Davantage. Au moins, les choses s’affirment clairement. Les bonnes âmes qui pensaient que le «plus rien ne sera comme avant» de la Macronie allait se traduire par un aggiornamento avec les politiques antérieures savent désormais à quoi s’en tenir. Mac Macron nous avait lui-même annoncé sa nécessité de se réinventer. Confirmation dimanche dernier. À un détail près: il se réinvente… résolument à droite. L’acte III du quinquennat ressemblera à l’acte II et les crédules, qui s’attendaient à ce que le «nouveau chemin» emprunte plutôt la rive gauche, risquent de se noyer au milieu du fleuve en crue, emportés par le courant libéral. L’épidémie n’a rien changé à l’affaire. L’après sera comme avant, forcément en pire! À quoi donc a servi le «quoi qu’il en coûte», puisque Mac Macron déclare maintenant qu’il faudra bien en payer le prix. Les mots ne furent pas choisis au hasard. Après avoir souligné l’effort «inédit» de 500 milliards d’euros pour sauver les entreprises et les emplois, l’hôte du Palais a rappelé que ces dépenses, justifiées par «des circonstances exceptionnelles», venaient «s’ajouter à notre dette déjà existante». Message reçu: du sang et des larmes devront être concédés pour les rembourser. En augmentant les impôts? La France est «déjà l’un des pays où la fiscalité est la plus lourde», répond Mac Macron. En ponctionnant les plus riches, comme le réclamaient toute la gauche et même les dangereux marxistes que sont Richard Ferrand et Laurent Berger? Certainement pas. En imaginant une réforme globale de la fiscalité? Encore moins. Non, le chemin vient ici s’éclairer par la voix du prince-président: «La seule réponse, conclut-il, est de bâtir un modèle économique durable, plus fort, de travailler et de produire davantage pour ne pas dépendre des autres.»
Écho. Après le «travailler plus pour gagner plus» de Nicoléon, voici le «travailler davantage» de Mac Macron pour éponger l’ardoise du confinement contraint, à l’heure où, pourtant, des dizaines de milliers d’entreprises tentent de rester en vie. Mac Macron l’a répété ces derniers jours, lors de quelques déjeuners avec différents éditorialistes triés sur le volet (dont nous ne sommes pas, cela va sans dire): pour lui, une fracture sépare les «insiders» et les «outsiders», salariés protégés d’un côté, précaires de l’autre. Curieux langage, non, pour porter une parole d’État? Selon cette théorie, les premiers devraient accepter des sacrifices. Entendez bien: les premiers en question sont les fameux «protégés». Mais protégés de quoi, exactement, puisque près d’un million d’entre eux perdront leur emploi d’ici à 2021, si l’on en croit le sinistre de l’Économie en personne? Repartir de l’avant signifie donc: travailler plus, modérer les salaires, réclamer des efforts aux petites mains et aux autres, véritable écho à ce que réclament depuis des semaines les organisations patronales…
Pont-levis. En pleine
polémique sur les violences policières, cette doxa nicoléonnienne assumée
résonne comme l’ultime coup de barre à droite. D’autant que le soutien sans
faille aux «forces de l’ordre»
– bien nommées pour une fois – révèle un acte d’autorité qui nous
éloigne définitivement des prêches de «liberté»
de la campagne de 2017. La stratégie s’avère limpide. Après avoir siphonné une
grande partie de la gauche libérale, Mac Macron allume le deuxième étage de sa
fusée, empêcher toute candidature à droite, quitte à ultra-droitiser tous ses
choix, à l’image des tractations de second tour des municipales, qui n’ont
abouti qu’à des accords avec LR. En vue de 2022, il a en choisi son
assurance-vie: Fifille-la-voilà. Sa seule chance, sans doute, d’être réélu.
Quitte à baliser la voie à son adversaire préférée, lui dresser un pont-levis.
Et à mettre en péril la démocratie, sinon la République elle-même.
[BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 19 juin 2020.]