Danièle Thompson, Cézanne et moi, qui narre l’étonnante relation qui lia, pour le meilleur et pour le pire, deux génies du XIXe siècle, venus l’un et l’autre échouer leurs vies à l’orée du XXe. Paul Cézanne (magistral Guillaume Gallienne) et Émile Zola (admirable Guillaume Canet) se vouèrent un lien si puissant qu’il dura toujours. Presque. Nous le savons: l’amitié se veut supérieure à l’amour dans la mesure où n’y entrent pas des sentiments de jalousie, de rancœur, de calcul d’ego. Foutaise. Paul, fils de riche, et Émile, très tôt orphelin de son père, ne se quittèrent jamais vraiment. Ces deux camarades de collège d’Aix-en-Provence formulèrent des rêves communs. L’un serait peintre, l’autre poète ou écrivain. Cézanne disposa d’une rente familiale, quoique modeste. Zola bouffa les pissenlits jusqu’à la racine. Mais ils étaient heureux. Dès l’adolescence, leur amitié ne cessa de nourrir l’œuvre picturale de l’un, le travail romanesque de l’autre. L’inspiration vint, ou pas, et se prolongera longtemps, ou pas, sur les sentiers conduisant à la montagne Sainte-Victoire, laquelle fut peinte une quarantaine de fois par Cézanne, comme s’il ne lui fallut jamais cesser de la comprendre. Les deux hommes grandirent, se mesurèrent, se comparèrent, ils étaient les mémoires vivantes de l’autre, identiques. Ils s’aimaient. Et le succès vint: pour Zola. Pas pour Cézanne. Chacun traça son sillon. Émile à Paris. Paul dans le Sud. Une correspondance foisonnante s’installa (lire "Lettres croisées", 1858-1887, éditions Gallimard) et, dans le secret de leur intimité, chacun tenta de hisser l’autre. «J’aurais voulu peindre comme tu écris.» «Crois-tu que moi, je ne me lève pas la nuit pour changer une virgule?»
Les deux Guillaume, Gallienne et Canet. |
mercredi 28 septembre 2016
Tous au théâtre de Poche !
Le premier rendez-vous public du Comité parisien des Amis de
l'Humanité se déroulera le lundi 3 octobre.
Cher-e-s ami-e-s,
Nous sommes heureux-ses de vous annoncer la création du Comité Parisien des Amis de l'Humanité. Notre première rencontre, lundi 3 octobre à 19 heures, aura pour thème «Le pouvoir des mots du pouvoir». À l'heure de l'hégémonie de la pensée ultralibérale, comment décrypter le vocabulaire dominant? Comment nous réapproprier les mots de combat, de fraternité, de progrès?
Le débat se déroulera en présence de Gérard Mordillat, écrivain et cinéaste (dernier livre «Moi, Présidente», éditions Autrement) et Jean-Emmanuel Ducoin, rédacteur en chef de l'Humanité et écrivain (dernier livre «Bernard, François, Paul et les autres», éditions Anne Carrière, prix Louis Nucéra 2016).
Théâtre de Poche.
75, boulevard du Montparnasse 75006 Paris.
Métros: Montparnasse-Bienvenüe (lignes 4, 6, 12, 13)
Bus: (lignes 96, 95, 94, 92, 91, 89, 82, 58)
Entrée libre.
Cher-e-s ami-e-s,
Nous sommes heureux-ses de vous annoncer la création du Comité Parisien des Amis de l'Humanité. Notre première rencontre, lundi 3 octobre à 19 heures, aura pour thème «Le pouvoir des mots du pouvoir». À l'heure de l'hégémonie de la pensée ultralibérale, comment décrypter le vocabulaire dominant? Comment nous réapproprier les mots de combat, de fraternité, de progrès?
Le débat se déroulera en présence de Gérard Mordillat, écrivain et cinéaste (dernier livre «Moi, Présidente», éditions Autrement) et Jean-Emmanuel Ducoin, rédacteur en chef de l'Humanité et écrivain (dernier livre «Bernard, François, Paul et les autres», éditions Anne Carrière, prix Louis Nucéra 2016).
