L’absorption de Suez par Veolia, outre qu’elle n’a aucune logique industrielle, démontre que l’État n’a plus prise sur ces entreprises absolument stratégiques.
Après la tentative d’OPA, la guerre des communiqués durant des mois et d’âpres négociations dans les alcôves du pouvoir, Veolia et Suez ont donc annoncé que leurs conseils d’administration respectifs venaient de conclure sur les conditions du rapprochement des deux groupes. Le communiqué – une sorte de caricature du capitalisme appliqué – ne laisse aucune place au doute : les entreprises se sont mises d’accord sur un prix d’achat de 20,50 euros par action Suez, contre 18 euros que Veolia proposait initialement.
Dans ce grand jeu de Monopoly, le seul intérêt est financier, à court terme. En proposant plus de 20 euros par action, alors que le cours de Suez se traitait à 12,24 euros fin août, Veolia provoque surtout le bonheur des investisseurs spéculatifs, qui n’aiment rien tant que les opérations de fusions et acquisitions permettant d’empocher une prime rapidement…
La main sur le cœur, les dirigeants affirment que ce projet permet la constitution d’un «nouveau Suez», qui devrait constituer un «ensemble cohérent sur le plan industriel et social». Les salariés de Suez, hélas, ne se bercent pas d’illusions sur les conséquences de cette opération capitalistique et savent qu’ils devront lutter pour ne pas devenir la variable d’ajustement des actionnaires.
L’absorption de Suez par Veolia, outre qu’elle n’a aucune logique industrielle, démontre que l’État n’a plus prise sur ces entreprises absolument stratégiques. Entre changement d’époque et accélération du processus ultralibéral, la logique coulait déjà dans les tuyaux : nous passons de la marchandisation à la financiarisation de l’eau, de la collecte et du traitement des déchets. Les usagers comme les responsables des collectivités ont de quoi se montrer inquiets, eux aussi, devant tant de pouvoir accordé à un unique opérateur privé – ce qui donne, au passage, du crédit à toutes les municipalités qui remettent en régie la gestion de l’eau. Car, voilà bien l’enjeu : l’eau est un bien commun de l’humanité. En France, plus que jamais, elle devrait être gérée par un grand service public, affranchi des magouilles financières. Une simple illustration ? Après l’annonce des entreprises, les titres Suez et Veolia se sont littéralement envolés. Cynique Monopoly…
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 13 avril 2021.]
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