vendredi 19 novembre 2010

Nouveau gouvernement, ou la gangrène sarkozyste...

«Le sol d’une nation où fleurit l’immoralité n’est pas de granit, mais de sable.» Avant de se rendre à Colombey, la semaine dernière, pour piller l’héritage du général, Nicolas Sarkozy aurait dû relire quelques passages de Vercors, en particulier l’un de ses textes de janvier 1945 intitulé la Gangrène… D’ordinaire, dans notre vieux pays qui «vient du fond des âges», comme disait de Gaulle, les mots engagent autant que les actes. Or, il y a tout juste une semaine, lors de son discours, la vedette du Fouquet’s ne prenait sans doute pas conscience de ce qu’elle lisait à toute la nation recueillie : de Gaulle «avait montré que l’on pouvait aspirer à la grandeur de son pays sans jamais asservir les autres» ; «jamais le sentiment national ne s’était confondu chez lui avec la tentation du repliement» ; «il avait voulu que le chef de l’État soit l’homme de la nation et non d’un parti» ; «décider sur le seul critère de l’intérêt général»...

Relire ces phrases au lendemain de la nomination de son nouveau commando paraît bien cruel pour le monarque élu. C’est pourtant la signature, une fois encore, de son style de gouvernance et du caractère grossier et brutal de son projet ultralibéral. Mensonges et injustices. Tandis qu’il s’apprête à gouverner le G20 «main dans la main», selon ses propres mots, avec le patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn, Nicolas Sarkozy a donc décidé de presser le pas de sa guerre de classes. Comme si le temps lui manquait. Comme si le sale boulot contre le peuple réclamait ni répit ni sentiments… Depuis l’été, les éditocrates nous avaient affirmé qu’il envisageait une pause dans les réformes sous la forme d’un «virage social». Fumisterie ! Exit le «nouveau gouvernement» dont l’audace nous avait été prévendue depuis des mois ! Place à un remaniement de campagne, avec son cortège d’idéologues – plus nombreux qu’hier, c’est dire si le pire est peut-être encore devant nous...

On peut penser à juste titre que les «surprises» de ce casting n’en sont pas, que la mise en scène imaginée par le Palais a de quoi nous faire sourire. Mais ne perdons pas de vue que cette équipe de combat, ultradroitière, rassemble des doctrinaires qui font froid dans le dos. L’arrivée des «aboyeurs», Lefèbvre, Lellouche et Mariani, récompensés pour leur zèle outrancier et souvent ordurier, témoigne que les dix-huit mois à venir seront pavés d’infamies, avec pour but de draguer l’électorat frontiste – non seulement par mimétisme avec le FN, mais aussi par conviction. Besson et Hortefeux se sentiront moins seuls. Rappelons à ce propos que le ministre de l’Intérieur, toujours installé place Beauvau malgré sa condamnation en première instance pour injure raciale, récupère au passage le portefeuille de «l’immigration». Un symbole de plus.

Sarkozy n’a jamais été l’homme «de la rupture» mais le serviteur d’une «fuite en avant» autoritaire, le serviteur des puissants de la finance et du Medef, d’une vision clanique de la société, des copains et des coquins… Qui en doute alors qu’il vient de fermer la porte aux attentes populaires, exprimées depuis des mois sur tous les tons et à tous les âges, jusque dans les tréfonds de ce pays en révolte ? On nous dit, avec une assurance crâne, que «Sarkozy a perdu la main», que Fillon «devient un hyper premier ministre», que «Borloo sera un adversaire». La belle affaire. Qui tire(ra) vraiment les ficelles sinon le président lui-même, comme il le montrera dès ce soir, en direct, sur trois chaînes de télévision ? Ne l’oublions pas. Si Sarkozy est aujourd’hui affaibli, ce n’est pas à cause de son camp mais grâce au mouvement social, qui a réussi à le placer sous surveillance. Seul le peuple peut s’opposer à cette gangrène mortifère qu’on nomme le «sarkozysme».

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 16 novembre 2010.]