Théâtre de Poche.
75, boulevard du Montparnasse 75006 Paris.
Métros: Montparnasse-Bienvenüe (lignes 4, 6, 12, 13)
Bus: (lignes 96, 95, 94, 92, 91, 89, 82, 58)
Entrée libre.
mardi 27 septembre 2016
Réinventer l'industrie, une urgence
En moins d’un quinquennat, 887 usines ont fermé leurs portes en France. Une débâcle industrielle.
Les chiffres que nous publions le mercredi 28 septembre dans l'Humanité valent toutes les radiographies les plus savantes sur l’état de l’économie de notre pays. Certains feignent de les ignorer, comme s’il convenait de reporter le réel à une date ultérieure et de s’accommoder d’une forme de déclin qui touche à l’existence même de notre indépendance, sinon à notre capacité à maîtriser notre destin. Lisez bien: en moins d’un quinquennat, 887 usines ont fermé leurs portes en France. Une débâcle industrielle. Et si nous osons encore affirmer qu’il n’y a pas de pays fort sans une industrie forte et que l’époque nécessite une nouvelle maîtrise publique des outils de production et des moyens d’investissement, nous pratiquons, comme l’écrit le Monde, un «populisme industriel»…
Quoiqu’en disent pourtant les tenants d’une économie de purs services et sans usines, les Français ont à peu près compris – et ils le déplorent souvent avec colère – les effets dramatiques de la désindustrialisation. Un million d’emplois industriels perdus, un déficit commercial chronique, des champions nationaux qui passent sous contrôle étranger, des pans entiers du territoire dévitalisés… sans parler, bien sûr, des plus de six millions de chômeurs, des quelque dix millions de pauvres, et de cette jeunesse sacrifiée, non intégrée, ni intégrable, dans ce marché ou dans ce salariat. L’incapacité des pouvoirs publics à remédier à ce déclassement est un véritable scandale. Quant aux dispositifs mis en place par Hollande, ils n’ont fait qu’alimenter la broyeuse à profits.
lundi 26 septembre 2016
Le droit à l'IVG, un combat permanent... et européen
En Pologne, le gouvernement réactionnaire, soutenu par l’Église, veut
entériner une proposition de loi visant l’interdiction quasi totale de
l’avortement, même en cas de viol...
Pour ceux qui doutent que les droits essentiels ne soient jamais gravés dans le marbre ad vitam aeternam, fussent-ils arrachés par les plus nobles conquêtes collectives, l’exemple polonais, un parmi tant d’autres, devrait les refroidir, sinon les réveiller. La Pologne est membre de l’Union européenne. Pourtant, la machine libéralo-catholique-patriarcale qui s’abat sur ce pays atteint désormais la dignité des femmes dans leur engagement même pour le droit à l’avortement. Singulière ironie de l’histoire. Nous avons tous en mémoire le souvenir d’une mère, d’une grand-mère nous racontant qu’avant la loi Veil beaucoup de Françaises s’absentaient pour pratiquer une IVG en… Pologne. En 2016, ce sont les Polonaises qui traversent les frontières, du moins celles qui le peuvent, les autres ayant recours à la clandestinité : entre 100.000 et 150.000 par an. Pour l’instant, la loi polonaise reste l’une des plus strictes en Europe et n’autorise l’IVG que dans les cas extrêmes, danger pour la vie de la mère, pathologie irréversible du fœtus ou grossesse résultant d’un viol ou d’un inceste. Seulement voilà, le gouvernement réactionnaire, soutenu par l’Église, veut entériner une proposition de loi visant l’interdiction quasi totale de l’IVG, même en cas de viol...
