En politique, 1 + 1 ne font pas toujours 2. Emmanuel Macron et Angela Merkel doivent l’éprouver, après la signature unilatérale du nouveau traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle. Nous nous garderons de commenter la symbolique du lieu, non sans rappeler, néanmoins, que cette cité fut la capitale de Charlemagne, qui régna sur des territoires s’étendant aujourd’hui de Barcelone à Hambourg et de Biarritz à Budapest. Le constat, lui, n’atteint pas que les symboles, il touche en son cœur le projet d’unification du continent: le couple franco-allemand est en panne sèche, quant à l’Europe elle-même, elle se débat dans une crise si épouvantable qu’elle la menace de mort…
Relancer une Europe fracturée après le Brexit: le doux rêve du président français, présenté il y a moins de deux ans comme le héraut du continent par tous les libéraux, tombe à l’eau. Macron et Merkel veulent ainsi masquer la réalité. À l’heure des gilets jaunes et de la fin de règne annoncée de la chancelière, le moment est d’autant plus mal choisi que le contenu du traité en dit long sur les intentions du «couple» en question. Quelles réponses aux sujets brûlants? Aucune. Crise sociale, environnementale, accueil des migrants: leurs signatures viennent de parapher un bout de papier qui n’affiche aucune ambition progressiste capable de redonner un horizon unificateur aux peuples déboussolés, tous plus ou moins livrés aux vindictes extrémistes et/ou identitaires. C’est ainsi pure folie de replonger dans le péché originel, par l’article 20 du traité, qui annonce la création d’un Conseil franco-allemand d’experts chargés des «recommandations économiques», sans aucune légitimité démocratique, comme s’il fallait accepter que nous soit imposée une convergence avec les politiques austéritaires allemandes…
Pendant ce temps-là, Merkel et Macron ont réaffirmé leur volonté de faire naître à terme une «armée européenne». Mais quelle est donc cette histoire? S’ils pensent sauver l’Europe de la crise sociale, politique et institutionnelle en prônant des coopérations militaires et de défense, tout en dictant des choix économiques iniques, l’idée européenne continuera de se noyer dans l’ordolibéralisme, dont ils sont les dépositaires mortifères.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 23 janvier 2019.]
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