Depuis La Planche-des-Belles-Filles (Haute-Saône).
Commençons par une évidence: inutile d’évoquer ici les perdants du jour, ils sont tellement nombreux qu’un annuaire ne suffirait à l’énumération. Entre Tomblaine, dans les faubourgs de Nancy, et l’arrivée au sommet de la montée inédite de La Planche des Belle Filles, un peu au-dessus de 1000 mètres d’altitude, le chronicoeur, un rien étonné, admettons-le, a assisté ce samedi 7 juillet à un écrémage en règle façon grands tours de manivelles et cuisine au beurre. A l’origine de ce premier fracas du peloton 2012, l’équipe Sky de Bradley Wiggins. Pris dans leurs petits pronostics du matin, beaucoup de suiveurs avaient la certitude que le Britannique, grand favori du Tour, ne ferait rien pour s’emparer du maillot jaune trop tôt. Les circonstances ont contredit cette hypothèse.
Dès le tout début de la rampe de la première grande difficulté du Tour, une montée de 6 km à 6,4% de moyenne, classée en 1re catégorie, nous avons constaté ce que nous redoutions: l’équipe Sky est non seulement au rendez-vous, mais elle est bel et bien en posture d’hégémonie, à l’heure où les choses sérieuses débutent, enfin. Avec Wiggins, Boasson Hagen, Cevendish, Eisel, Froome, Knees, Porte, Rogers et Siutsou (ce dernier a abandonné), le team dirigé par Sean Yates avait de quoi provoquer quelques frayeurs: elle fait cette fois carrément peur. En menant grand train durant toute l’ascension avec cinq de ses équipiers, sans que, à aucun moment, un coureur d’une autre équipe puisse attaquer ou en ait le courage, Bradley Wiggins a ainsi montré qu’il disposait autour de lui d’une armada capable de tuer le suspense. En quelques kilomètres, l’Anglais a donc fait main basse sur le Maillot Jaune à deux jours du premier chrono du Tour (41 km!), où il pourrait creuser de grands écarts.
A l'arrivée de La Planche-des-Belles-Filles, ascension courte mais franche, le nouveau boss du Tour est arrivé avec les deux autres favoris, Cadel Evans (BMC) et Vincenzo Nibali (Liquigas), qui n'ont pas cherché à le provoquer. Les trois hommes, d’ores et déjà lancé dans la bataille pour le podium, ont quand même été devancés par Chris Froome, l’équipier de « Wiggo », à la fois poisson-pilote et vainqueur d’étape… Wiggins, qui n'a jamais semblé en difficulté, prend le Maillot à Fabian Cancellara (RadioShack), lâché sans surprise dans cette côte vosgienne de six kilomètres: il n’a pas été le seul…
Christopher Froome. |
Car l'ascension a provoqué des dégâts plus importants qu’imaginés: dix coureurs seulement dans la même minute… Alejandro Valverde (Movistar), Jurgen Van den Broeck (Lotto-Belisol), Jérôme Coppel (Saur-Sojasun), Robert Gesink (Rabobank), Andres Klöden (RadioShack), Levi Leipheimer (OPQS) et l'un des favoris pour la victoire d'étape, Samuel Sanchez (Euskaltel), ont rapidement été distancés par le train des Sky. Denis Menchov (Katusha) et Pierre Rolland (Europcar) n'ont, eux, lâché prise qu’à deux kilomètres du sommet. Signalons que l’étape a été longtemps animée par une échappée lancée dès le kilomètre 13, qui a compté jusqu'à 5'50" d'avance, et dont le dernier membre, Chris-Anker Sorensen (Saxo Bank), a été repris juste après le début de l'ascension.
Tout là-haut, sous un soleil de joie rafraichi par un petit vent descendant d’Est, Bradley Wiggins semblait comblé et sans doute ému. «Mon premier objectif, c’était de prendre le maillot jaune», répétait-il, réfutant en quelques mots toute stratégie contraire. Et il confessait à ceux qui n’auraient pas bien compris: «On ne peut pas refuser de prendre le maillot jaune quand on doit le prendre, j’en ai rêvé depuis que je suis gamin, on ne peut pas jouer avec ça…» Les amoureux de La Planche-des-Belles-Filles ne pouvaient qu’apprécier. Le nom charmeur du lieu cache pourtant une histoire légendaire tragique. En 1635, en pleine guerre de Trente Ans, des mercenaires suédois avaient massacré tous les hommes des vallées de la Savoureuse et du Rahin, avant de pourchasser les femmes de la région. Celles-ci se jetèrent dans les eaux du lac pour échapper à leurs bourreaux. Une seule d’entre elle parvint à s’échapper de ce suicide collectif. D’où l’origine du nom: La Planche-des-Belles-Filles.
Bradley Wiggins, so british, connaît désormais parfaitement bien cette histoire…
Le Top 5 au général. 1. Bradley Wiggins (GBR/Sky) ; 2. Cadel Evans (AUS/BMC) à 10" ; 3. Vincenzo Nibali (ITA/Liquigas) à 16" ; 4. Rein Taaramäe (EST/Cofidis) à 32'' ; 5. Denis Menchov (RUS/Katusha) à 54".
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