L’accaparement des terres, une autre forme de colonialisme.
Si l’accaparement des terres reste
un phénomène historiquement lié à la colonisation, l’actuelle course folle aux
surfaces cultivées se mêle directement aux structures nébuleuses du système
financier international – soutenues, évidemment, par certains États dont
beaucoup furent des colonisateurs. Jadis, des États s’appropriaient des
territoires entiers et contraignaient les soumis à travailler au profit des
intérêts occidentaux. De nos jours, les nouveaux maîtres siègent dans les
grandes tours de verre des capitales de l’industrie financière et agricole
internationale. Seule constante à travers les siècles: les populations locales
et la nature en subissent toujours les conséquences.
Au nom du «libéralisme
économique», les prédateurs de la haute finance du capitalisme globalisé ont
inventé une autre forme de colonialisme. L’accaparement des terres conduit à la
faim, à la pauvreté et à la violence. Plus de la moitié des transactions
foncières concernent des terres cultivables ancestrales, sur lesquelles des monocultures
destinées à l’export viennent remplacer les cultures vivrières des habitants,
qui perdent ainsi leur sécurité alimentaire. Qu’importe les droits humains et
l’environnement. Car, contrairement aux mensonges des spoliateurs, les
monocultures sacrifient des forêts, libérant du CO2 dans l’atmosphère et
détruisant la biodiversité. Double avantage pour ces «investisseurs» sans
scrupule: ils profitent d’abord de la vente du bois, puis de la culture de
palmiers à huile, de soja, de canne à sucre, de coton, etc.
Encouragés par les pays
industrialisés et les institutions financières internationales (Banque
mondiale, FMI, OMC, FAO), les fonds agricoles de grandes banques, les
compagnies d’assurances, les fonds spéculatifs, les fonds de pension et les multinationales
tirent bénéfice de la vente au rabais des ressources naturelles et des terres,
qui, depuis vingt ans, concerne environ 300 millions d’hectares sur la
planète, soit une zone plus vaste que toute la surface agricole utile d’Europe.
Les pays du Sud sont bien sûr les plus frappés, singulièrement l’Afrique:
60% des grands investissements mondiaux dans l’agriculture industrielle
concernent ce continent…
[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 4 avril 2023.]
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire