jeudi 15 décembre 2011

Souveraineté(s) : pourquoi il s'agit d'un combat de gauche

Septembre 1792 : la bataille de Valmy...
A cause de la «lepénisation des esprits», il serait dangereux de parler de souveraineté «nationale» ou «populaire». Refusons cette logique absurde !

Hors-sol. Faut-il toujours «se vouer à» pour pouvoir demeurer «dans»? Nous sommes, nous autres Français, héritiers d’une terre ferme martelée par l’histoire. Nous entretenons même avec les limites de cette terre «une et indivisible» un rapport si émotionnel que le symbolique voisine avec le sacré. Les hommes en ont forgé la matrice. Du traité de Nimègue à l’universalité du Code civil, de Valmy au Conseil national de la Résistance, de Robespierre à Jaurès, de Jean Moulin à de Gaulle, de la Révolution au Front populaire, nous parlons depuis «le sol sacré de la patrie» avec au cœur et à l’âme d’autant plus de vulnérabilités que le consommer-monde a remplacé l’esprit de nos cantons et l’horizon de nos clochers. Ce que nous portons, nous les descendants de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne peut rester encoffré aux Archives nationales avant mise en dépôt au mont-de-piété. Si le hors-sol nous guette, les no man’s land nous troublent. Quand nous ne savons plus qui nous sommes, ce que nous avons fait pour le devenir, ce que nous voulons faire et ce que nous sommes capables de décider pour notre à-venir, sommes-nous encore ce que nous croyons être et, tout aussi grave, sommes-nous déjà «mal» avec tout le monde?

Nôtres. Ainsi, oser parler encore de souveraineté serait «dangereux» car mécaniquement synonyme de «repli national», voire pire. L’éditocrate libéral – qui lui non plus n’a plus de frontières – l’exige. «Souveraineté nationale» : expression interdite. «Souveraineté(s) populaire(s)»: formule à peu près acceptable, mais à usage limité et seulement au pluriel… Et à votre avis, pourquoi serions-nous soumis à cette restriction de langage? En raison de la «lepénisation des esprits», pardi. Comme si la question de la patrie et de la nation devait être considérée désormais comme un sujet préempté par les nationalistes… Ce serait donc cela? Au prétexte que l’extrême droite capitalise sur ce thème, mange à tous les râteliers et n’hésite pas à opérer des virages doctrinaux à 180 degrés (passant de l’ultralibéralisme des années 1980 au tout-social d’aujourd’hui) pour mieux piller (et outrageusement déformer) des idées de la gauche de transformation, il faudrait en rabattre sur nos prétentions?

Refus. Avant de déserter un terrain certes envahi par les lepénistes et afin d’éviter une contradiction performative fatale, n’oublions pas que la référence systématique au FN à propos du drapeau, de la Marseillaise ou de la nation est à coup sûr 
le meilleur moyen de l’installer dans la position de centralité, dont, à juste titre, nous voudrions par ailleurs l’écarter… La souveraineté populaire, qui fraye avec l’émancipation sociale, est un combat de gauche, authentiquement de gauche, comme le furent l’anticolonialisme et le droit à l’autodétermination des peuples. Le FN n’a rien à voir avec cette histoire. Alors cessons de le transformer en arbitre intempestif et pollueur de nos débats et continuons d’imposer les thèmes qui nous intéressent car ils sont nôtres. Et refusons l’alternative absurde: le monde mondialisé et globalisé ou la nation archaïque…

Asservissement. Mondialisation: désigne un état du monde où les externalités ont atteint de telles portées et de telles intensités qu’elles rendent nécessaires des formes de gestion supranationales. Globalisation: désigne le processus de gouvernance mondiale visant à la déréglementation du plus grand nombre de marchés possibles avec la plus grande extension possible. La mondialisation des techniques et des échanges permet l’hégémonie de la gouvernance globale. Question: que signifient aujourd’hui vouloir réduire les flux de marchandises et de capitaux, relocaliser les systèmes productifs, stopper la concurrence entre travailleurs du monde, valoriser la diversité des savoirs et des pratiques sociales, assurer la souveraineté alimentaire des peuples ? Est-ce «démondialiser»? Est-ce «déglobaliser»? Est-ce reconquérir «de la» souveraineté? Et vouloir «produire français», est-ce revendiquer cette souveraineté? Nous le constatons, la modernité de l’idée même de souveraineté, au sens conceptuel du terme, ne peut être balayée du jour au lendemain. Pour toute communauté humaine, être maître de son destin reste constitutif de son horizon historique et politique, l’une des données cardinales. Ignorer cet invariant dans le temps-long ou, plus grave, le bafouer sans autre possibilité que d’assister à la dépossession progressive de son être-collectif sans aucune proposition de re-création (mais laquelle justement?) constitue une forme d’humiliation. Pour ne pas dire un asservissement. Le peuple français, fils des luttes et des places de grève, enfant de Jaurès et d’Hugo, acceptera-t-il encore longtemps de ne plus orienter lui-même ses éléments fondamentaux?

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 16 décembre 2011.]
(A plus tard...)

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Mon dieu, voilà un texte qui fait bien plaisir à lire dans notre Huma. Enfin les communistes de l'Huma reprennent les vrais sujets à leur compte. Merci pour ça.

Anonyme a dit…

Grand bonheur de lecture : vive la France !

Anonyme a dit…

Un simple commentaire.

