La stratégie mortifère de Mac Macron…
Dupe. «Le chef de l’État se trouve embarqué dans la dramatisation et la polarisation», pouvions-nous lire cette semaine dans une chronique du quotidien le Monde, qui, comme nous, s’inquiète du face-à-face déjà programmé – et imposé dans l’espace public – entre le prince-président et Fifille-la-voilà. Notez bien les mots utilisés: «Le chef de l’État se trouve embarqué»… Comme s’il convenait de créditer l’idée selon laquelle Mac Macron ne serait pas entièrement responsable de son jeu de dupes qui consiste, depuis de nombreuses semaines, à choisir l’immigration comme thème principal du moment, donnant des signes – et plus que des signes – à l’électorat ultradroitier. Symboliquement, le plus emblématique restera le fameux «tête-à-tête» accordé au torchon idéologique Valeurs actuelles, dont la ligne éditoriale n’a d’autre visée que de rapprocher la droite et l’extrême droite, par tous les moyens, même les plus indignes. Comment Mac Macron, en toute conscience, a-t-il pu accepter un entretien avec cet organe de presse, sinon à des fins d’une perversité que l’Histoire jugera un jour? Dans de nombreux cercles républicains, bien au-delà du spectre de la gauche, l’affaire ne passe pas et continue d’émouvoir. D’autant que la parole présidentielle, sans être sacrée, était censée s’exprimer sur trois sujets présentés comme «essentiels»: l’immigration, le communautarisme et le voile. Des questions sur lesquelles l’hôte de l’Élysée a parfaitement le droit d’intervenir, cela va sans dire. Mais, dans le cas présent, l’«émetteur» est aussi important que le «récepteur». Inutile d’imaginer que l’interviewé ne savait pas ce qu’il faisait et à qui il s’adressait. Aucune excuse, donc. Cette entorse grave à l’esprit de la République par celui qui la représente résonnera longtemps comme une forfaiture. Albert Camus écrivait: «Un journal libre se mesure autant à ce qu’il dit qu’à ce qu’il ne dit pas.» Le bloc-noteur ajoutera: un homme digne se mesure autant à ce qu’il dit qu’à ce qu’il ne dit pas, et à qui il le dit!
Extrême. Triangulation: voilà la stratégie mortifère de Mac Macron. Mais pas n’importe laquelle. En science politique, la triangulation désigne le fait pour une personnalité politique de présenter son idéologie comme étant « au-dessus et entre » la droite et la gauche de l’échiquier politique. Dans le cas qui nous occupe, l’objectif est double. Primo: en vue de 2022, Mac Macron a définitivement choisi sa martingale, elle s’appelle Fifille-la-voilà, quitte à brosser dans le sens du poil tous les poujados-nationalistes et leur dresser un tapis rouge. Secundo: une partie de l’électorat «stratégique» de second tour se situe du côté de l’électorat de feu François Fillon, dont une partie a depuis rallié LaREM, alors que l’autre hésite de moins en moins à basculer dans l’extrême droite ou ses variantes. Depuis la rentrée, Mac Macron les drague ouvertement, quitte à établir des dispositifs anti-immigrés odieux – quotas, délai de carence pour l’accès aux soins, etc. Nicoléon en avait rêvé, Mac Macron le réalise: son «immigration choisie» singe les thèses migratoires prônées par la droite extrême. Du coup, même le Monde s’interroge: «Le jeu n’est cependant pas sans risque, car, sous couvert de les combattre, la triangulation ainsi opérée peut, au contraire, aboutir à les valoriser.» Résultat? Fifille-la-voilà et ses affidés n’ont même plus besoin de parler, d’autres portent à leur place leurs thématiques identitaires. Le bloc-noteur n’ira pas jusqu’à théoriser la formule d’un de ses amis écrivains: «Dans le paysage médiatico-idéologique, en pleine saturation, c’est Marine Macron et Emmanuel Le Pen.»
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 8 novembre 2019.]
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire