Élysée, son beau Palais: quand l’annonce du minable remplace la promesse d’un destin, l’être-ensemble désintéressé s’efface pour céder la place à un océan de haines démonté. Palais, son beau miroir: quand la démocratie ne désigne plus la capacité à mener collectivement des luttes pour le bien commun mais à imposer avec violence des luttes entre personnes, pour rien, sauf le profit de quelques-uns. Oui. La pente est à l’odieux. Et si Nicolas Sarkozy, depuis cinq ans, nous a familiarisés avec l’infâme à tous les étages, il a franchi ces derniers jours une nouvelle frontière de l’inacceptable en choisissant ses thèmes de précampagne – et le pire reste sûrement à venir.
Dans sa ligne de mire: les chômeurs, la famille traditionnelle et les étrangers. Sa longue explication dans le Figaro Magazine donne la nausée. Le prince-président y évoque les «valeurs» (sic), celles d’une droite extrême architecturées comme sur un champ de bataille. Officiellement décryptée, la feuille de route ressemble à la suivante : travail, responsabilité, autorité. Autant de marqueurs qui obscurcissent l’horizon et nous confirment dans notre conviction que cette droite-là, prise dans un mouvement d’involution qui stupéfie d’effroi, n’en a décidément pas fini avec la vieille France rance et réac. Que voulez-vous. Lorsque Sarkozy claironne «liberté, égalité, fraternité», nous avons la douloureuse impression qu’il pense «travail, famille, patrie»…
Est-ce outrage que de l’écrire? Vraiment pas, croyez-nous. Poussé dans les cordes par un bilan catastrophique et des sondages toujours en berne, Sarkozy a donc décidé d’accélérer sa logique du «choc idéologique». Arrivé au dernier tour de la course, comme s’il jouait là le va-tout d’une classe dominante, il a choisi l’option la plus à droite. Sous le président qui s’agitait, l’idéologue n’était jamais endormi.
À la faveur d’une campagne dont il est contraint par les circonstances d’emboîter le pas, il révèle une fois de plus sa vraie nature: l’ordo libéraliste avéré est aussi un nationaliste maurrassien poujadiste tendance post-vichyste. Dans quelques jours, le prince-président sera candidat à sa succession. D’ores et déjà, tout est bon pour conserver le pouvoir et brutaliser les consciences, quitte, au nom de ses «valeurs» prétendument supérieures comme celles de «sa» civilisation sans doute, à tourner le dos à la République. Après avoir aplani les digues avec le Front national, il les enfonce à la pelleteuse pour dégager le chemin et mélanger les idées jusqu’à les confondre. Cette politique de terre brûlée ne vise qu’à accréditer l’extrémisme frontiste. Honte à ces minables manœuvres désespérées! Honte à cet homme à bout de souffle qui ose appeler au référendum pour insulter les chômeurs et les étrangers!
Fusionner les idéologies de droite et de son extrême semble être le but. Dans son camp, certains s’en étonnent, Bayrou, Borloo ou Villepin. Douste-Blazy, lui, ne voit pas «comment un centriste peut voter Sarkozy». Ainsi la comédie des droites se poursuit. Des mots en chassent d’autres. Mais pendant ce temps-là, les serviteurs au pouvoir de la droite extrême continuent de jouer sur la peur et la stratégie du bouc émissaire permanent, divisant les citoyens, avançant démasqués sur tous les sujets, voulant même faire voter au forceps la TVA dite «sociale» ou le paquet «compétitivité», qui rognent encore le pouvoir d’achat et les droits des travailleurs… Face à la voie du déshonneur, une seule solution: un changement. Pas une simple «alternance». Un changement. De grande ampleur. Façon révolution citoyenne.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 13 février 2012]
(A plus tard...)
4 commentaires:
Voilà, tout est dit ou presque. Cette france-là a de quoi nous faire peur, très peur même. Une réélection de Sarko serait catastrophique.
MICHEL
Il y a quelques années,le nabot n'étant pas encore roi,je mettais en garde les gens en disant que voilà un beau dictateur pour la France. Beaucoup de camarades me disaient qu'il ne fallait pas sortir ce genre de paroles.Il est vrai que très peu pensaient que le nabot puisait sa doctrine chez Charles Maurras et Léon Daudet,et que sa logorrhée verbale n'avait rien à envier à celle d'un Doriot. Comme on dit,l'Histoire ne se répète jamais,pourtant,ça y ressemble. Alors,la seule solution est le vote utile,c'est à dire le Front de Gauche.
Merci à JED pour toutes ses analyses qui en ce moment font un bien fou pour ne pas perdre pied. Son article de ce matin sur Mélenchon est absolument étonnant d'intelligence.
ROBERT
Début d'article absolument fascinant d'intelligence et de talent de plume. Vraiment.
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