«Rêver, c’est le bonheur ; attendre, c’est la vie», disait Victor Hugo. Qui mieux que les retraités sait le prix du rêve et de l’attente? Qui mieux qu’eux connaît, jusqu’aux sacrifices les plus intimes, l’ampleur des gestes contraints qui s’engrènent tant bien que mal dans le bonheur rarement accessible d’une vie si difficile qu’elle en devient fardeau. Ce qu’ils furent ne compte pas. Ce qu’ils ont fait pour la collectivité, ce qu’ils ont aidé à bâtir, ce qu’ils ont inventé, créé par leur travail ou dans le secret de leurs familles, se trouve dévalorisé, nié ou oublié. Ils vivent mal, ils sont sous-payés, souvent très pauvres. Voilà le constat, douloureux, d’un pays en déliquescence sociale qui n’offre plus à ses anciens la tranquillité qui devrait leur être due. La société de droits a glissé dans celle du «minimum», minimum vieillesse, minimum vital, tous synonymes d’impossibilités.
Pour répliquer à cette honte (pour qui prétend aux valeurs républicaines) et dénoncer les pensions bloquées, les hausses d’impôts (par les moyens les plus scabreux), ces retraités étaient dans la rue, hier, à l’appel de neuf organisations syndicales et associatives. La colère déborde. Car la question des retraites se situe au point de convergence de toute notre organisation sociale… Le pouvoir d’achat des Français est attaqué de toutes parts. Celui des retraités –sur lequel repose désormais une solidarité générationnelle rendue obligatoire par la crise– est dans une situation désastreuse. Au nom de la réduction des déficits publics, le gouvernement, dans son prochain budget, va procéder à de nouveaux choix austéritaires qui frapperont de plein fouet les familles. Hier, dans les médias dominants, vous n’avez entendu qu’une seule information: la dette publique française a franchi les 2 000 milliards d’euros. Mais vous a-t-on précisé que l’Allemagne, érigée en modèle, détient toujours la plus importante dette de la zone euro, à 2 147 milliards? Pendant ce temps-là, François Hollande a préféré jouer la provocation: «Il n’y a pas de plan d’économie qui soit indolore sinon ça aurait déjà été fait.» Affligeant. Nous répondrons encore avec Victor Hugo: «Quand on est du peuple, on a toujours quelque chose sur le cœur.»
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 1er octobre 2014.]
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