Pour ceux qui doutent que les droits essentiels ne soient jamais gravés dans le marbre ad vitam aeternam, fussent-ils arrachés par les plus nobles conquêtes collectives, l’exemple polonais, un parmi tant d’autres, devrait les refroidir, sinon les réveiller. La Pologne est membre de l’Union européenne. Pourtant, la machine libéralo-catholique-patriarcale qui s’abat sur ce pays atteint désormais la dignité des femmes dans leur engagement même pour le droit à l’avortement. Singulière ironie de l’histoire. Nous avons tous en mémoire le souvenir d’une mère, d’une grand-mère nous racontant qu’avant la loi Veil beaucoup de Françaises s’absentaient pour pratiquer une IVG en… Pologne. En 2016, ce sont les Polonaises qui traversent les frontières, du moins celles qui le peuvent, les autres ayant recours à la clandestinité : entre 100.000 et 150.000 par an. Pour l’instant, la loi polonaise reste l’une des plus strictes en Europe et n’autorise l’IVG que dans les cas extrêmes, danger pour la vie de la mère, pathologie irréversible du fœtus ou grossesse résultant d’un viol ou d’un inceste. Seulement voilà, le gouvernement réactionnaire, soutenu par l’Église, veut entériner une proposition de loi visant l’interdiction quasi totale de l’IVG, même en cas de viol...
dimanche 25 septembre 2016
Pacte(s): la gauche française en question
Le corps du peuple sans l’âme du progrès social n’est qu’un squelette en voie de décomposition. Nous laisserons-nous embarquer sans réagir, alors que, à gauche, de nombreux mouvements rassemblés montrent qu’une dynamique peut être engagée?
Gauche. Nous vivons tous à l’affût de surprises qui sauraient rendre nos mémoires toujours plus fidèles, ce qui nous éviterait de nous fuir, de nous tromper, et accessoirement de perdre de vue l’essentiel par les temps qui courent: croire encore «en la» politique (comme on dirait croire en l’amour). Idée absurde, n’est-ce pas, tellement décalée, presque vieux jeu. Faut-il qu’il ait existé entre l’idée «de la» politique et nous-mêmes des complicités si profondes et si inconscientes pour que l’évoquer encore et encore soit toujours indispensable! Admettez que le sort de la gauche française – et son pôle d’attraction le plus social et révolutionnaire possible – nous importe et nous occupe presque quotidiennement, au moins par devoir et passion, sinon par fonction, comme si les déboussolés que nous sommes par l’évolution en cours nous permettaient la posture de l’observateur, un pied dedans, un pied dehors. Le philosophe et médiologue Régis Debray, présent au stand des Amis de l’Humanité lors de la dernière Fête, à La Courneuve, résumerait le dilemme d’une formule savoureuse: «La gauche, sans faire le détail de ses tribus et avec tous ses aggiornamentos, a dans son ADN un pacte avec la durée, parce qu’elle est “transmission”, transport d’une information rare le long du temps.» C’est au nom de ce «pacte» et de cette «durée» que nous nous autorisons à nous interroger sur la séquence électorale qui s’ouvre, avec la crainte de revivre un cauchemar pour cette gauche de transformation qui nous tient lieu de maison commune. Celle-ci possède pourtant une définition assez simple: le «peuple de gauche», comme concept et permanence, est une histoire longue, ou plus exactement l’unité de cette histoire. Les deux coexistent, plus ou moins bien selon les périodes, mais il n’est jamais bon que l’un chasse l’autre. Disons, pour schématiser, que nous traversons (temporairement?) une période creuse.
jeudi 22 septembre 2016
Frères en humanité, frères de classe
Il faut accueillir les migrants. Si la vie de nos
concitoyens s’avère si difficile socialement, est-ce la faute des migrants ou
des politiques libérales et d’austérité mises en œuvre depuis si longtemps?
Les débats majeurs, ceux qui nous déterminent, méritent de la vigilance et ce surcroît d’attention et d’intelligence collective qui devrait être le propre d’une grande République comme la nôtre. Assez souvent, pourtant, ceux qui font profession de parler au nom des Français nous donnent la nausée. Que dire de l’attitude des responsables de droite et de son extrême dès que le mot «migrants» est prononcé? Comment réagir face à l’ignominie de ce que nous entendons quotidiennement, sachant que plus l’ignominie sera terrible, plus elle s’attirera une place de choix dans les médias? À écouter les Wauquiez, les Estrosi, les Sarkozy et les autres, qui n’ont que «la France, la France» au bout des lèvres, le pays de Voltaire et d’Hugo devrait cesser d’être une terre d’accueil. Dans ce contexte de surenchères irresponsables, qui attisent la haine des uns contre les autres et au bout du compte accréditent la xénophobie, le Front national vient même de créer un collectif de maires intitulé Ma commune sans migrants… vous savez, ces peaux foncées, ces parasites, ces illettrés, ces bas morceaux, ces morts-la-faim…
Maintenant, ça suffit! Les migrants sont nos frères en humanité, nos frères de classe.
Les débats majeurs, ceux qui nous déterminent, méritent de la vigilance et ce surcroît d’attention et d’intelligence collective qui devrait être le propre d’une grande République comme la nôtre. Assez souvent, pourtant, ceux qui font profession de parler au nom des Français nous donnent la nausée. Que dire de l’attitude des responsables de droite et de son extrême dès que le mot «migrants» est prononcé? Comment réagir face à l’ignominie de ce que nous entendons quotidiennement, sachant que plus l’ignominie sera terrible, plus elle s’attirera une place de choix dans les médias? À écouter les Wauquiez, les Estrosi, les Sarkozy et les autres, qui n’ont que «la France, la France» au bout des lèvres, le pays de Voltaire et d’Hugo devrait cesser d’être une terre d’accueil. Dans ce contexte de surenchères irresponsables, qui attisent la haine des uns contre les autres et au bout du compte accréditent la xénophobie, le Front national vient même de créer un collectif de maires intitulé Ma commune sans migrants… vous savez, ces peaux foncées, ces parasites, ces illettrés, ces bas morceaux, ces morts-la-faim…
Maintenant, ça suffit! Les migrants sont nos frères en humanité, nos frères de classe.
jeudi 15 septembre 2016
Exception(s): une certaine idée d'être ensemble
Extase. Et, soudain, l’inattendu nous rattrape par la manche. Comme par effraction. Ou par grâce. À nos pensées douloureuses du moment succèdent alors un sentiment de liberté, une invitation brutale à se délester de nous-mêmes, au point d’éprouver une sorte de vertige et la promesse d’une jubilation (même relative) que nous nous étions interdits jusque-là. Un frémissement. Une élévation. Voici le miracle de la Fête de l’Humanité, unique en tant qu’exception. Vous allez plutôt mal? La Fête vous immunise. Vous avez la tête ailleurs? Elle vous réaffirme. Vous manquez de courage? Elle vous rehausse. Vous avez honte de n’être pas assez vous-mêmes, de trahir parfois le sens profond de votre intimité? Elle vous irrigue et vous impose cette petite extase qui atrophie les heurts et les chasse. Avec la Fête, notre horizon compose quelquefois des ourlets que seule l’imagination déplisse avec progressivité, comme on dirait avec «l’ambition du progrès». Quels meilleurs mots, une semaine après, pour traduire le sentiment qui domine, alors que les ultimes échos résonnent au loin du côté du parc de La Courneuve, nous laissant, chaque année recommencée, un peu orphelin? Sachez-le, une question nous a hantés encore cette année, par exemple au stand des Amis de l’Humanité, le dimanche soir venu, quand un sentiment de joie intense dissipait toutes les fatigues: comment poursuivre le « temps » de la Fête pour que ce temps-là, unique en son genre, ne soit pas qu’une trace éphémère, un souffle, une respiration éperdue mais déjà dissipée par la suite qui mange le meilleur de nous-mêmes? Le bloc-noteur traduit là, en somme, ce que beaucoup pensent: comment préserver «l’esprit» de la Fête jusque dans ses moindres détails de diversité, de richesse et d’intelligence, comment continuer d’ouvrir les fenêtres et d’aérer les idées?
L'intégralité de l'échange
entre Philippe Martinez et Régis Debray,
au stand des Amis de l'Humanité, à la Fête 2016.
Inscription à :
Articles (Atom)