Précarité? La meilleure alliée de la pandémie… Si elle ne nous étonne guère, l’étude réalisée par Médecins sans frontières (MSF) entre le 23 juin et le 2 juillet, la toute première du genre en France et en Europe, donne froid dans le dos et éveillera peut-être quelques consciences bien éteintes: plus d’une personne sur deux en grande précarité, pour l’essentiel des migrants, a donc été infectée par le Covid-19. Un taux parmi les plus élevés jamais observés. Ces résultats impitoyables démontrent une prévalence énorme, supérieure à ce que les spécialistes peuvent observer en Inde ou dans les bidonvilles du Brésil. La principale raison fut, bien sûr, la promiscuité des conditions d’hébergement, celles-ci ayant généré des foyers épidémiques à l’aube du confinement généralisé. Ce fameux confinement qui, à travers sa tentative de romantisation, fut souvent vécu comme un privilège de classe…
MSF se veut formel. Le risque d’être infecté au coronavirus dépend de la gestion de chaque site et du profil des individus, perdus dans le très grand dénuement. Dans les centres d’hébergement, les moyennes de contamination varient de 23% à 62%. Elles sont de 18 à 35% pour les sites de distribution alimentaire, là où l’organisation a rencontré des précaires, sans-abri ou simplement des personnes n’ayant pas les moyens d’accéder aux soins. Rappelons que le taux de positivité de la population générale oscille plutôt entre 5 et 10%…
Par ailleurs, toutes les enquêtes sur les inégalités en attestent. Face au Covid-19, la précarité s’avère un facteur grave de comorbidité. Il y a cinq mois, les élus de Seine-Saint-Denis avaient exprimé leur colère devant la «surmortalité exceptionnelle» de leur département, le plus pauvre de France, de 118,4% supérieure aux autres. La brutalité de la crise sanitaire et sociale risque encore de redoubler. La semaine dernière, le Secours populaire français a alerté sur une flambée de la pauvreté, sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Nous savons désormais que ces mêmes citoyens atteints de précarité sont les plus contaminés. Une sorte de double peine. Ils étaient les damnés de la société, les voilà aussi damnés du virus.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 7 octobre 2020/]
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