lundi 1 octobre 2012

Malaise(s): le Qatar veut faire l'aumône dans les banlieues...

Le gouvernement a finalement accepté le projet polémique d’un fonds pour les banlieues, financé en grande partie par un émirat omniprésent en France...

Le PSG, version Qatar.
Vérité. Heurt de vérité. Connaissez-vous l’ultime cours au Collège de France de Michel Foucault? En parcourant l’intégralité de ce texte dans le Courage de la vérité (Gallimard-Seuil, 2009), il est frappant – pour ne pas dire admirable – de constater comment et pourquoi le philosophe s’assignait à lui-même les risques du «dire-vrai», dévoré, hanté par la vérité, non comme discours ou concept absolu, mais comme acte: ne pas feindre ou taire. Pour lui, dès lors, malgré l’aridité du procédé et les dangers à encourir, le philosophe doit devenir «missionnaire universel du genre humain», «médecin de tous», mais aussi homme du «scandale de la vérité», «agressif», celui qui va «secouer les gens, les convertir», qui veut «changer le monde» plutôt que de rendre les gens heureux.

Qatar. Qu’on se rassure, le bloc-noteur ne joue pas au philosophe enragé… Mais puisque la coïncidence fait genre et que ce texte tomba sous nos yeux précisément cette semaine, ce je-ne-sais-quoi d’appropriation méthodologique fut bien utile pour ne pas réfréner notre colère devant l’officialisation de la perfusion financière qatarienne pour les quartiers populaires. Vous l’avez vu comme nous. Le gouvernement a finalement accepté le projet polémique d’un fonds pour les banlieues, financé en grande partie par un émirat omniprésent en France. Et comme nous, forcément, vous vous êtes longuement interrogés sur l’interprétation à donner à cet étrange «feu vert» de l’État, en hésitant même sur le sens, donc l’ampleur, de votre éventuelle réaction épidermique. Rien de plus logique.
Notre hésitation tient à deux interrogations-réponses. Première interrogation: le Qatar investit dans le PSG et un grand nombre d’entreprises du CAC 40? Première réponse: ce n’est que de l’économie façon émirat et pétrodollars. Seconde interrogation: le Qatar rachète quelques grands palaces à Cannes, le Carlton, le Martinez, ou plus prestigieux encore, à Paris, le Concorde Lafayette, l’hôtel du Louvre, le Royal Monceau, l’hôtel Lambert, le centre de conférences Kléber, l’hôtel d’Évreux, l’immeuble Virgin des Champs-Élysées, le centre commercial Élysées 26, etc.? Seconde réponse: ce n’est que de l’investissement, qui préserve le grand luxe «à la française». Après tout, les Chinois rachètent bien tous nos grands crus disponibles à la vente… Ou comment la logique du marché a contaminé nos esprits malades. Par contre, que l’émirat du Qatar se pose en grand financier des banlieues de la République, voilà qui (r)éveille notre conscience au point de provoquer en nous comme un profond sentiment d’humiliation : la vérité est parfois une ligne de clivage…

Comme Sarkozy, Hollande a déroulé le tapis rouge...

Symbole. Arnaud Montebourg lui-même a d’ailleurs bien compris que le dossier ne concernait pas que des dizaines de millions d’euros, mais bien une symbolique toute républicaine assez sacrée pour ne pas la prendre à la légère: la France, cinquième puissance mondiale, pays d’Airbus, du Concorde et du TGV, a-t-elle besoin d’une petite péninsule du golfe Persique pour développer des projets d’avenir, précisément là où l’atomisation sociale est la plus ressentie, dans les quartiers défavorisés, là où l’égalité a reculé à mesure que refluaient certaines missions républicaines ? Pour faire avaler la pilule de ce que certains considèrent comme «la vente des banlieues à une puissance étrangère, de surcroît islamique», Montebourg a voulu clore une controverse politique en modifiant la nature du projet initié par Nicoléon en personne (sic). Le «fonds banlieue» voit ainsi ses contours et sa finalité retouchés. Désormais cofinancé à parité par l’État français et le privé à hauteur de 100 millions d’euros, il ne sera plus exclusivement orienté vers le soutien des projets d’entrepreneurs. Le cabinet du ministre l’explique en termes choisis: «Nous voulons décloisonner en y associant des entreprises françaises qui ont des intérêts économiques et commerciaux au Qatar.»

Statut. La poignée d’élus réunis au sein de l’Aneld (Association nationale des élus locaux pour la diversité), à l’origine de l’initiative, crie désormais au «détournement de millions». «Le Qatar dans les banlieues, c’est nous!», assure son président, Kamel Hamza, conseiller municipal UMP de La Courneuve. Question: l’émirat s’intéresse-t-il aux quartiers populaires par philanthropie ou parce qu’ils concentrent des populations héritières de l’immigration, souvent de culture musulmane, qui, entre nous, ont besoin de tout sauf d’aumône! Précision. Le Qatar bénéficie toujours, en France, d’un incroyable régime d’exonération fiscale de ses plus-values immobilières – statut dérogatoire accordé par Nicoléon au début de son mandat. Une «France plus juste», «moins de privilèges», etc. : ce n’était pas «maintenant» le changement?

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 28 septembre 2012.]

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Il n'y aura plus de pétrole au Qatar d'ici quelque décennies.
D'où ses investissements tous azimuts pour se constituer un capital de remplacement.
La France recense un vivier de plusieurs millions de consommateurs et amateurs de foot de confession musulmane.
Il faut être naïf pour ne pas voir où les Qataris veulent en arriver.