(A plus tard...)

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Est-ce que l’Elysée s’affole ou s’étiole ? C’est la question qui tue pour tous ceux qui prétendent que le Président a perdu sa stature et son statut ? Qu’il a eu droit à toutes les balles perdues du dehors comme du dedans avec une prime au passage : une chute sans précédent dans les sondages ! Sur toutes les chaînes ce sont les mêmes questions qui s’enchainent : La fifille à Delors ou la fifille à Le Pen ne risquent – elles pas de profiter de cette aubaine ? Vont-elles remonter sur la balance et peser sur l’avenir des français qui risquent de perdre leur nationalité ? Rien n’est moins sûr parce que les temps sont durs pour tous les dirigeants, qu’ils soient gentils ou méchants! Quant à la marge de manœuvre des prétendants, elle est plus que jamais réduite aux caprices du vent ! Y a plus rien à faire : à part, expédier les affaires courantes ou créer de nouveaux expédients pour noyer le poisson qui n’arrive plus à survivre dans le bocal de l’Etat nation. Pour toute future gouvernance il n’y aura pas de bain de jouvence parce que le monde a trop vieilli et les hommes n’ont plus la moindre envie de se battre pour une cause déjà perdue !

Anonyme a dit…

Jean-Paul Piérot, l'autre jour dans l'Humanité, a écrit: "La propagande d’État n’a jamais pu empêcher durablement les changements politiques." Certes, mais on a envie d'ajouter: elle n'a jamais pu changer le système capitaliste, qui, lui, se porte mieux que jamais!
En aucun cas les changements politiques (l'alternance) ne rompent avec la logique productive d'un système. Ils sont même la fabrique théâtrale des illusions dont se nourrit le pouvoir:
Si les communistes luttent pour des changements politiques et non pour des changements de logique productive des illusions politiques, alors, où va-t-on?
Je préfère la virulence de Ducoin, qui, au moins, dit les choses clairement !!!
MERCI

Anonyme a dit…

Totalement d'accord avec l'article : le pire est encore devant nous avec le renfort d'extrême droite qui nous prépare une dictature autoritaire, ultra libérale.
A mon avis le chef d'orchestre n'est pas sarkosi il n'est qu'une marionnette entre les mains de la finance. Celle ci l'envoi au "casse pipe" et,comme d'habitude, met un deuxième fer au feu avec borloo. Les socialistes refuseront l'affrontement. La vraie gauche est totalement ignorée dans les médiats. Il reste le peuple qui ne doit pas, une nouvelle fois, se laisser duper par le P.S. ou un prétendu centre après les belles luttes qu'il vient de mener.

Anonyme a dit…

Il n'est tolérable que, par une petite phrase assassine, vous associez DSK à cette bande de malfaiteurs.
Si la gauche n'est pas plus souvent au pouvoir, ce n'est pas la faute de la droite, mais de la division de la gauche.
DSK n'est pas assez à gauche ? Pour être admis par vous il devrait être communiste ? Pourquoi vous n'êtes pas plus nombreux ?

Anonyme a dit…

Ah, enfin le retour du terme de "guerre de classe" dans un édito de l'Huma ! Pas pour le plaisir de le lire mais comme examen clinique d'une réalité concrète.
deux décennies au moins qu'on attend cela ici.
Bon signe et surtout à développer, développer encore et Vaillant Couturier ou Cachin s'y retrouveront.
A suivre...
par C@n@ille le Rouge

Anonyme a dit…

Le président devrait tout d'abord se faire psycanaliser, c'est un conseil que je lui soumets. Avoir un raisonnement par l'absurde pour démontrer qu'il est coupable en rien et traiter de pédophile un journaliste, nous plongeons directement au pays de kafka. La France, en élisant Sarkosy président , mérite ce qui lui arrive aujourd'hui et le pire est à venir avec un Sarkosy qui n'est pas maitre de ses nerfs qui n'a que l'incompétence des arrivistes comme seule qualité et sa fuite en avant comme seule sortie de secours.