Huit ans plus tard, le Suisse s’adjuge un prologue dans le Tour. Le cinquième de sa carrière.
Depuis Liège (Belgique).
Le cyclisme a-t-il à ce point du mal à se renouveler qu’il lui faut, périodiquement, comme on offre à ses plus sympathiques contempteurs des bâtons pour se faire battre, ressortir les mêmes histoires à cauchemarder debout? Chacun le savait, le Suisse Fabian Cancellara a toujours eu l’habitude de marquer d’une pierre blanche la date du prologue du Tour dans son calendrier. N’en doutons pas. Jusque-là, le rouleur de RadioShack (équipe orpheline d’Andy Schleck) avait déjà remporté quatre victoires dans l'exercice (en comptant le contre la montre d'ouverture de Monaco en 2009, disputé sur 15,5 km). Et avec l’énorme pancarte de favori à la place du dossard, que croyez-vous qu’il arriva? Juste ce qui devait arriver…
Ajoutons que les organisateurs avaient fait ce qu’il fallait, en réservant au «Spartacus» d'opérette des pelotons un parcours identique à celui de 2004 (Liège avait déjà accueilli le Grand Départ). Cette année-là, Cancellara s’était révélé au grand public en atomisant un certain Lance Armstrong sur un parcours quasi identique et déjà tracé sur les bords de la Meuse. Huit ans plus tard, huit ans déjà, comme figé dans un obscur cauchemar d’une époque maudite, le Suisse s’est rappelé à notre mauvais souvenir. Cinquième victoire dans un prologue du Tour. Il y aurait sûrement de quoi lever notre verre: nous avons laissé le geste aux dizaines de milliers de Belges massés sur le parcours. Eux au moins n’avaient pas besoin d’un exploit de Cancellara pour se fêter eux-mêmes.
samedi 30 juin 2012
Et c'est reparti pour un Tour...
La 99e édition du Tour de France s’élance demain depuis Liège. Comme une mauvaise habitude, on parle déjà plus des affaires que de la course. Europcar dans le viseur?
Depuis Liège (Belgique).
Parce que le Tour reste ce lieu étrange où rien ne se juge vraiment à l’aune des palmarès, le corps, le cœur, la pensée, les exploits, les émotions fluctuantes, les vivas du peuple et même la plume du chronicœur y sont convoqués rituellement pour que l’altérité y trouve son compte. Pas encore élancée, l’édition 2012, 99e du genre, a déjà rempli son office. Mais, croyez-nous, pas de quoi, pour l’instant, enrichir le grand livre des Illustres. À l’heure où nous devrions concentrer toute notre attention sur les prochains chronos, les rendez-vous décisifs des étapes de montagne à venir et les quelques favoris encore debout avant de s’élancer pour trois semaines de train fou, nous revoilà plongés dans le creuset des affaires en tout genre.
Tellement que, depuis de nombreuses heures, les habitants de la Cité ardente de Liège, agglutinés devant les hôtels des coureurs et prêts à tous les sacrifices corporels pour les apercevoir ou les toucher, hésitent entre la nécessaire prise de recul face aux événements inhérents au cyclisme et la franche dévotion qu’ils ont, heureusement, du mal à contenir. En ces contrées enivrées par la passion, aimer le vélo est un pléonasme. Une qualité supérieure que tout homme de raison devrait envier. N’est-ce pas? Mais le climat s’avère lourd, pesant. Et nous ne parlons pas là de la densité des rayons du soleil qui viendrait à flancher sur les Ardennes belges… «À chaque début de Tour, son affaire, ça devient lassant», commentait, un rien ironique, le vieil Eddy Merckx, qui compte bien sur ce «grand départ» pour profiter de sa popularité inégalée dans le royaume. Mais pour une fois, les foudres de la suspicion viennent de s’abattre sur une équipe française : celle de Jean-René Bernaudeau.
Depuis Liège (Belgique).
Parce que le Tour reste ce lieu étrange où rien ne se juge vraiment à l’aune des palmarès, le corps, le cœur, la pensée, les exploits, les émotions fluctuantes, les vivas du peuple et même la plume du chronicœur y sont convoqués rituellement pour que l’altérité y trouve son compte. Pas encore élancée, l’édition 2012, 99e du genre, a déjà rempli son office. Mais, croyez-nous, pas de quoi, pour l’instant, enrichir le grand livre des Illustres. À l’heure où nous devrions concentrer toute notre attention sur les prochains chronos, les rendez-vous décisifs des étapes de montagne à venir et les quelques favoris encore debout avant de s’élancer pour trois semaines de train fou, nous revoilà plongés dans le creuset des affaires en tout genre.
Tellement que, depuis de nombreuses heures, les habitants de la Cité ardente de Liège, agglutinés devant les hôtels des coureurs et prêts à tous les sacrifices corporels pour les apercevoir ou les toucher, hésitent entre la nécessaire prise de recul face aux événements inhérents au cyclisme et la franche dévotion qu’ils ont, heureusement, du mal à contenir. En ces contrées enivrées par la passion, aimer le vélo est un pléonasme. Une qualité supérieure que tout homme de raison devrait envier. N’est-ce pas? Mais le climat s’avère lourd, pesant. Et nous ne parlons pas là de la densité des rayons du soleil qui viendrait à flancher sur les Ardennes belges… «À chaque début de Tour, son affaire, ça devient lassant», commentait, un rien ironique, le vieil Eddy Merckx, qui compte bien sur ce «grand départ» pour profiter de sa popularité inégalée dans le royaume. Mais pour une fois, les foudres de la suspicion viennent de s’abattre sur une équipe française : celle de Jean-René Bernaudeau.
