Libertés. Justice, démocratie, égalité: combien de temps faudra-t-il à une société comme la nôtre, traumatisée au point de perdre temporairement quelques-uns de ses repères fondamentaux, pour qu’elle reprenne souffle, passion et raison, qu’elle atténue l’ampleur d’un choc qui déborde de loin tout ce à quoi nous avions été habitués dans notre histoire contemporaine? Les répliques, individuelles et collectives, ne manqueront pas. Certaines sont déjà à l’œuvre, là sous nos yeux encore embués, devant nos corps meurtris sur lesquels pantelle une émotion pour l’heure insurmontable. Cette émotion chargée de peurs, il conviendrait pourtant de la mettre à distance, non pour la chasser –qu’y aurait-il à oublier?– mais bien pour la déconstruire et la transformer en une force ferme sur ses principes. Depuis deux semaines, nous ne vivons que par l’entremise d’une double injonction dont on voudrait nous faire croire qu’il est un horizon indépassable: la guerre et l’état d’urgence. Traduction: l’esprit de vengeance et des libertés amoindries. Dans les deux cas, le temps politique est aux coups de menton, aux claquements de talons, aux certitudes abruptes, aux tentations de l’idéologie sécuritaire, aux discours guerriers, aux ordres hurlés. Les sondages réalisés au paroxysme de notre trouble prolifèrent. L’exécutif a calé sa ligne sur eux. Et après?
Démocratie. Vu les circonstances, le combat contre l’horreur constituée en proto-État par Daech doit prendre une forme militaire. Ceux qui pensent le contraire se bercent d’illusions. Néanmoins, le danger est grand d’en rester là. Normal Ier parle d’«état de guerre».