Depuis Le Cap d’Agde (Hérault).
«Le vélo, c’est un sport de voile», dit souvent Cyrille Guimard. La formule n’est pas qu’ironique. Les rescapés du Tour ont pu s’en apercevoir, ce samedi 14 juillet, dans la grande descente vers la Méditerranée, lorsqu’ils ont affronté un vent si maudit que la fameuse «étape de transition» s’est transformée en journée de toutes les peurs. Et aussi de toutes les étrangetés: celle par exemple de voir le maillot jaune, Bradley Wiggins en personne, mener le peloton pour préparer le sprint de son coéquipier norvégien, Edvald Boasson Hagen (3e).
Durant cette étape de plaine qui, croyez-nous, a rencontré un succès populaire un peu plus visible que ces derniers jours (c'est la vérité), sous la chaleur retrouvée, une échappée de huit coureurs s’était formée en plusieurs temps (Urtasun, Dumoulin, Ladagnous, Morkov et Curvers, Engoulvent et Bouet ensuite, J. Pineau), s’assurant vite près de dix minutes d'avance. En vain. Lorsque survint la seule difficulté du jour, l’ascension tout en rogne du Mont Saint-Clair, sur les hauteurs de Sète (1600 m à 10,2%), placée à 23 km de l'arrivée, tout espoir de victoire en solitaire devenait pratiquement impossible. Car une mini bagarre entre les favoris se déclencha à la faveur d’une attaque de Cadel Evans. Une attaque? Ou plutôt une action désespérée voire désespérante? Car Wiggins, évidemment bien placé, ne demanda même pas le soutient d’un de ses coéquipiers pour revenir au train (pas même à Christopher Froome!). Pas de panique. Aucun signe de lassitude. Le patron contrôle. Pour l'instant.
Dans l’effort final, le gros de la troupe lécha le bord de mer pour rejoindre le Cap d'Agde. Mais le champion du monde, le Britannique Mark Cavendish, distancé dans le Mont Saint-Clair n’y figurait déjà plus. Ce fut donc la voie royale pour l'équipe Lotto et son sprinter de classe, André Greipel, qui n’a eu aucune difficulté pour se mettre à nu et venir enlever sa troisième victoire d’étape et le 84e succès de sa carrière. L'Allemand, natif de Rostock (comme Jan Ullrich), fêtera ce lundi son 30e anniversaire.
Signalons que le peloton français a encore perdu l’un des siens. Sans force depuis trois jours en raison d’une gastro-entérite aigue, Tony Gallopin (Radioshack) a renoncé sur la route du Tour. Après une cinquantaine de kilomètres de souffrance, le neveu d’Alain Gallopin, le directeur sportif de l’équipe américaine, est définitivement monté dans une voiture de son équipe… Nous le retrouverons, si tout va bien, aux prochains Jeux olympiques, où sa pointe de vitesse et sa robustesse pourrait faire des étincelles…
Cyrille Guimard. |
Et à part ça? Cyrille Guimard a donné, ce samedi 14 juillet, une formidable interview au journal l’Equipe où il revient, en particulier, sur la polémique suscitée par l’un des chapitres de son livre (1) où il égratigne Eddy Merckx. Interrogé par mon confrère et ami Philippe Brunel, Cyrille Guimard explique d’entrée de jeu: «J’ai parlé du Merckx que j’ai connu, que nous avons subi dans les pelotons. J’écris, car je me suis relu, qu’il y avait des coureurs plus charismatiques que lui et ça le fâche ! Qu’il n’a jamais fait passer l’émotion d’un Luis Ocana et que, s’il possède le plus grand palmarès, Hinault avait un plus gros potentiel génétique. Là encore, ça le vexe… A aucun moment je ne l’agresse, alors que veut-il ? Qu’on lui dise qu’il est le plus beau, le plus grand, le plus fort ? Merckx le merveilleux ! Dans ce cas, c’est dieu.»
A la question de savoir pourquoi, dans son livre, Cyrille Guimard évoque le fait que Merckx était capable d’exercer des mesures de rétorsion, ce que conteste évidemment le Cannibale, l’ancien patron de l’équipe Renault répond: «Comme tous ceux qui ont le pouvoir, Merckx régnait sur le peloton à travers ses managers, Driessens et Van Buggenhout. C’étaient eux les vrais patrons et sans eux, vous ne faisiez aucun critérium. » Philippe Brunel dit alors à Cyrille Guimard: «Merckx assure qu’il n’a jamais profité de son influence pour évincer, marginaliser un rival encombrant.» Et Cyrille, plus ironique que jamais, de répliquer: « Alors, ça doit être vrai…» A bon entendeur.
(1) « Dans les secrets du Tour de France », éditions Grasset.
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