La droite n’aime décidément pas les gestes de justice, quels qu’ils soient, modestes ou symboliquement forts. Hier, il fallait se contenir pour ne pas éprouver des haut-le-cœur en écoutant les réactions des pontes et autres ex-profiteurs de l’État-UMP, après l’annonce par le gouvernement que 110.000 personnes (seulement) allaient retrouver le droit de faire valoir leur départ à la retraite à 60 ans… Déchaîné, Jean-François Copé, déversant sa haine des travailleurs en souffrance: «Je veux alerter sur les folies qui sont en train de se préparer, nous n’avons pas le moindre euro pour financer ces cadeaux électoraux.» Apprécions au passage la délicatesse du langage. Pour le secrétaire général de l’UMP, potentiellement leader de la droite parlementaire, octroyer ou rétablir un droit équivaut forcément à un coup électoral, à un sourd calcul, histoire de caresser dans le sens du poil le bas peuple, qui, comme chacun le sait, n’a ni conscience ni âme pour apprécier par lui-même de quoi il retourne. Dès qu’elle entend «droits sociaux», la droite ferme ses coffres et sort ses flingues. Rien de neuf sous son ciel gris.
Le dispositif adopté hier par décret sur le retour partiel de la retraite à 60 ans pour les salariés ayant commencé à travailler à 18 ans, qui prévoit d’inclure dans la durée de cotisation deux trimestres pour les chômeurs et deux trimestres supplémentaires au titre de la maternité, est une bonne nouvelle pour les citoyens concernés. Penser ou dire le contraire est une infamie intellectuelle au regard de la pénibilité des parcours professionnels en question.
Cette décision du gouvernement constitue donc un pas vers la justice réhabilitée. Mais un pas seulement. Il est en effet bien loin le temps où le Parti socialiste promettait de revenir sur la loi Fillon. Souvenons-nous. En mai 2011, le projet adopté à 95% par les militants stipulait: «Nous rétablirons l’âge légal à 60 ans et l’âge de départ sans décote à 65 ans.» Les mots ont un sens, désormais contourné. Mais ne jouons pas les naïfs. Arguant de la crise, François Hollande avait prévenu durant sa campagne, et les syndicalistes eux-mêmes, reçus à Matignon pour préparer la conférence sociale de juillet, s’attendaient à cette annonce étriquée, comme ils se préparent, déjà, à un petit «coup de pouce» en faveur du Smic…
Le président rencontre les syndicats. |
En politique, la prudence est parfois une vertu ; en période de crise sociale, les demi-mesures deviennent toujours des erreurs. Sortir Sarkozy du pouvoir était une étape. L’essentiel reste à faire, et il consiste à installer une majorité parlementaire de gauche ayant la volonté de ne pas dénaturer l’aspiration au changement. Ne tournons pas autour du pot. Plus nous élirons de députés du Front de gauche au sein de la future majorité, plus nous retrouverons l’impulsion d’une radicalité concrète dans chaque discussion à l’Assemblée, plus le courage de la volonté sera au rendez-vous du peuple, inspirant ou surveillant chacune des lois… La France ne mettra pas un terme au pouvoir des marchés financiers sans le Front de gauche.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 7 juin 2012.]
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