vendredi 5 septembre 2014

Anachronisme(s) : à propos d'un ministre banquier

Avec Emmanuel Macron, le libéral reste d’abord libéral. Socialiste ou non. Ou plutôt non-socialiste.
 
Macron. Surtout, n’y voir aucune improvisation. Si la nomination à Bercy d’Emmanuel Macron fut accouchée lors d’une crise gouvernementale d’été aussi imprévue que spectaculaire, son atterrissage à l’un des postes clés, l’économie, n’a rien d’un anachronisme dans la Hollandie quinquennale. Énarque comme son mentor, proche de Jacques Attali et de Jean-Pierre Jouyet, pour lequel «c’est le meilleur d’entre nous» (sic), l’ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée, qui se rêvait, à trente-six ans, en secrétaire d’État au Budget, arrive donc comme un point d’exclamation au milieu du sauve-qui-peut, répondant, par son seul profil, à l’une des interrogations des socialistes concernant l’identité de l’exécutif: le social-libéralisme de Normal Ier a bel et bien choisi son camp. Sans doute définitivement. Celui de la finance, des banquiers, du libéralisme à tout-va, du pacte avec le patronat, bref, de cette gauche dite «de gauche» et qui se prétend encore «de gauche» en se targuant de « modernité » pour justifier la régression sociale et la réduction constante du périmètre de la République dans ses prérogatives jadis sacrées. Emmanuel Macron explique qu’il «n’est pas interdit d’être de gauche et de bon sens». 
Cet ancien collaborateur du philosophe Paul Ricœur aurait ainsi le pragmatisme chevillé à ses convictions, la foi rudimentaire des petits notaires de province, alors que, depuis son passage remarqué à la banque Rothschild (où il pilota le rachat par Nestlé d’une filiale de Pfizer, une transaction de plus de 9 milliards d’euros qui fit de lui un millionnaire), il côtoie la haute et affirme, comme pour s’en convaincre ou se justifier: «L’argent ne doit pas être identitaire. C’est un instrument de liberté, sans plus.» Autant de lieux communs façon « je vous rassure » pourraient faire peur, si le CV et le parcours ne tenaient lieu de carte de visite pour CAC 40 à défaut de blanc-seing pour le peuple. «Être de gauche, c’est être efficace, responsable, ce n’est pas prendre une posture.» Ou encore: «Être de gauche, c’est être davantage du côté du risque que de la rente.» Avant de s’engager aux côtés de Hollande, le jeune énarque avait été approché par l’équipe de Nicoléon, en 2007. On ne saura jamais s’il a vraiment hésité. Après tout le libéral reste d’abord libéral. Qu’il soit socialiste ou non. Ou plutôt non-socialiste, ce qui doit être le cas.
 
Ni-ni. Le multicarte Christophe Barbier, croyez-le ou non, parvient cette semaine à peu près à la même conclusion que nous. «Ni première, ni deuxième, ni troisième: c’est la non-gauche qui apparaît», suggère-t-il à propos du gouvernement Valls 2. Il écrit également dans son édito de l’Express: «L’auteur fétiche du PS était Émile Zola, c’est désormais Frédéric Beigbeder. Aujourd’hui, les citoyens, même s’ils votent à gauche, ne pensent plus leur vie quotidienne selon les préceptes du socialisme, tandis que la gauche au pouvoir affirme s’occuper de classes sociales qui ne se préoccupent plus d’elles.» Passons sur Beigbeder, dont la disgrâce peut paraître très légitime à ceux qui ne lisent jamais de roman et n’en restent qu’à l’écume germanopratine certes écœurante et dispendieuse, allons à l’essentiel. Le constat de Christophe Barbier est erroné sur un point essentiel: ce sont surtout certaines élites du PS qui ne pensent plus leur vie quotidienne selon les préceptes du socialisme. Pour la plupart héritiers de la grande bourgeoisie – celle qui n’interroge jamais les lendemains difficiles, puisqu’il s’agit pour elle d’un oxymore –, leur existence dorée sur tranches n’a qu’un lointain rapport avec le quotidien de ceux qu’ils aspirent représenter. Alors forcément, pourquoi envisageraient-ils pour les citoyens une visée socialiste dont ils n’ont ni le souvenir ni la pratique, au point de se demander s’ils en ont acquis un jour la simple théorie?
 
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 5 septembre 2014.]

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Emmanuel Macron, explique qu’il n’est pas interdit d’être de gauche et de bon sens...
Article impitoyable pour le concerné. L'écriture trahit la pensée et traduit l'orientation politique ( d'une manière concrète, les idées de la Gauche française n'ont pas la faculté ni la lucidité de bien juger le sens commun ). La phrase du citoyen Emmanuel Macron, le situe sans brouillamini à la droite de l'hémicycle.

Anonyme a dit…

Emmanuel Macron, explique qu’il n’est pas interdit d’être de gauche et de bon sens...
Article impitoyable pour le concerné. L'écriture trahit la pensée et traduit l'orientation politique ( d'une manière concrète, les idées de la Gauche française n'ont pas la faculté ni la lucidité de bien juger le sens commun ). La phrase du citoyen Emmanuel Macron, le situe sans brouillamini à la droite de l'hémicycle.

Anonyme a dit…

Emmanuel Macron, explique qu’il n’est pas interdit d’être de gauche et de bon sens...
Article impitoyable pour le concerné. L'écriture trahit la pensée et traduit l'orientation politique ( d'une manière concrète, les idées de la Gauche française n'ont pas la faculté ni la lucidité de bien juger le sens commun ). La phrase du citoyen Emmanuel Macron, le situe sans brouillamini à la droite de l'hémicycle.