En cette époque où le choix du significatif est fonction du degré de présence à l’écran, il est des images qui restent plus que d’autres. Comment interpréter les mimiques significatives de la ministre de la Culture et élue mosellane, Aurélie Filippetti, invitée à commenter l’avenir sidérurgique de sa région alors qu’elle venait à Lens pour inaugurer l’écrin du Louvre décentralisé? Elle déclara d’abord sans aucune hésitation: «Il n’y a pas de confiance dans Mittal. Cela fait quatre ans que je suis aux côtés des salariés, la parole de cet industriel ne vaut rien.» Avant d’ajouter, bien sûr, qu’elle avait une «confiance absolue» dans la gestion du dossier Florange par le chef de l’État. Les images peuvent passer ; les mots obligent. Alors que de nombreux députés socialistes expriment de moins en moins sourdement leurs «troubles» devant les décisions économiques du gouvernement, Jean-Marc Ayrault est venu en personne, hier, s’expliquer devant eux. Pour lui, un seul objectif: démentir «de la façon la plus solennelle» tout accord secret avec Lakshmi Mittal, alors que ses services, à Matignon, refusaient de délivrer la moindre information et répétaient jusqu’à l’absurde qu’«un accord industriel entre l’État et un opérateur privé n’a pas à être rendu public». Qu’y a-t-il donc à cacher?
Le premier ministre n’a pas répondu à ses anciens collègues du groupe socialiste, pourtant, il attendait de ces derniers une discipline totale pour soutenir son projet de loi de finances rectificative. Pas simple.
Quand on est vraiment de gauche, comment voter sans états d’âme, même au nom de la «compétitivité», un crédit d’impôt de 20 milliards accordé aux patrons sans aucune condition, qui plus est financé par une hausse de la TVA? Le pouvoir avait-il besoin de l’alibi du rapport Gallois pour faire passer la pilule de son reniement? Avouons que le moment politique est assez terrifiant pour François Hollande. Tandis qu’une longue lignée le pousse dans le dos pour lui rappeler le 6 mai – nous avons de qui tenir –, ses arbitrages s’alignent systématiquement sur le dogme austéritaire et battent en brèche de bonnes idées – nationalisations et expropriations, nous verrons ce qu’il en sera des réquisitions… Car, pendant ce temps-là, comme un signe d’impuissance, 1 500 chômeurs supplémentaires viennent chaque jour grossir les statistiques macabres, chiffres d’autant plus effrayants que le nombre de personnes indemnisées progresse deux fois moins vite que le chômage… Soyons sérieux. Où trouver la véritable cause des destructions d’emplois? Dans le fameux «coût du travail»? Ou dans celui du capital, que François Hollande dénonçait parfois durant sa campagne? Devant nous, déjà, voici l’image figée d’un président au pied du mur de ses contradictions idéologiques. Et comme disait René Char: «Le temps vu à travers l’image est un temps perdu de vue.»
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 4 décembre 2012.]
1 commentaire:
Merci JED pour cette fin d'article - fin terrible pour Hollande et le gouvernement. Mais il ne mérite pas mieux: Hollande est perdu de vue. En effet.
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