vendredi 13 juillet 2012

Tour : David Millar, victoire de l'affranchi

Le coureur de chez Garmin a remporté la 12e étape, vendredi 13 juillet, entre Saint-Jean-de-Maurienne et Annonay Davézieux (226 km). Bradley Wiggins toujours en jaune.
David Millar victorieux.
Depuis Annonay Davézieux (Ardèche), envoyé spécial.
David Millar est au superlatif celui qui revient. Qui ne cesse de revenir, plutôt. L’Ecossais, qui dispute cette année son onzième Tour de France, a l’image de «repenti» accolée par tous les journalistes (ou presque). La faute à sa suspension de deux ans pour dopage, en 2004. La faute aussi à ses confessions, puisque, à l’époque, il avait tout déballé (et c'est heureux). La faute, surtout, à son investissement pour la lutte antidopage depuis son retour dans le peloton. Le chronicoeur, qui en connaît en rayon en mafias en tout genre, a toujours préféré les affranchis aux repentis. Pour lui Millar est un affranchi, en tant qu'il s’est émancipé de ses démons de jeunesse…

Hier, c’était donc la journée de l'affranchi. Sur la ligne d’arrivée, le Britannique a devancé au sprint le valeureux Français Jean-Christophe Péraud, une centaine de mètres devant leurs trois compagnons d’échappée, dans l'ordre l'Espagnol Egoi Martinez, le Français Cyril Gautier et le Croate Robert Kiserlovski. Le peloton, lui, s'est présenté tout doucettement avec près de huit minutes de retard…

Pour mémoire, rappelons que David Millar, 35 ans, a déjà porté le maillot jaune, en 2000, après sa victoire dans le contre-la-montre d'ouverture au Futuroscope et qu’il a gagné à deux autres reprises : une étape en ligne à Béziers en 2002 et le contre-la-montre de Nantes en 2003. Dans cette étape de 226 kilomètres, la plus longue de l'épreuve, l'échappée avait pris forme dès le premier col, le Grand Cucheron, au 34e kilomètre, abordé en tête par un groupe de 19 coureurs. «C'était une question de détermination», a déclaré Millar, l’un des rescapés de l’équipe Garmin, qui a perdu trois coureurs depuis le début du Tour. «Sans nos leaders pour le classement général, on a dû changer nos objectifs. Là, c'est la réussite. C'est important pour moi et pour l'équipe. Aujourd'hui, c'est l'anniversaire (du décès) de Tom Simpson (décédé en 1967). C’était mon idole.» Et Millar d'insister: «Je suis un ex-dopé et maintenant je suis propre. Je peux montrer à tout le monde que l'on peut gagner comme ça.»
L'abandon de David Moncoutié.
Signalons au passage que rien ne va plus pour l’équipe Cofidis. Le Français David Moncoutié (Cofidis) a en effet abandonné après avoir été victime d'une spectaculaire chute dans la descente du col du Grand-Cucheron, venant fracasser ses espoirs dans le bas-côté alors qu’il était en chasse derirère le groupe de tête et qu’il allait les rejoindre… Aucune blessure grave n’était à signaler, que des "brûlures" un peu partout sur le corps et pas mal de points de suture. Mais Moncoutié, en larmes, a quitté la route en sachant qu’il avait annoncé, il y a quelques semaines, qu’il s’agissait de sa "dernière apparition" sur la Grande Boucle.

Et à part ça? Un obscur jury mis en place par l’Equipe Magazine et présidé par Bernard Hinault (il sait décidément se porter caution pour tout et n’importe quoi), a désigné «meilleur sprinteur de l'histoire du Tour de France» le Britannique Mark Cavendish, l’homme aux 21 victoires d’étapes – série en cours… L’importance du nombre de victoire a semble-t-il primé par rapport à la légende et aux grandes pages de l’histoire de la Grande Boucle. Dans une interview exclusive donnée au journal organisateur du Tour, l’Anglais ne se trompe d’ailleurs pas en déclarant qu’il s’agit d’«un grand honneur». Et il précise: «Au cours de ma carrière, je n'ai cessé de me souvenir des grands coureurs qui m’ont précédé dans les palmarès, et que, gamin, j'admirais à la télé. (…) J'ai trouvé ma voie dans le sprint. C'est devenu mon job. Ça peut vous paraître ennuyeux, ça ne plaît pas toujours aux observateurs, mais c'est ma façon d'aimer le vélo. Je ne suis pas malheureux d'être un "simple" sprinteur, j'y trouve un grand plaisir.»

Allez un aveu. Un instant, un long instant, le chronicoeur a fermé les yeux. Comme pour conjurer les évidences frelatées d’une époque d’artefacts. Il a repensé, ému, «à l’entr’aperçu d’un monde avant sa fin», pour reprendre l’expression de l’écrivain Philippe Bordas (1). Alors, des noms ont surgi des étoiles, Pélissier, Leducq, Darrigade, Guimard, Maertens… Détrompez-vous. Ce n’était pas une séquence de nostalgie. C'était juste de la mélancolie. Une profonde mélancolie.

(1) Dans « Forcenés », éditions Fayard, 2008.

1 commentaire:

Olivier a dit…

Merci pour ces comptes rendus d'étape, qui nous permettent de prolonger chaque jour par la lecture la geste du Tour, même les jours où l'Humanité ne paraît pas.

Aujourd'hui, Braddley Wiggins donne la leçon à la terre entière dans le Guardian, et trahit une fois de plus ses mauvaises pensées en finissant par une phrase pleine de mépris pour les cyclistes amateurs et pour les travailleurs (http://www.guardian.co.uk/sport/blog/2012/jul/13/bradley-wiggins-dope-drugs).