mercredi 18 mars 2020

Les damnés

Pour des millions de laissés-pour-compte, oubliés permanents de la société «ordinaire», la situation extraordinaire due à la pandémie de coronavirus devient soudain une urgence absolue...

Et depuis quelques jours, avec effroi, nous pensons aux sans-abri, aux mal-logés, aux migrants, aux personnes âgées dépendantes, aux plus démunis, aux pauvres, aux damnés de la terre de France… Pour des millions de laissés-pour-compte, oubliés permanents de la société «ordinaire», la situation extraordinaire due au coronavirus devient une urgence absolue qui met au défi l’humanité de tout un pays. Pour eux, la double peine est à l’œuvre, terrifiante. Quête de l’impossible, leur existence n’était déjà pas une vie. Depuis la crise sanitaire et le confinement, qui va enclencher une terreur sociale d’une ampleur sans doute inégalée dans notre histoire contemporaine, leur vie se résume à un seul mot: survie.

Si le moment se résumait encore aux polémiques de classes, nous écririons que, contrairement à la une des Échos, il ne s’agit pas de «sauver l’économie», mais bien de sauver les gens! Et de toutes les manières possibles. Bien sûr, Emmanuel Macron a, dans son allocution, évoqué «les plus précaires, les plus démunis, les personnes isolées (pour qui) nous ferons en sorte, avec les grandes associations, les collectivités locales et leurs services, qu’ils puissent être nourris, protégés, que les services que nous leur devons soient assurés». Propos louables en la circonstance. Mais l’appel à la solidarité citoyenne, importante, n’y suffira pas. Quant aux associations caritatives, privées de leurs bénévoles âgés, elles doivent fermer les accueils, réduire leurs aides: elles aussi appellent au secours. D’autant que la fermeture des restaurants et les mesures de confinement vont précariser davantage ceux qui se nourrissent d’invendus, quels qu’ils soient…

Des mairies progressistes montrent déjà l’exemple, distribuent des repas, viennent en aide à ceux qui vivent dans la rue et les bidonvilles, où ils courent le risque de contracter le Covid-19. Le gouvernement ne pourra se contenter de compter sur des associations à bout de souffle et des collectivités exsangues après des réductions monumentales de dotations de l’État. Gérald Darmanin, le ministre des Comptes publics, déclare: «On dépensera sans compter.» Même pour les oubliés? Même pour l’humain d’abord?


[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 19 mars 2020.]

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