Geraint Thomas, franchissant la ligne d'arrivée du dernier contre-la-montre. |
Sur la route du Tour, envoyé spécial.
L’onomastique de la Grande Boucle, qui nous renseigne sur la nature de l’époque, nous trouble toujours parce qu’elle nous parle d’un pays proche et d’un monde lointain. Dans le petit monde de la Sky, la généalogie importe moins que la création de personnages à sa mesure, capables de perpétuer la seule chose dont soit capable cette équipe, avec son budget de quarante millions d’euros: la domination sans partage. La formation de Dave Brailsford a réussi, en sept ans, ce que Cyrille Guimard avait inauguré de manière spectaculaire dans les années 1970-1980, remporter le monument avec trois coureurs différents. Un exploit digne du Panthéon cycliste. A un détail près, que nous revendiquons haut et fort au point de le réécrire. Les Lucien Van Impe, Bernard Hinault et Laurent Fignon marquèrent l’histoire de leur sport; les Bradley Wiggins, Chris Froome et Geraint Thomas ne fortifient que l’histoire des Sky.
Hanté par la trace mémorielle du Tour en tant qu’épopée onirique qui dépasse ses héros eux-mêmes, le chronicoeur s’est souvent demandé: quel Tour de France laisserons-nous aux coureurs? Les circonstances l’incitent à reformuler la question: quels coureurs laisserons-nous au Tour de France? Une phrase nous instruit pour en comprendre le sens, d’autant qu’elle témoigne de l’impuissance des organisateurs. Elle a été prononcée par celui qui dessine le tracé depuis cinq ans, l’ancien coureur Thierry Gouvenou: «Je pourrais proposer n’importe quoi, une équipe qui domine autant s’adaptera toujours.» Pour rappel, souvenons-nous que Froome était lieutenant quand Wiggins triompha en 2012 et que Thomas a accompagné son «Froomey» avant de lui succéder. Et préparez-vous, le prodige colombien Egan Bernal, 21 ans, fut déjà au premier rang durant ces trois semaines pour assurer la relève programmée. Le directeur sportif des Sky, Nicolas Portal, l’expliquait l’autre soir: «Le renouvellement a toujours fonctionné, sauf avec Richie Porte et Mikel Landa qui ont choisi de tenter leur chance ailleurs, chez BMC et Movistar.» Et nous repensons que Dave Brailsford, qui rêve polisson d’offrir un maillot jaune à la France, voulait débaucher de la FDJ le Français Thibault Pinot en 2016, sachant que ce dernier n’avait pas donné suite au pont d’or et au gage de réussite –au prix de quels sacrifices?– qui lui étaient proposés…
Pour Geraint Thomas, longtemps resté dans l’ombre en ruminant ses sentiments grégaires, tout débuta vraiment en 2014.