Depuis l'Alpe-d’Huez (Isère).
L'Alpe en Sky. |
Scène II. A l’avant de la course, entre Gap et l’Alpe-d’Huez
(172,5 km), la traditionnelle échappée entamait la première ascension de l’Alpe,
après avoir digérée trois côtes placées en amont. Parmi nos courageux, trois
Français (Chavanel, Jeannesson, Riblon). Près de huit minutes d’avance sur le
groupe maillot jaune, avec l’Américain Van Garderen en poisson-pilote.
Derrière, pas grand-chose à signaler, sinon une phase d’observation derrière les
équipiers en Sky, à quatre pour protéger leur leader, Christopher Froome. Entracte.
Acte II, scène I. Nous y voilà donc, dans cette fameuse et
désormais célèbre descente du col de Sarenne, tant redouté au point de susciter
quelques polémiques sur son choix. Placée entre les deux ascensions de l’Alpe,
cette pente vertigineuse, inédite sur le Tour, offrait le cadre cabossé et
technique dont pouvait rêver tous les casse-cous. Avant le passage du Tour, d’ailleurs
une réfection totale de cette route en serpentin avait été évoquée, mais les
associations locales de défense de l’environnement s’y opposèrent si fermement
que les autorités y renoncèrent. D’où les interrogations: fallait-il, oui
ou non, infliger semblable asphalte défoncé sous les roues du peloton et dans
un pourcentage impressionnant à dévaler, qui plus est? Dans leur volonté
d’innovation, les organisateurs de la Grande Boucle avaient tenu bon. Tant
mieux. Le spectacle fut à la hauteur de nos peurs. Suspense.
Scène II. On aurait pu légitimement croire que le vide, omniprésent au bord de cette chaussée étroite et dépourvue du moindre parapet, tétaniserait nos héros. Ce ne fut pas vraiment le cas. Certains, pour lesquels il s’agit bien d’une ivresse, d’une drogue, s’y jetèrent à corps perdus et à fendre l’âme, sans trop regarder le précipice sur leur droite. Dans Sarenne, le manque d’adhérence était le principal ennemi des craintifs, qui plongeaient temporairement dans le doute et l’isolement. Comme prévu, Alberto Contador (Saxo) tenta le coup de force dans la pente avalée à tombeau ouvert, flanqué de son compère Roman Kreuziger. Triste bilan. Une vingtaine de secondes d’avance sur le groupe maillot jaune. Avant de rentrer dans le rang! Drame.
Acte III, scène I. Retour dans l’Alpe, définitivement cette
fois pour une montée sèche. Place aux grimpeurs et aux costauds. Ceux qui
oublient les calculs, se livrent sans réserve et s’échafaudent sur leurs
propres croyances. Dès les premiers kilomètres, exit Bauke Mollema et Laurens
Ten Dam (Belkin). Puis Chris Froome, qui éprouvait sans doute l’impatience des
limites, entra lui-même en action. Il porta une attaque et, avec son lieutenant
Richie Porte, emmena le Colombien Nairo Quintana (Movistar) – ce dernier en
profita pour s’éclipser vers les cimes. La salve de Froome fut mortelle pour
Contador et Kreuziger, lâchés à dix kilomètres du sommet. L’Anglais nous composa
alors son meilleur rôle : l’homme victime de fringale et à la limite de la
rupture, capable néanmoins de reprendre près d’une minute à son dauphin. Ne plaisantons
pas. Au général, le maillot jaune dispose désormais de 5'11" d'avance sur
Contador et de 5’32’’ sur Quintana, qui se hisse sur le podium. Applaudissements.
Christophe Riblon. |
Epilogue. La Sky a annoncé qu’elle communiquerait les
données chiffrées des performances de Froome à l’Agence mondiale antidopage. Et
l’UCI a procédé à un contrôle inopiné de tous les vélos utilisés hier. Rideau.
[ARTICLE publié dans l'Humanité du 19 juillet 2013.]
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