La re-con-quête (littéralement: le nouvel effort de recherche collective et concertée ) de souveraineté signifierait en quelque sorte la reconstruction de l'État de Justice , l'État-Maître de Justice.
Ce qu'il n'est plus vraiment dans le contexte mondial actuel de la réféodalisation des États occidentaux et de leur participation à la guerre mondiale de reconquête économique, politique et culturelle des marchés locaux et nationaux.
Une guerre coûteuse en vies humaines dans les pays conquis (Irak, Afghanistan, Libye, Syrie, Palestine etc...) et en déréliction subjective dans les pays conquerrants.
La Révolution française dit quelque part Dostoïevski après avoir visité la France aura été une "gaminerie". Certes, dans l'imaginaire des Français elle compte comme aurait dit Mirabeau. Mais elle a reconduit ou restauré l'État Souverain pontifical, l'État "codificateur" (donneurs de juges) , guerrier et colonisteur. Et aujourd'hui l'État gestionnaire, néo-libéral, asservi à la dictature invisible des marchés. (Et cette dictature-là les Français se gardent bien de la détruire).

Une Révolution nouvelle s'impose, donc. Qui consistera à restituer au Peuple (populus ou démos) le pouvoir de rendre la Justice (son dû à chacun, quelque soit sa condition et son origine) et de ne pas commettre l'injustice ou l'irréparable dans les États voisins et concurrents. (d'où la nécessité d'instances supra-nationales, une ONU réformée et non à la botte des États-Unis, de leurs pétroliers et marchands d'armes).

On peut appeler cette révolution ou cette démocratie à venir du mot communisme.

Anonyme a dit…

Qu'est ce que la souveraineté? c'est un titre (Summus pontifex) attribué aux empereurs romains jusque vers 380. Un titre ça fonde une propriété et surtout c'est une référenciation. En inscrivant le nom , prénom et sexe de l'enfant sur un registre d'État civil le magistrat accomplit le geste prototypique de souveraineté in nomine (dans le nom de) de la République.
Le Président de la République l'est en vertu de la même opération d'écriture.
On a là une indication essentielle. La guerre civile entre les citoyens, les associations, les partis, les classes, les sectes, les ethnies, les races, les corporations, etc., est une guerre de textes.
Il suffit pour s'en convaincre de lire les commentaires (comment taire?) sur le site de l'Huma du texte de J.E Ducoin.
D'ailleurs cette guerre commence dès la naissance. De nos jours les individus-souverains s'affrontent à l'État-Souverain pour choisir leur Nom et leur Sexe.
La Souveraineté est éclatée, fragmentée, dispersée aux quatres vents.
La cause de tout ça est la guerre des Textes sur la planète errante.
La civilisation européenne (civilisation: empire du Droit civil, la fameuse "ratio scripta") affronte d'autres Textes. Elle livre partout sur la planète une guerre de conquête et d'élimination des autres cultures, des autres textes.
Cette guerre a un coût. Elle suppose des sacrifices.
Il y a un siècle l'Europe s'apprêtait au premier conflit mondial. Il fallait tuer la référence autre figurée par le "Boche".
L'humanité n'en finira jamais avec ce mal qui ronge chacun d'entre nous: la passion meurtrière que canalise et métabolise en temps normal les dispositifs de la civilisation et de la culture.
Il est clair que l'État de la République française n'est plus en mesure ne serait-ce qu'à l'école de civiliser ses propres sujets.
La société française se désintègre. Non seulement elle n'intègre plus les étrangers mais elle n'intègre plus ses propres nationaux.
La Tunisienne Hélé Béji: l'européen est lui-même en exil dans sa société.
Des dizaines de candidats se présentent pour recueillir les suffrages de leurs compatriotes, pour figurer le "summus pontifex" après Nicolas Sarkozi...JL Mélenchon en fait partie qui, lorsqu'il tient meeting, nul ne peut dire Au nom de qui il parle, en son nom propre ou au nom de ce collectif improbable du "Front de Gauche"...
On croyait la guerre des classes apaisée. Elle reprend de la vigueur mais sous des formes ultra-violentes nouvelles. Plus violentes que jamais.

Anonyme a dit…

!!! (Fransa Bildirisi)!!!

Sen Kimsin Fransa? Cezayirde, Afrikada ve bir çok ülkede kanınını emercesine topraklarını sömürüp kene gibi halkların kanlarını emen Allah korkusunu içinde barındırmayan!!! Sen Kimsin ki meclisinde karar alıp olmayan bir tarihi yazmaya çalışıyorsun...

Unutma Fransa Unutma....

Bu Ülke alacağın 3-5 kararla kurulup yıkılmadı....

Ecdadına dön bak ne göreceksin zamanında Almanlardan korktuğun için yeniçeri kıyafeti giydiğin günleri unutma...

Merak etme giydiğin o kıyafeti şimdi 1923Turk Grup Giydirecek sana...

Türk Irkı Sağ Olsun


Genel Kurmay Daire Başkanlığı

[img]http://img121.imageshack.us/img121/6707/18392769.gif[/img]

Anonyme a dit…

la "matèrialisation" des corps et des esprits voulue par les politiques (socialisme néo-libéral et droite(s) ultra-libérales) qui tente de transformer l'Homme en machine à consommer et en robot ménager le détruit car il n'est pas fait pour ne servir que le dieu fric comme tel est le cas aujourd'hui...il faut redonner sa place à l'humain...toutes les grandes civilisations ont disparu en procédant ainsi...on a atteint l'imbecillité absolue : prôner la libre circulation des marchandises en interdisant celle des "étrangers" donc des hommes! on ne marche plus sur la terre mais sur la tête! merci infiniment, JED, pour votre lucidité et votre clairvoyance rare...de toute façon les grandes révoltes viendront dans ce pays comme ailleurs...la roue tourne, si j'ose dire....PAT

Anonyme a dit…

Oh oui, enfin !!!! enfin un journaliste de l'Huma ose parler de souveraineté sans peur. Ca fait du bien. Comme quoi, quand un journaliste est aussi un écrivain, il redevient un homme libre.