Anquetiliste(s): un chef d'oeuvre de Paul Fournel
Dans "Anquetil tout seul" (Seuil), l'écrivain nous raconte sa relation au grand champion cycliste. A lire de toute urgence.
Fournel. «Anquetil jouissait de la bienveillance des vents, son nez aigu et son visage de fine lame lui ouvraient la route et son corps tout entier se coulait derrière, fendant les mistrals, pénétrant les bises d’hiver et les autans d’été.» Par cette toute première phrase, l’écrivain Paul Fournel a déjà gagné. La course des mots. Celle de l’éternelle estime. Celle de la légende des cycles. Celle de la fidélité à l’enfance. Celle de la littérature, qui, parfois, dans la roue des champions d’exception, devient elle-même une exception si rare et si prodigieuse que vous restez collé à la lecture, comme dans un contre-la-montre, jusqu’à l’épuisement de la sensation ultime : le bonheur du talent. Avec "Anquetil tout seul" (Seuil), l’ami Paul Fournel enroule devant nos yeux ébahis un braquet hors du commun, prêtant sa plume à la gloire d’un des cyclistes qui a le plus hanté les écrivains et les intellectuels (du moins ceux qui osent admettre leur fascination pour la Petite Reine). Oui, Anquetil fut le héros de Fournel. Depuis sa plus tendre enfance. Disons depuis 1957 pour être précis. Le futur écrivain avait alors dix ans. Et le futur quintuple vainqueur du Tour de France ramenait à Paris son premier maillot jaune, à l’âge de vingt-trois ans. Fournel, qui raconte à la fois son voisinage avec l’Idole mais aussi le lien mystérieux et intime qu’il a entretenu à distance avec ce Normand qui brûlait l’existence par tous les sens, écrit: «J’avais dix ans, j’étais petit brun et rond, il était grand blond et mince, je voulais être lui. Je voulais son vélo, son allure, sa nonchalance, son élégance.» Car le grand Jacques était-il autre chose qu’«un réacteur, une machine IBM et un alambic», selon la formule de Raphaël Geminiani, son directeur sportif? Paul Fournel s’est toujours interrogé. Encore «petit cycliste», il avait «des idées claires sur ce que devait être un champion», «d’abord et avant tout un être porté à l’exploit, et pour cela il devait aimer son sport plus que tout, sans débat». Problème insoluble, puisque Jacques déclarait à souhait: «Je crois bien que je n’aime pas, que je n’ai jamais aimé, que je n’aimerai jamais le vélo.» Le croyez-vous?
Noblesse. Anquetil-Fournel. Au fil des pages, à la mesure des années écoulées, nous devinons la proximité en ampleur entre les deux hommes. Fournel: «Anquetil se tient nu, en équilibre inquiet au-dessus de la baignoire qui se remplit d’eau bouillante. La vapeur monte, lui saisit le sexe, les fesses, les jambes : précieux mollets, cuisses d’or.»
Et encore: «La tête reçoit les effluves, elle fait thermomètre. Anquetil regarde ses pieds sans les voir. Il absorbe la chaleur, il en gave ses muscles. Il ne pense pas à la course dont il va prendre le départ, il n’en répète pas mentalement les virages et le profil. Le tracé est roulé en boule dans son ventre, il le sent dur, compact, douloureux, noué, et il sait que tout à l’heure, juste après le départ, il se défroissera et se déroulera au centimètre comme la plus rigoureuse des cartes routières. Il a peur.»
Fournel. «Anquetil jouissait de la bienveillance des vents, son nez aigu et son visage de fine lame lui ouvraient la route et son corps tout entier se coulait derrière, fendant les mistrals, pénétrant les bises d’hiver et les autans d’été.» Par cette toute première phrase, l’écrivain Paul Fournel a déjà gagné. La course des mots. Celle de l’éternelle estime. Celle de la légende des cycles. Celle de la fidélité à l’enfance. Celle de la littérature, qui, parfois, dans la roue des champions d’exception, devient elle-même une exception si rare et si prodigieuse que vous restez collé à la lecture, comme dans un contre-la-montre, jusqu’à l’épuisement de la sensation ultime : le bonheur du talent. Avec "Anquetil tout seul" (Seuil), l’ami Paul Fournel enroule devant nos yeux ébahis un braquet hors du commun, prêtant sa plume à la gloire d’un des cyclistes qui a le plus hanté les écrivains et les intellectuels (du moins ceux qui osent admettre leur fascination pour la Petite Reine). Oui, Anquetil fut le héros de Fournel. Depuis sa plus tendre enfance. Disons depuis 1957 pour être précis. Le futur écrivain avait alors dix ans. Et le futur quintuple vainqueur du Tour de France ramenait à Paris son premier maillot jaune, à l’âge de vingt-trois ans. Fournel, qui raconte à la fois son voisinage avec l’Idole mais aussi le lien mystérieux et intime qu’il a entretenu à distance avec ce Normand qui brûlait l’existence par tous les sens, écrit: «J’avais dix ans, j’étais petit brun et rond, il était grand blond et mince, je voulais être lui. Je voulais son vélo, son allure, sa nonchalance, son élégance.» Car le grand Jacques était-il autre chose qu’«un réacteur, une machine IBM et un alambic», selon la formule de Raphaël Geminiani, son directeur sportif? Paul Fournel s’est toujours interrogé. Encore «petit cycliste», il avait «des idées claires sur ce que devait être un champion», «d’abord et avant tout un être porté à l’exploit, et pour cela il devait aimer son sport plus que tout, sans débat». Problème insoluble, puisque Jacques déclarait à souhait: «Je crois bien que je n’aime pas, que je n’ai jamais aimé, que je n’aimerai jamais le vélo.» Le croyez-vous?
Noblesse. Anquetil-Fournel. Au fil des pages, à la mesure des années écoulées, nous devinons la proximité en ampleur entre les deux hommes. Fournel: «Anquetil se tient nu, en équilibre inquiet au-dessus de la baignoire qui se remplit d’eau bouillante. La vapeur monte, lui saisit le sexe, les fesses, les jambes : précieux mollets, cuisses d’or.»
Et encore: «La tête reçoit les effluves, elle fait thermomètre. Anquetil regarde ses pieds sans les voir. Il absorbe la chaleur, il en gave ses muscles. Il ne pense pas à la course dont il va prendre le départ, il n’en répète pas mentalement les virages et le profil. Le tracé est roulé en boule dans son ventre, il le sent dur, compact, douloureux, noué, et il sait que tout à l’heure, juste après le départ, il se défroissera et se déroulera au centimètre comme la plus rigoureuse des cartes routières. Il a peur.»
jeudi 28 juin 2012
Guimard: «Le sport peut-il encore être préservé face au business?»
Voici le long entretien de Cyrille Guimard réalisé par Eric Serres et publié dans l'Humanité du 15 juin dernier, à l'occasion de la sortie de son autobiographie, que j'ai co-écrite avec lui, "Dans les secrets du Tour de France" (éditions Grasset). Le cyclisme, Cyrille l’a connu sur son vélo, au volant de sa voiture de directeur sportif, puis au micro en tant que consultant. Un homme indissociable de l’histoire moderne du sport...
-Pourquoi avoir écrit ce livre aujourd’hui, pourquoi avoir mis tant d’années à revenir sur votre histoire qui se mélange avec celle de l’histoire du cyclisme de ces quarante dernières années?
Cyrille Guimard. Pourquoi ne pas en avoir écrit un plus tôt? Il y a eu un premier livre, mais qui ne compte pas. En fait, j’ai toujours refusé, pas parce que je n’avais rien à dire, mais parce que c’était trop tôt et que je n’avais pas assez de recul. Je n’ai jamais été vraiment passionné par la lecture des livres sur les champions. Ça manquait souvent de profondeur. C’était souvent: «Moi, ma vie, mes exploits!» En disant cela, je ne veux critiquer qui que ce soit, mais quand je lisais cela, j’étais moi-même trop impliqué dans le monde du sport. Tout ce que j’y trouvais, je le connaissais déjà, à se demander même si l’on avait vu la même chose.
-Est-ce à dire que vous avez pris du recul par rapport aux événements, à votre vie ?
Cyrille Guimard. Oui. En partie! Mais je pense que c’est le livre qui va m’en faire prendre encore plus que tout le reste. On se rend compte qu’une vie racontée en 200 pages, c’est trop court, et comme je n’ai pas la capacité d’en écrire une dizaine, il y a comme une frustration : sans la plume de Jean-Emmanuel Ducoin, que les lecteurs de l’Huma connaissent bien, ce projet n’aurait pas vu le jour… Vous savez, il y avait tellement d’autres choses dont j’avais envie de parler, et je ne l’ai découvert, bizarrement, que lorsque le livre arrivait à sa fin.
-Pourquoi avoir écrit ce livre aujourd’hui, pourquoi avoir mis tant d’années à revenir sur votre histoire qui se mélange avec celle de l’histoire du cyclisme de ces quarante dernières années?
Cyrille Guimard. Pourquoi ne pas en avoir écrit un plus tôt? Il y a eu un premier livre, mais qui ne compte pas. En fait, j’ai toujours refusé, pas parce que je n’avais rien à dire, mais parce que c’était trop tôt et que je n’avais pas assez de recul. Je n’ai jamais été vraiment passionné par la lecture des livres sur les champions. Ça manquait souvent de profondeur. C’était souvent: «Moi, ma vie, mes exploits!» En disant cela, je ne veux critiquer qui que ce soit, mais quand je lisais cela, j’étais moi-même trop impliqué dans le monde du sport. Tout ce que j’y trouvais, je le connaissais déjà, à se demander même si l’on avait vu la même chose.
-Est-ce à dire que vous avez pris du recul par rapport aux événements, à votre vie ?
Cyrille Guimard. Oui. En partie! Mais je pense que c’est le livre qui va m’en faire prendre encore plus que tout le reste. On se rend compte qu’une vie racontée en 200 pages, c’est trop court, et comme je n’ai pas la capacité d’en écrire une dizaine, il y a comme une frustration : sans la plume de Jean-Emmanuel Ducoin, que les lecteurs de l’Huma connaissent bien, ce projet n’aurait pas vu le jour… Vous savez, il y avait tellement d’autres choses dont j’avais envie de parler, et je ne l’ai découvert, bizarrement, que lorsque le livre arrivait à sa fin.
dimanche 24 juin 2012
Illusion(s): bilan et perspectives après élections...
Près d'un électeur sur deux s’est abstenu aux législatives. Les moins de quarante-cinq ans, majoritairement, ne se sont pas exprimés. Et il en est de même avec les catégories sociales les plus défavorisées... Pour François II, l’adhésion reste à conquérir…
Majorité. À force de répéter sur tous les tons que «la gauche, cette fois, ne peut pas décevoir», qu’elle n’en a «pas le droit», faute de quoi le pire serait à envisager dans un avenir plus ou moins proche, certains omettent de dimensionner le périmètre du mot «gauche» ainsi utilisé dans une globalité erronée. En l’espèce, nous devons entendre: les socialistes et leurs alliés gouvernementaux. Ceux pour lesquels les élections législatives furent un moment de grâce. Ou presque. Mettons de côté les destins personnels, concentrons-nous sur ce que nous nous permettrons de considérer comme un sacre en trompe-l’œil. Il n’est nullement question, ici, de minimiser l’ampleur de la victoire des socialistes: en nombre, sinon en pourcentage, jamais la gauche n’avait obtenu semblable hégémonie à l’Assemblée. D’autant que ladite gauche domine dorénavant le paysage politique comme jamais cela ne s’était produit depuis l’avènement de la Ve République: le Palais-Bourbon, le Sénat, l’essentielle des régions, la majorité des départements et la plupart des grandes villes. Que reste-t-il à la droite parlementaire? Soyons précis: 3 régions sur 26, dont 2 en outre-mer ; 40 départements sur 101 ; 12 villes de plus de 100.000 habitants sur 41. Du jamais-vu, inutile de le préciser.
Vertige. Bien sûr, cette hyperdomination ne tombe pas du ciel. Après cinq années de nicoléonisme et de dérives en tout genre, l’envie de changement était la plus forte et les Français ne se sont pas contentés, aux législatives, de confirmer le résultat de la présidentielle.
Vertige. Bien sûr, cette hyperdomination ne tombe pas du ciel. Après cinq années de nicoléonisme et de dérives en tout genre, l’envie de changement était la plus forte et les Français ne se sont pas contentés, aux législatives, de confirmer le résultat de la présidentielle.
mercredi 20 juin 2012
Rio+20 : oui, la maison brûle...
Un développement humainement durable: est-ce compatible avec la virulence du modèle financier?
«Notre maison brûle et nous regardons ailleurs.» Personne n’a oublié l’intuition oratoire de Jacques Chirac, le 2 septembre 2002 à Johannesburg, en ouverture du IVe Sommet de la terre. Cette prise de parole conscientisée à l’extrême, avec sa part de dramatisation, n’avait d’autre but que de rappeler aux dirigeants du monde leur devoir sacré: lutter contre l’indifférence des Terriens face aux menaces environnementales, face aux destructions de la nature et de ses ressources, qui mettent en danger l’espèce humaine tout entière. Ce jour-là, le président de l’époque s’exprimait dix ans après le premier sommet de Rio. En 1992, la Terre s’était assise à la table des négociations onusiennes. Les préoccupations écologiques et de développement durable s’écrivaient à l’encre noire dans tous les agendas internationaux…
Où en est-on aujourd’hui? Ne le cachons pas, la réunion de l’ONU en présence d’une centaine de chefs d’État et de gouvernement, qui se tient de nouveau à Rio, comme un symbolique retour aux sources, s’ouvre sur un constat d’alarme. Le bilan de l’action des États n’a rien de rassurant. Et le contexte mondial laisse apparaître des contradictions majeures : consommation d’énergies en plein boom, pics d’émissions de gaz à effet de serre, hausse des déchets et des pollutions chimiques, exploitation de l’écosystème jusqu’à la négation de la biodiversité, pillage des biens communs de l’humanité, marchandisation du concept d’«économie verte» au profit des grands trusts privés, nouvelle explosion de l’énergie fossile… tout cela frappé du sceau de la poursuite effrénée du système productiviste néocapitaliste !
«Notre maison brûle et nous regardons ailleurs.» Personne n’a oublié l’intuition oratoire de Jacques Chirac, le 2 septembre 2002 à Johannesburg, en ouverture du IVe Sommet de la terre. Cette prise de parole conscientisée à l’extrême, avec sa part de dramatisation, n’avait d’autre but que de rappeler aux dirigeants du monde leur devoir sacré: lutter contre l’indifférence des Terriens face aux menaces environnementales, face aux destructions de la nature et de ses ressources, qui mettent en danger l’espèce humaine tout entière. Ce jour-là, le président de l’époque s’exprimait dix ans après le premier sommet de Rio. En 1992, la Terre s’était assise à la table des négociations onusiennes. Les préoccupations écologiques et de développement durable s’écrivaient à l’encre noire dans tous les agendas internationaux…
Où en est-on aujourd’hui? Ne le cachons pas, la réunion de l’ONU en présence d’une centaine de chefs d’État et de gouvernement, qui se tient de nouveau à Rio, comme un symbolique retour aux sources, s’ouvre sur un constat d’alarme. Le bilan de l’action des États n’a rien de rassurant. Et le contexte mondial laisse apparaître des contradictions majeures : consommation d’énergies en plein boom, pics d’émissions de gaz à effet de serre, hausse des déchets et des pollutions chimiques, exploitation de l’écosystème jusqu’à la négation de la biodiversité, pillage des biens communs de l’humanité, marchandisation du concept d’«économie verte» au profit des grands trusts privés, nouvelle explosion de l’énergie fossile… tout cela frappé du sceau de la poursuite effrénée du système productiviste néocapitaliste !
dimanche 17 juin 2012
Lance Armstrong : l’imposture va s’achever, enfin !
Le septuple vainqueur du Tour de France est rattrapé par la justice sportive américaine. Une nouvelle enquête en cours pourrait bien chambouler les palmarès cyclistes. Que penser de ce coup de tonnerre?
À défaut de toujours frayer une place en philosophie,
le cyclisme permet de lire l’âme humaine comme dans un livre ouvert. Témoins d’une époque de métamorphose des corps, de modifications sanguines et génétiques, accouchée dans l’horreur des pires prédictions du bio-pouvoir et de l’homme-machine à performer, nous regardons avec lucidité la sortie de route peut-être définitive de Lance Armstrong. Tandis que l’Agence américaine antidopage déclare détenir les preuves que l’Américain, septuple vainqueur de la Grande Boucle,
fut un grand tricheur, un mot nous vient à l’esprit, un mot qui résonne presque comme un cri: enfin!
