Amalgames caricaturaux, ces poisons de la pensée… «La plupart sont de faux mineurs», «France débordée», «coût exorbitant», «tous voleurs, assassins et violeurs»… Nous connaissons les discours et l’instrumentalisation politique dont font l’objet les mineurs exilés, qualifiés d’«isolés», qui ont traversé des tragédies pour venir jusqu’à nous. Pourtant, loin des fantasmes, se niche une tout autre réalité moins conforme aux harangues de peur. Dans la grande majorité des cas, ces êtres humains trouvent non seulement le réconfort mais aussi l’aide nécessaire pour l’intégralité d’un parcours d’insertion: hébergement, soins, apprentissage de la langue, scolarisation, formation. Autrement dit, la construction ardue et fragile de projets de vie.
Nous ne nierons pas les difficultés. Mais tout de même! Quand ces mômes échouent dans leurs parcours malgré leur désir d’intégration et qu’ils se retrouvent à errer dans les rues, à qui la faute? Nous pourrions égrener sans fin les manquements de la France et les injustices dont sont victimes ces mineurs à qui notre pays, en vertu de la convention internationale des droits de l’enfant, doit assistance et protection jusqu’au jour de leur majorité. Ces dernières années, les structures en charge d’accueillir ces gamins dans les départements, mais aussi l’éducation nationale, la justice ou la police aux frontières ont œuvré chacune à leur manière pour juguler le flux plus important des effectifs, sans jamais rehausser l’offre de soutien ni les moyens. Une entrave insupportable à la légalité. Car l’implacable logique d’exclusion provoque le pire. D’abord, elle laisse des centaines d’exilés livrés à eux-mêmes pour survivre, avec ce que cela suppose. Ensuite, elle devient une machine à briser des vies et des rêves.
L’État a beaucoup de manières pour honorer la patrie des Droits de l’homme. L’une d’elles est de ne jamais rejoindre la cohorte des bourreaux de l’espérance. Une autre est d’épauler plus faible que soi. Dans ce tableau, entre ombres et lumières, la dignité et le courage des bénévoles et de nombre de professionnels imposent au moins le respect.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 12 octobre 2020.]
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire