De quoi le cas Éric Woerth est-il le nom? Au-delà de l’homme et de son pitoyable destin de porte-tiroir-caisse de la Sarkozye triomphante, la trajectoire de l’ex-trésorier de l’UMP donne à voir l’abîme vertigineux entre les postures et les actes de ceux qui nous gouvernent depuis trop longtemps, subordonnés à des puissances qui n’ont qu’un lointain rapport avec les vertus républicaines. Suspecté d’avoir perçu de la milliardaire Bettencourt des sommes dépassant le plafond légal, lors de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, Éric Woerth est aujourd’hui un ancien ministre déchu, qui n’a pourtant pas perdu l’oreille du président. Et que nous dit la bande-son de ce monde caché? Que la République agonise. Mortellement blessée d’avoir été salie de fond en comble depuis cinq ans…
Jusqu’à son arrivée à l’Élysée, Sarkozy avait toujours réussi à échapper – en apparence – au cancer des «affaires», à la corruption passive ou active, aux conflits d’intérêts. Mais l’étau s’est, depuis, resserré autour du Palais d’où se dégage une haleine fétide. Comme aspiré par sa propre logique, la Sarkozye a en effet sombré en révélant sa vraie nature, un précipité de vulgarité, de voyous en smoking, d’impudence des comportements ordo-libéraux, de fric et de strass.
Ne le cachons pas. Les «affaires», elles aussi, sont emblématiques du sarkozysme et témoignent de la domination des intérêts privés sur l’intérêt général. Comme si la puissance en euros des copains et des coquins s’était imposée partout, projetant sur l’Hexagone, avec une cruauté absolue, une lumière aveuglante sur une morale publique totalement dévoyée. La République «irréprochable» vantée sur tous les tons par Sarkozy est aujourd’hui irrespirable. Que les donneurs de leçons en civilisation apprennent à se taire!
Les mots ne résistent pas à l’énumération des signes cliniques, si nombreux qu’ils pourraient occuper toutes les colonnes de ce journal. Comment oublier toutes les «affaires», Woerth, Bettencourt, Karachi, Takieddine, les scandales Tapie, Wildenstein, Joyandet, les voyages d’Alliot-Marie en Tunisie, la nomination de Jean Sarkozy, les condamnations d’Hortefeux… sans parler des amis placés ici et là, de l’espionnage des journalistes et autres fadettes, des tentatives de mise au pas de la justice, etc. La collusion entre les arcanes du pouvoir et les puissances de l’argent a tout simplement viré à la putréfaction idéologique, au médiocre et au somptuaire mêlés. L’explication tient en un mot. L’oligarchie. Et rien d’autre. Du Fouquet’s en passant par le yacht de Bolloré, comme scènes primitives, aux liaisons dangereuses avec les milliardaires et les puissants, comme scènes quotidiennes, la Sarkozye n’est que la triste illustration d’un vieux dicton vérifiable entre tous: le poisson pourrit par la tête.
Les amoureux «de la» politique et du bien commun le savent: les «affaires», par nature et conséquences, salissent la chose publique, nourrissent le populisme et le «tous pourris», éloignent les citoyens des engagements de la Cité… Les souillures sont nombreuses, mais il est plus que temps de se débarrasser de l’agenda sarkozyste, qui, depuis 2007, a favorisé le terrain de la démagogie, des mensonges, de la xénophobie, de la division et de l’atomisation sociale… Jean-Luc Mélenchon a raison: la vertu principale dont nous avons besoin est le courage. Courage des engagements collectifs. Courage d’une vision du monde. Courage d’un régime – une nouvelle République – qui appréhenderait la société comme une totalité et lui proposerait un destin, au moins un à-venir, et pas seulement un simple futur de survie.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 9 février 2012.]
(A plus tard...)
1 commentaire:
Qu'il dégage !!!
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