Le cyclisme avait-il besoin de la mondialisation d’abord, d’Armstrong ensuite, pour sombrer dans le produit du modèle anglo-saxon? Jusqu’au dopage «scientifique» des années 1990, avec sa substance phare, l’EPO, le vélo avait plus ou moins préservé son onctuosité poétique, protégeant jusqu’à l’orgueil cette fraîche bataille des «hommes de loin qui vivent près de chez nous», comme l’écrivait Blondin. Ce fameux Tour d’enfance projetait encore sur ces champions une part de nos fantasmes d’émancipation. Pour le chronicœur-suiveur, ayant quelques bouteilles au compteur, comment ne pas croire qu’Armstrong et ses congénères, complices ou semblables, nous ont trahis? Prenons bien conscience de ce que furent les années «Armstrong»: avec ces hommes sans foi ni loi, qui ont raturé la définition même de la légende des Géants de la route, le cyclisme a cessé d’être un sport spectaculaire pour devenir un spectacle sportif, symptôme et produit d’une société capitaliste qui ne vit que pour (se) vendre. Tôt ou tard, les imposteurs de l’histoire doivent rendre des comptes.
Le livre que j'ai publié sur Armstrong, en 2009 (éditions Michel de Maule). |
Le cyclisme avait-il besoin de la mondialisation d’abord, d’Armstrong ensuite, pour sombrer dans le produit du modèle anglo-saxon? Jusqu’au dopage «scientifique» des années 1990, avec sa substance phare, l’EPO, le vélo avait plus ou moins préservé son onctuosité poétique, protégeant jusqu’à l’orgueil cette fraîche bataille des «hommes de loin qui vivent près de chez nous», comme l’écrivait Blondin. Ce fameux Tour d’enfance projetait encore sur ces champions une part de nos fantasmes d’émancipation. Pour le chronicœur-suiveur, ayant quelques bouteilles au compteur, comment ne pas croire qu’Armstrong et ses congénères, complices ou semblables, nous ont trahis? Prenons bien conscience de ce que furent les années «Armstrong»: avec ces hommes sans foi ni loi, qui ont raturé la définition même de la légende des Géants de la route, le cyclisme a cessé d’être un sport spectaculaire pour devenir un spectacle sportif, symptôme et produit d’une société capitaliste qui ne vit que pour (se) vendre. Tôt ou tard, les imposteurs de l’histoire doivent rendre des comptes.
[ARTICLE publié dans l'Humanité du 15 juin 2012.]
Ukrainien(s): 9 août 1942, l'honneur d'un sport et d'un peuple
Dans "Gagner à en Mourir", Pierre-Louis Basse nous raconte l'histoire d'un match méconnu entre le FC Start et les meilleurs joueurs de l'Allemagne nazie...
Foot. Pierre-Louis Basse a mille fois raison: nous aimons tous le football comme nous aimons notre enfance, «avec insouciance et regret, car nous passons une partie non négligeable de notre vie à regretter cette enfance». Tôt ou tard, le monde des adultes squatte notre présent et avant même de nous en rendre compte, nous avons quitté les bords de rive où s’échangeaient nos rêves de ballon rond et de numéros de dossard du Tour de France. Les brumes du présentisme, avec son performatif, remplacent alors l’éclat des ciels clairs des gamins. «Je n’ai jamais cessé de croire – au nom de cette passion pour l’enfance – que le football n’était rien d’autre que le merveilleux prolongement d’une époque», écrit Pierre-Louis Basse, plus mélancolique que jamais à refuser l’idéalisation du passé et plus encore sa nostalgie. Dans son dernier livre, Gagner à en mourir (Robert Laffont), le journaliste et écrivain sort de son silence forcé de la plus belle des manières. Mettant sa plume au service du sport, de l’histoire et de la politique.
Voix. Petit rappel aux oublieux: Pierre-Louis Basse n’est plus journaliste à Europe 1 depuis l’été 2011. Et croyez-nous, son émission, où se côtoyaient des philosophes, des musiciens, des ouvriers et parfois même des bloc-noteurs (eh oui), ne manque pas qu’aux auditeurs! Écarté, viré: chacun choisira la bonne expression.
Foot. Pierre-Louis Basse a mille fois raison: nous aimons tous le football comme nous aimons notre enfance, «avec insouciance et regret, car nous passons une partie non négligeable de notre vie à regretter cette enfance». Tôt ou tard, le monde des adultes squatte notre présent et avant même de nous en rendre compte, nous avons quitté les bords de rive où s’échangeaient nos rêves de ballon rond et de numéros de dossard du Tour de France. Les brumes du présentisme, avec son performatif, remplacent alors l’éclat des ciels clairs des gamins. «Je n’ai jamais cessé de croire – au nom de cette passion pour l’enfance – que le football n’était rien d’autre que le merveilleux prolongement d’une époque», écrit Pierre-Louis Basse, plus mélancolique que jamais à refuser l’idéalisation du passé et plus encore sa nostalgie. Dans son dernier livre, Gagner à en mourir (Robert Laffont), le journaliste et écrivain sort de son silence forcé de la plus belle des manières. Mettant sa plume au service du sport, de l’histoire et de la politique.
Voix. Petit rappel aux oublieux: Pierre-Louis Basse n’est plus journaliste à Europe 1 depuis l’été 2011. Et croyez-nous, son émission, où se côtoyaient des philosophes, des musiciens, des ouvriers et parfois même des bloc-noteurs (eh oui), ne manque pas qu’aux auditeurs! Écarté, viré: chacun choisira la bonne expression.
jeudi 14 juin 2012
Messieurs, Mesdames de l'UMP: taisez-vous !
« Le Front de gauche et le Front national, c’est pareil », disent les ténors de l’UMP. Ils insultent la mémoire du général de Gaulle.
Comme souvent, le secrétaire général de l’UMP aurait mieux fait de ne pas se laisser aller à ses songeries ambulatoires, qui, chez lui, ne produisent que de la pensée «pour les nuls». Réagissant à la décision gouvernementale, prise hier, de plafonner à 450 000 euros annuels les rémunérations des dirigeants des entreprises publiques, Jean-François Copé a qualifié «d’extrêmement hypocrite» ce dispositif, ajoutant, toujours «pour les nuls», qu’il singe décidément bien: «On fait semblant de régler les problèmes. C’est dans la catégorie “morale ostentatoire” pour dissimuler ce qui est moins moral. Pour moi, réduire les injustices, c’est permettre aux Français de gagner plus.» Même rengaine, mêmes mots. Travailler plus pour gagner plus, moraliser le capitalisme… Le CD était tellement rayé que les Français l’ont éjecté. Il serait temps que monsieur Copé s’en aperçoive.
Oui, la vie publique a besoin d’éthique, d’exemplarité, et les mandataires sociaux doivent être les premiers à enclencher le début d’un cercle vertueux dont on souhaite, ne le cachons pas, qu’il aille beaucoup plus loin. Rappelons-nous que, sur ce sujet et bien d’autres, les socialistes viennent de loin. Sans la campagne du Front de gauche et son idée d’imposer une échelle des salaires de 1 à 20, jamais le gouvernement Ayrault n’aurait inscrit à son agenda le sort des entreprises publiques. Encore un effort, et bientôt même la question des salaires des patrons du CAC 40 ne sera plus taboue !
Comme souvent, le secrétaire général de l’UMP aurait mieux fait de ne pas se laisser aller à ses songeries ambulatoires, qui, chez lui, ne produisent que de la pensée «pour les nuls». Réagissant à la décision gouvernementale, prise hier, de plafonner à 450 000 euros annuels les rémunérations des dirigeants des entreprises publiques, Jean-François Copé a qualifié «d’extrêmement hypocrite» ce dispositif, ajoutant, toujours «pour les nuls», qu’il singe décidément bien: «On fait semblant de régler les problèmes. C’est dans la catégorie “morale ostentatoire” pour dissimuler ce qui est moins moral. Pour moi, réduire les injustices, c’est permettre aux Français de gagner plus.» Même rengaine, mêmes mots. Travailler plus pour gagner plus, moraliser le capitalisme… Le CD était tellement rayé que les Français l’ont éjecté. Il serait temps que monsieur Copé s’en aperçoive.
Oui, la vie publique a besoin d’éthique, d’exemplarité, et les mandataires sociaux doivent être les premiers à enclencher le début d’un cercle vertueux dont on souhaite, ne le cachons pas, qu’il aille beaucoup plus loin. Rappelons-nous que, sur ce sujet et bien d’autres, les socialistes viennent de loin. Sans la campagne du Front de gauche et son idée d’imposer une échelle des salaires de 1 à 20, jamais le gouvernement Ayrault n’aurait inscrit à son agenda le sort des entreprises publiques. Encore un effort, et bientôt même la question des salaires des patrons du CAC 40 ne sera plus taboue !
samedi 9 juin 2012
Grec(s) : petit rappel à ceux qui ignorent l'Histoire...
Jadis, nos maîtres nous hurlaient aux oreilles: «Savez-vous ce que nous devons à la Grèce ? Tout!» Voilà bien le genre de phrase que n’ont pas dû entendre dans leur enfance ni Christine Lagarde ni Angela Merkel...
(A LA MEMOIRE DE JACQUES COUBARD lire ici
QUI CONNAISSAIT SI BIEN L'ART HELLENE...)
Grammaire. L’évidage de l’école républicaine, par tous ceux qui la nient ou en dévoient l’universalité, n’est pas sans conséquences: l’absence des classiques et des Illustres provoque fautes de sens et grossièretés historiques. Les valeurs de l’enseignement, dont nous étions jadis autant les débiteurs que les usufruitiers, dispensaient depuis les estrades cet art banal de la transmission qu’aucune contingence extérieure ne venait pervertir. Le «connais-toi toi-même» côtoyait l’«esprit sain dans un corps sain». Et quand il nous arrivait, non par renoncement mais par lassitude, de nous éloigner un peu du chemin triomphant de l’apprentissage des connaissances, les maîtres vous hurlaient aux oreilles: «Grammaire grecque! Grammaire grecque!» Et ils ajoutaient, sûrs d’eux: «Savez-vous ce que nous devons à la Grèce ? Tout!» Voilà bien le genre de phrase que n’ont pas dû entendre dans leur enfance ni Christine Lagarde ni Angela Merkel (pour ne citer que ces deux-là, la liste des salauds patentés étant trop exhaustive), tant leur arrogance et leur haine de la Grèce s’entendent à chacune de leurs interventions. Elles ont oublié que, en 1981, lorsque la Grèce adhéra à l’Europe, un certain Valéry Giscard d’Estaing avait demandé aux Français de l’accueillir telle notre «mère spirituelle». Le coauteur de la Constitution de 2005 s’en souvient-il lui-même, d’ailleurs? À l’époque, convoqués au banquet d’Histoire, nos cœurs battaient à la moindre évocation d’une civilisation vieille de vingt-cinq siècles, cela nécessitant un peu de sublimation. Les noms résonnaient en nous comme autant de mystères à déchiffrer, Homère, Platon, Socrate, Eschyle, Sophocle, Euripide, Thucydide, Aristophane, Pythagore, Aristote, Archimède, Hippocrate, tant d’autres… Alors, que doit-on à la Grèce?
