Mario Draghi. |
Ne plaisantons pas. L’information s’avère assez capitale.
Primo sur le plan technique, puisque les États concernés pourront bénéficier d’un peu d’oxygène, même si la «stricte conditionnalité» des interventions de la BCE, autrement dit les contraintes, a été rappelée avec force, comme s’il fallait rassurer les dirigeants de la Bundesbank qui n’ont cessé de ferrailler contre cette idée, contraire, à leurs yeux, au mandat de l’institution. Pour Draghi, pas question d’ailleurs que la BCE rachète des emprunts d’État si les pays concernés n’ont pas d’abord fait appel aux fonds de secours. Or, le recours à ces aides exige de tels sacrifices que l’Espagne, pour ne citer qu’elle, hésite à accepter ces conditions. La péninsule Ibérique subit déjà un plan d’austérité destructeur: 102 milliards d’euros «d’économies» à réaliser d’ici à 2014…
Secundo sur le plan idéologique. Une brèche vient de s’ouvrir dans l’orthodoxie dominante. La BCE pouvait intervenir sans le dire, mais son principal responsable a choisi de le déclarer publiquement. La nuance n’a rien de symbolique. Si ce mode de «communication» reste avant tout dicté par des impératifs doctrinaires – apaiser les tensions sur le marché de la dette –, il est aussi lié à la réalité de la crise actuelle. Les économies de la zone euro sont de nouveau au bord du gouffre, les prévisions de croissance sont revues à la baisse et les taux de chômage s’envolent vers des sommets qui nous renvoient aux heures sombres de l’histoire. Voilà pourquoi le fragile numéro d’équilibriste engagé par Mario Draghi ne nous impressionne pas. Les menaces d’éclatement de la zone euro étant ce qu’elles sont, l’intervention de la BCE était devenue un passage obligé. Quitte à s’asseoir sur les dogmes d’hier…
En laissant comprendre que le financement des dépenses publiques par la BCE était non seulement possible mais indispensable, un petit tabou vient donc de vaciller: bien d’autres devront tomber pour sortir de l’Europe austéritaire qui conduit une partie du Vieux Continent tout droit à la catastrophe! Car nous sommes encore loin, hélas, d’une BCE jouant pleinement son rôle en rachetant et refinançant la dette des États – et pas uniquement sur le marché secondaire – pour baisser radicalement et immédiatement les taux d’intérêt ! Les peuples en souffrance savent, eux, que ce dispositif ne suffira pas à inverser la tendance, d’autant que nous sommes tous de nouveau menacés par un traité scélérat. Le pacte budgétaire, s’il était adopté, risque en effet de nous cadenasser dans une austérité à perpétuité. L’OPA hostile de la finance sur les démocraties s’imposera-t-elle aux peuples sans que ceux-ci aient droit au chapitre? Alors que le modèle européen est à bout de souffle, s’unir pour obtenir un référendum devient un impératif absolu pour empêcher que les puissants reféodalisent les États-nations en anéantissant ce qu’il reste des souverainetés populaires.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 7 septembre 2012.]
1 commentaire:
Ah, voici le retour du blogeur !!! Nous sommes prêts pour une année importante...
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