Le Parthénon, principal temple d'Athènes. |
QUI CONNAISSAIT SI BIEN L'ART HELLENE...)
Grammaire. L’évidage de l’école républicaine, par tous ceux qui la nient ou en dévoient l’universalité, n’est pas sans conséquences: l’absence des classiques et des Illustres provoque fautes de sens et grossièretés historiques. Les valeurs de l’enseignement, dont nous étions jadis autant les débiteurs que les usufruitiers, dispensaient depuis les estrades cet art banal de la transmission qu’aucune contingence extérieure ne venait pervertir. Le «connais-toi toi-même» côtoyait l’«esprit sain dans un corps sain». Et quand il nous arrivait, non par renoncement mais par lassitude, de nous éloigner un peu du chemin triomphant de l’apprentissage des connaissances, les maîtres vous hurlaient aux oreilles: «Grammaire grecque! Grammaire grecque!» Et ils ajoutaient, sûrs d’eux: «Savez-vous ce que nous devons à la Grèce ? Tout!» Voilà bien le genre de phrase que n’ont pas dû entendre dans leur enfance ni Christine Lagarde ni Angela Merkel (pour ne citer que ces deux-là, la liste des salauds patentés étant trop exhaustive), tant leur arrogance et leur haine de la Grèce s’entendent à chacune de leurs interventions. Elles ont oublié que, en 1981, lorsque la Grèce adhéra à l’Europe, un certain Valéry Giscard d’Estaing avait demandé aux Français de l’accueillir telle notre «mère spirituelle». Le coauteur de la Constitution de 2005 s’en souvient-il lui-même, d’ailleurs? À l’époque, convoqués au banquet d’Histoire, nos cœurs battaient à la moindre évocation d’une civilisation vieille de vingt-cinq siècles, cela nécessitant un peu de sublimation. Les noms résonnaient en nous comme autant de mystères à déchiffrer, Homère, Platon, Socrate, Eschyle, Sophocle, Euripide, Thucydide, Aristophane, Pythagore, Aristote, Archimède, Hippocrate, tant d’autres… Alors, que doit-on à la Grèce?
vendredi 8 juin 2012
Retraites : et le courage de la volonté ?
Le dispositif adopté hier pour les retraites constitue un pas vers la justice réhabilitée. Un pas seulement.
La droite n’aime décidément pas les gestes de justice, quels qu’ils soient, modestes ou symboliquement forts. Hier, il fallait se contenir pour ne pas éprouver des haut-le-cœur en écoutant les réactions des pontes et autres ex-profiteurs de l’État-UMP, après l’annonce par le gouvernement que 110.000 personnes (seulement) allaient retrouver le droit de faire valoir leur départ à la retraite à 60 ans… Déchaîné, Jean-François Copé, déversant sa haine des travailleurs en souffrance: «Je veux alerter sur les folies qui sont en train de se préparer, nous n’avons pas le moindre euro pour financer ces cadeaux électoraux.» Apprécions au passage la délicatesse du langage. Pour le secrétaire général de l’UMP, potentiellement leader de la droite parlementaire, octroyer ou rétablir un droit équivaut forcément à un coup électoral, à un sourd calcul, histoire de caresser dans le sens du poil le bas peuple, qui, comme chacun le sait, n’a ni conscience ni âme pour apprécier par lui-même de quoi il retourne. Dès qu’elle entend «droits sociaux», la droite ferme ses coffres et sort ses flingues. Rien de neuf sous son ciel gris.
Le dispositif adopté hier par décret sur le retour partiel de la retraite à 60 ans pour les salariés ayant commencé à travailler à 18 ans, qui prévoit d’inclure dans la durée de cotisation deux trimestres pour les chômeurs et deux trimestres supplémentaires au titre de la maternité, est une bonne nouvelle pour les citoyens concernés. Penser ou dire le contraire est une infamie intellectuelle au regard de la pénibilité des parcours professionnels en question.
La droite n’aime décidément pas les gestes de justice, quels qu’ils soient, modestes ou symboliquement forts. Hier, il fallait se contenir pour ne pas éprouver des haut-le-cœur en écoutant les réactions des pontes et autres ex-profiteurs de l’État-UMP, après l’annonce par le gouvernement que 110.000 personnes (seulement) allaient retrouver le droit de faire valoir leur départ à la retraite à 60 ans… Déchaîné, Jean-François Copé, déversant sa haine des travailleurs en souffrance: «Je veux alerter sur les folies qui sont en train de se préparer, nous n’avons pas le moindre euro pour financer ces cadeaux électoraux.» Apprécions au passage la délicatesse du langage. Pour le secrétaire général de l’UMP, potentiellement leader de la droite parlementaire, octroyer ou rétablir un droit équivaut forcément à un coup électoral, à un sourd calcul, histoire de caresser dans le sens du poil le bas peuple, qui, comme chacun le sait, n’a ni conscience ni âme pour apprécier par lui-même de quoi il retourne. Dès qu’elle entend «droits sociaux», la droite ferme ses coffres et sort ses flingues. Rien de neuf sous son ciel gris.
Le dispositif adopté hier par décret sur le retour partiel de la retraite à 60 ans pour les salariés ayant commencé à travailler à 18 ans, qui prévoit d’inclure dans la durée de cotisation deux trimestres pour les chômeurs et deux trimestres supplémentaires au titre de la maternité, est une bonne nouvelle pour les citoyens concernés. Penser ou dire le contraire est une infamie intellectuelle au regard de la pénibilité des parcours professionnels en question.
samedi 2 juin 2012
Pour l'Education nationale? Les moyens et l'esprit
L’égalité républicaine, dont l’égalité des chances à l’école est l’une des sources inépuisables, ne se négocie pas.
Jacques Derrida, pour lequel l’enseignement eut un sens si ultime qu’il entretint avec cette profession une ardeur et un art absolu de la transmission, nous a légué l’un de ces concepts qui nous aident à regarder la réalité sans s’effacer derrière ses contraintes supposées: comment apprendre à passer «du peut être au doit être», sans jamais faillir ni avec sa volonté ni avec sa raison… Voilà très exactement ce à quoi est confronté le philosophe de formation et tout nouveau ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, qui a hérité d’un des secteurs les plus abîmés de la Sarkozye. Dans l’un de ses derniers livres, l’homme se proposait de «renouer les liens du politique à l’action et à la vérité». Difficile d’être plus ambitieux. À condition que « la vérité » ne devienne pas l’ennemie du changement: c’est le réel qu’on change, pas son interprétation.
Rude tâche. Car la situation de l’éducation nationale, rapportée aux anciens sermons de «principe de réalité» du prédécesseur Luc Chatel, est si grave que les acteurs ne laissent pas passer un seul jour sans réclamer des «mesures d’urgence» au nouveau gouvernement Ayrault. Nous le savons, les chiffres expliquant l’ampleur du carnage ont été maniés tellement de fois qu’ils semblent avoir perdu de leur puissance démonstratrice. Et pourtant.
Jacques Derrida, pour lequel l’enseignement eut un sens si ultime qu’il entretint avec cette profession une ardeur et un art absolu de la transmission, nous a légué l’un de ces concepts qui nous aident à regarder la réalité sans s’effacer derrière ses contraintes supposées: comment apprendre à passer «du peut être au doit être», sans jamais faillir ni avec sa volonté ni avec sa raison… Voilà très exactement ce à quoi est confronté le philosophe de formation et tout nouveau ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, qui a hérité d’un des secteurs les plus abîmés de la Sarkozye. Dans l’un de ses derniers livres, l’homme se proposait de «renouer les liens du politique à l’action et à la vérité». Difficile d’être plus ambitieux. À condition que « la vérité » ne devienne pas l’ennemie du changement: c’est le réel qu’on change, pas son interprétation.
Rude tâche. Car la situation de l’éducation nationale, rapportée aux anciens sermons de «principe de réalité» du prédécesseur Luc Chatel, est si grave que les acteurs ne laissent pas passer un seul jour sans réclamer des «mesures d’urgence» au nouveau gouvernement Ayrault. Nous le savons, les chiffres expliquant l’ampleur du carnage ont été maniés tellement de fois qu’ils semblent avoir perdu de leur puissance démonstratrice. Et pourtant.
vendredi 1 juin 2012
Le progrès est-il toujours une idée neuve ?
Progresser est toujours de l’ordre de la construction vers un idéal. Pour empêcher la planète de poursuivre sa course folle.
De quoi la gravité de la crise et les périls qui s’accumulent sont-ils le nom? Un mal, insidieux, nous vient immédiatement à l’esprit: tout optimisme du progrès serait devenu caduc… Ainsi, pris dans le tourbillon d’une histoire dont il ne maîtrise plus ni le périmètre ni les organismes décisionnaires, l’homme aurait cessé d’être le bénéficiaire de sa propre évolution pour devoir se mettre au service d’une logique technoscientifique et financière dont toute finalité humaniste a été gommée. Assistons-nous à une rupture philosophique de grande ampleur, pour ne pas dire de grands périls? L’idée même de progrès, qui puise sa source à la fin de la Renaissance, pendant les Lumières et au début de l’industrialisation, a toujours permis à nos sociétés d’approcher un idéal de réalisation. Jusque loin en arrière, les femmes et les hommes ont rarement douté que la mobilisation de l’intelligence humaine, de la science et de la technique assurerait à coup sûr un progrès de la prospérité et la condition du bonheur, sinon de tous, du moins du plus grand nombre. À défaut, les luttes sociales en constituaient une sorte de garantie. Mais depuis une décennie (un peu plus?), nos concitoyens tiennent la notion de progrès en respect, quand ils ne posent pas sur elle un regard totalement suspicieux, quitte à verser dans le pire conservatisme…
De quoi la gravité de la crise et les périls qui s’accumulent sont-ils le nom? Un mal, insidieux, nous vient immédiatement à l’esprit: tout optimisme du progrès serait devenu caduc… Ainsi, pris dans le tourbillon d’une histoire dont il ne maîtrise plus ni le périmètre ni les organismes décisionnaires, l’homme aurait cessé d’être le bénéficiaire de sa propre évolution pour devoir se mettre au service d’une logique technoscientifique et financière dont toute finalité humaniste a été gommée. Assistons-nous à une rupture philosophique de grande ampleur, pour ne pas dire de grands périls? L’idée même de progrès, qui puise sa source à la fin de la Renaissance, pendant les Lumières et au début de l’industrialisation, a toujours permis à nos sociétés d’approcher un idéal de réalisation. Jusque loin en arrière, les femmes et les hommes ont rarement douté que la mobilisation de l’intelligence humaine, de la science et de la technique assurerait à coup sûr un progrès de la prospérité et la condition du bonheur, sinon de tous, du moins du plus grand nombre. À défaut, les luttes sociales en constituaient une sorte de garantie. Mais depuis une décennie (un peu plus?), nos concitoyens tiennent la notion de progrès en respect, quand ils ne posent pas sur elle un regard totalement suspicieux, quitte à verser dans le pire conservatisme…
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